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Escapades estivales à Saint-Paul de Vence

Entreprendre - Escapades estivales à Saint-Paul de Vence

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De notre envoyé spécial Antoine Bordier

Situé dans les Alpes-Maritimes, à une petite demi-heure de Nice, le village attire toujours les amoureux de cette région unique en France, où les artistes tutoient les paysages sur fond de mer, de pinèdes et de pitons rocheux. Escapades artistiques dans les ruelles de la cité médiévale où les ombres de Montand et de Signoret planent encore.

Il y a 50 ans, Yves Montand, Ivo Livi, et Simone Signoret, Simone Kaminker, se disaient « oui », devant le maire de l’époque, Marius Issert. C’était le 22 décembre 1951. A la gauche d’Yves se tenait Jacques Prévert. Les deux hommes avaient plusieurs points communs : l’amour des lettres et de Saint-Paul de Vence. Le poète était, aussi, chansonnier. On se souvient de sa chanson Les feuilles mortes que chantait Montand.

Autre point commun : le cinéma, puisque Prévert était scénariste. Dans les années 30, avant de rencontrer Montand, il collabore avec le réalisateur Marcel Carné, le compositeur de musique de films Joseph Kosma, et, le décorateur Alexandre Trauner. Finalement, les deux hommes se rencontrent en 1946 à l’occasion du film Les Portes de la nuit. Yves Montand doit remplacer Jean Gabin, la star indétrônable. Le film sera un bide. Mais une amitié est née entre Jacques et Yves. Elle n’aura pas de fin. Elle vivra au rythme des multiples escapades à Saint-Paul de Vence. Là, presque cachée dans l’arrière-pays niçois, la cité médiévale est devenue le rendez-vous obligé des artistes, des comédiens, des peintres et des sculpteurs. En 1948, Yves Montand y est invité pour la première fois par Jacques Prévert.

Il ne sait pas que Simone Signoret vient d’y emménager avec son mari, le réalisateur Yves Allégret. Un an plus tard, c’est le coup de foudre pour les deux étoiles montantes du cinéma, qui partagent un repas à la Colombe d’Or. La foudre s’abat sur eux. Sur le couple de Simone, devenu une famille avec l’arrivée de la petite Catherine. Impossible de lutter contre cette passion dévorante, qui vient toucher en plein cœur un Yves resté seul depuis sa rupture avec Edith Piaf, la Môme. Nous sommes le 19 août 1949. Simone écrira dans ses mémoires : « En quatre jours, il s’était passé une chose fulgurante, indiscrète et irréversible. »

Le petit paradis de la Colombe d’Or

Impossible, non plus, de passer à côté de la célèbre auberge familiale. La famille Roux, c’est toute une histoire, toute une épopée où les papilles et les sens partagent des émotions intimes, réservées. L’art et la gastronomie s’y mêlent, s’y entremêlent, comme nulle part ailleurs, sur les murs, dans les chambres, dans les grands salons, ou sur la grande terrasse, couverte en partie par une toiture végétale. Le décor est magnifique. En poussant la grande porte en bois, on entre comme dans un musée, un lieu légendaire. Les vieilles pierres de l’auberge semblent transpirer des chuchotements et des secrets. Elles voudraient parler. Elles sont bien vivantes. Comme François Roux qui représente la 3è génération. Il fait partie des murs.

« L’auberge a été fondée par mon grand-père, après les années 1920. Elle a pris son essor à la sortie de la guerre mondiale, avec la venue des artistes, peintres et sculpteurs dans un premier temps. Ne me posez pas la question pourquoi elle s’appelle la Colombe d’Or, même mon père, qui a 92 ans, n’a jamais su me le dire. Au début, nous avions un pigeonnier avec des colombes. Mais, elles n’étaient pas en or. Les pigeons étaient blancs », s’amuse-t-il à raconter.

A 67 ans, le petit-fils, aux yeux bleu-gris qui pétillent, feuillette l’histoire familiale. Il parle de son grand-père, Paul, gazé pendant la Grande Guerre, qui avait acheté une maison de village pour se reposer. « Il ne pouvait plus faire le paysan. Il a commencé, ici, par un genre de bistrot et de dancing. Au début, cela s’appelait ‶ A Robinson ″. » En 1930, son grand-père change le nom du bistrot et le transforme en auberge. Il l’agrandit. Son fils, Francis, reprend la suite. Il se lie d’amitié avec Yves Montand. François s’en souvient : « En hiver, il mangeait avec nous dans le salon. Pour moi, c’était un peu comme mon oncle. C’était l’ami intime de mon père. Au début, mon père partait sur les routes avec lui.

C’étaient les troubadours des temps modernes. Nous sommes à la fin des années 40. Mais avant Montand, c’est Jacques Prévert, qui est venu ici le premier. » La Colombe d’Or était la cantine des artistes comme Braque, César, Matisse, Picasso et tant d’autres. Ils venaient chercher l’inspiration et la lumière. Ils continuent à venir, encore aujourd’hui, et, laissent leurs œuvres sur les murs de la célèbre auberge.

Dans les ruelles de la cité

Passé ce lieu emblématique, qui se situe juste à l’entrée de l’enceinte médiévale, l’escapade continue. Sur la droite se trouve une place où tout ce beau monde artistique jouait à la pétanque. C’est là, sur la Place De Gaulle qu’Yves Montand a immortalisé Saint-Paul de Vence, en jouant avec Lino Ventura ou encore avec Georges Géret. En ce mois de juillet ensoleillé, les joueurs de boules se font plus jeunes. L’ambiance est familiale, touristique et joyeuse. Paolo et Cristina viennent d’Italie. « Nous nous sommes mariés cette année à l’Eglise.

Et, nous venons, ici, pour la première fois. Nous sommes en voyage de noces. » Paolo lance sa boule, qui roule sur le sable blanc du boulodrome. Elle vient percuter le cochonnet. Après les parties de pétanque (« interminables », se souvient François), Yves Montand et ses compagnons s’asseyaient à la terrasse du café. Simone était-là. Elle jouait aussi. Puis, le couple remontait chez lui, chez Simone exactement. L’escapade traverse les épaisses murailles des remparts. Le pavement est finement orné de petits galets multicolores. Passez le porche d’entrée, vous déambulez dans les ruelles bordées de galeries d’art, de boutiques de souvenirs, de restaurants, de maisons de plain-pied. Comme celle de Simone Signoret, qui se trouve à 50 m de la collégiale, au n°2 de la montée de la Castre, non loin de l’Office de Tourisme.

Sandrine Léonard en est la directrice. Avec son équipe charmante (que des femmes !), elle vante les atouts de la cité. « L’association a 62 ans. Notre rôle est d’accompagner et de faciliter la vie des acteurs du tourisme. Nous avons un très beau patrimoine historique et artistique. Dans les années 20, c’est le petit tramway qui a permis d’attirer de nombreux artistes venus avec leurs toiles et leurs peintures sous le bras. Cela correspond, d’ailleurs, à l’ouverture de l’auberge. » Avec son sourire local, Sandrine Léonard parle des lumières, des couleurs de la cité, de la nuit et du jour, sources d’inspiration. Elle, qui vient de Calais, du nord de la France, a été attirée par la lumière du lieu. Son mari, Olivier, est un guide de montagne. La petite famille a fait le grand saut, il y a 20 ans, définitivement. Sandrine a commencé à enseigner la géographie du tourisme. Puis, elle est entrée à l’office. Elle nous parle de la culture des fleurs, de la rose et de l’œillet, du vin. Elle s’arrête pour évoquer les artistes et les fondations d’art, celle de Maeght, celle de Cab. Elle évoque le passé religieux.

La collégiale, le maire et Le Tilleul

La balade continue en gravissant une trentaine de marches qui mènent à la collégiale. Sandrine avait prévenu : « N’oubliez pas de passer à la collégiale de la Conversion-de-Saint-Paul. Elle est remarquable de par son architecture. » En haut des marches, l’édifice se dresse imposant, comme s’il était un élément rocheux, érigé en forme de piton. Sa pierre blanche, extraite des carrières locales, invite à voyager entre le 14è et le 18è siècle. A l’intérieur, le silence est mystique. La balade devient pèlerinage. La halte spirituelle peut se faire dans les chapelles Saint-Matthieu et Saint-Clément. La particularité de cette collégiale, prévue pour les 300 âmes (de l’époque, aujourd’hui 10 fois plus) du village, est qu’elle est très mariale. Un superbe tableau représente la Vierge Marie donnant son chapelet à saint Dominique. C’est Notre-Dame du Rosaire.

En sortant de l’église, je retrouve Jean-Pierre Camilla, qui entame sa deuxième année en tant que maire. Il faut dire que c’est un enfant du pays. « Je suis né, ici, en 1959, 23 rue Grande. Et, j’y habite toujours », annonce-t-il en souriant, l’air espiègle. Il connaît chaque rue, chaque recoin, chaque personnalité, chaque citoyen. « Mon papa était le dernier boulanger de Saint-Paul de Vence. J’ai grandi au milieu de la farine, du pain, des viennoiseries. Mais, aussi, des vignes et des champs de fleurs. J’ai de nombreux amis d’enfance, comme François Roux », explique-t-il. Le maire a fait toute sa carrière professionnelle à Nice, chez Air France. Son prédécesseur, Joseph Le Chapelain, dit de lui que c’est un « homme d’action qui est très proche des gens. Il est plus dynamique que moi ! » Il a de grandes ambitions pour le village, malgré la pandémie. Il souhaite pour autant sauvegarder l’authenticité de Saint-Paul. Il parle de Michel Boujenah, l’un de ses concitoyens. « Il est très apprécié dans le village », ajoute-t-il. Il y a, aussi, le sculpteur Levy, qui vient de s’installer. La personnalité du moment est une Coréenne, Madame Kim. Bref, la vie d’artistes semble ne jamais s’arrêter à Saint-Paul de Vence.

La balade avec le maire s’arrête devant chez lui, intra-muros. En redescendant, impossible de ne pas rencontrer le maître du restaurant Le Tilleul, Fredrik Widenfels. Suédois, il est arrivé à Saint-Paul à l’âge de 7 ans, dans les années 70. Serveur à la Colombe d’Or, à l’âge de 22-23 ans, il reprend ce qui est à l’époque un bar-tabac. Le nom de son restaurant vient du fait que sa terrasse est protégée par un tilleul majestueux, plus que centenaire. Il se souvient de ses années à la Colombe d’Or où il avait servi Roger Moore, Richard Gere. Avec cette dernière halte, les escapades artistiques et gourmandes se terminent. En repartant vers Cannes où se rend Michel Boujenah pour la clôture du célèbre festival, Saint-Paul de Vence ressemble à un petit confetti de paix où se marient les arts, la culture religieuse et contemporaine, la gastronomie, le tourisme, et…la parfumerie. Avec, notamment, la Maison Godet, relancée par Sonia du même nom…Elle a quitté sa prestigieuse carrière chez Cartier aux Etats-Unis, pour relancer cette maison, dont l’aventure familiale a démarré dans le cognac…il y a 15 générations ! A découvrir lors d’une prochaine escapade…

Reportage réalisé par Antoine BORDIER, Consultant et Journaliste Indépendant


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