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Conflit israélo-palestinien : au Liban, la vie continue malgré les risques encourus

C’est un peuple aguerri qui vit ici, à Beyrouth. L’ensemble des Libanais rencontrés sont conscients du risque. Cependant, ils n’ont pas peur. L’ancien Président de la République, Michel Aoun, prédit une prochaine guerre au Liban. Mais, il ne sait pas quand. Le Premier ministre démissionnaire, Najib Mikati, ne donne plus de signes de vie depuis sa rencontre avec Erdogan. Reportage sur un conflit qui pourrait mettre le feu à tout le Proche et Moyen-Orient.

Copyright des photos A. Bordier

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De notre envoyé spécial Antoine Bordier

« Vous ne devez pas aller dans le sud, c’est trop dangereux », conclut Antoine Mdawar, le directeur de l’école Saint-Pierre située dans la montagne libanaise, à Baskinta. Ce village perché à 1300 mètres d’altitude est à l’abri, à 3 heures, à vol d’oiseau, très loin, des obus tirés par Tsahal en réponse aux roquettes des forces armées du Hezbollah.

Dès le 8 octobre, ces dernières ont envoyé leurs premières bombes sur le nord d’Israël. Naji Farah qui connaît bien la région, et qui accompagne, en tant que guide, un groupe de touristes italiens – les rares à ne pas avoir annulé leur séjour – précise : « Oui, le Hezbollah bombarde le nord d’Israël, et Tsahal a répondu en ciblant les fermes de Chebaa, au début ». Sur la carte, ces fermes, d’où l’on aperçoit le grand mur d’enceinte fixant la frontière entre les deux pays, ressemblent à un immense champ de cultures, où les habitations sont quasiment inexistantes. Naji ajoute : « Je dois aller à Tyr avec mes touristes, mais je vais annuler ». Pour l’heure, il emmène ses touristes en excursion dans la montagne proche de Beyrouth.

Le 13 octobre, Israël a bombardé le sud-ouest du Liban, dans la région de Tyr, justement. Ces bombardements ont eu lieu aux abords du village d’Alma el-Chaab. Un journaliste a été tué et six journalistes ont été blessés. Il s’agit de Issam Abdallah, de l’agence Reuters. La vie de ses collègues blessés, Thaer Al-Sudani et Maher Nazeh, n’est pas en danger. Ni celle des journalistes d’al-Jazeera et de l’AFP.

Depuis le 7 octobre, depuis cette effroyable incursion des troupes du Hamas en Israël, le risque de voir le conflit dégénérer en une guerre globale qui toucherait le Liban et la Turquie au nord, l’Egypte et la Jordanie, au sud, la Syrie à l’est existe bel et bien. Sur une échelle de risque entre 1 et 10, il se situe entre 4 et 6.

Le 7 octobre noir et les enjeux

Dans les coulisses de la mort, enfouies sous les terres du Hamas, depuis des mois, des troupes d’élites travaillent dans le plus grand secret sur un projet des plus machiavéliques. Officiellement, l’Iran et le Qatar ne sont pas informés de ces préparations guerrières, plus ou moins diaboliques, qui vont mettre le feu à toute une région qui avait du mal à retrouver un peu de paix. Mais, ces deux pays, l’Iran et le Qatar, directement et indirectement, financent par centaine de millions de dollars l’effort de guerre. L’enjeu est simple : il s’agit de détruire Israël. D’effacer ce petit pays de près de 10 millions d’habitants, plus petit que la Bretagne, de la carte. Mais, il y a un autre enjeu : celui de la cause palestinienne.

La cause palestinienne ? Elle était enterrée, presque morte, oubliée. A tel point qu’Israël avait commencé à faire la paix avec tous ses ennemis d’hier. Un accord allait, même, être signé avec le grand frère, l’arbitre de la région, l’Arabie Saoudite. Cet accord n’aura pas lieu. Le Hamas, l’Iran et le Qatar, en ont décidé autrement. Ils sont venus tout remettre en cause. Oui, la cause palestinienne allait être enterrée. Voilà qu’elle ressurgit avec force, fracas, où les meurtres barbares de civils et de militaires sont légion.

Enfin un troisième sujet est stratégique : celui de l’eau et du gaz. Un enjeu qui alimenterait le dessous des cartes conflictuelles entre Gaza et Israël. L’Egypte et l’Union Européenne y sont parties prenantes. Cela commence à faire beaucoup de monde autour de la petite table du Proche-Orient.

Déluge sur Israël

Alors que l’aurore tisse sa toile matinale, vers les 7h00 du matin, l’opération militaro-terroriste « Déluge d’Al Aqsa » débute, au lendemain du 50è anniversaire de la guerre du Kippour. La surprise est totale : par voie aérienne, maritime et terrestre plus d’un millier de combattants appartenant aux Brigades Izz al-Din al-Qassam s’abattent sur la frontière israélienne qui borde la bande de Gaza. Plus de 5 000 roquettes sont tirées dans la journée et pleuvent sur les villes situées dans un rayon de 20 km : Ashkelon, Beitar Illit, Sderot, etc.

Les terroristes ont ciblé le Bataclan israélien : une rave party géante proche de Gaza se déroule dans le désert du Neguev. Elle célébrait la paix, elle se réveille dans l’horreur des 250 morts, des dizaines de blessés, et des dizaines d’otages. Impossible de décrire les heures qui vont suivre. Les images, les photos et les vidéos des terroristes eux-mêmes, enivrés par je ne sais quelle drogue, ivres du sang de leurs victimes qui essaient de fuir par tous les moyens, ces images, donc, tournent en boucle sur les réseaux sociaux. Elles sont terribles et témoignent de la plus grande des barbaries, de l’effroi, de la haine, de l’horreur et de la monstruosité. Elles vont bouleverser et traumatiser toute une génération d’innocents.

En moins de 24h00, il faut déplorer plus de 1 300 morts et une dizaine de milliers de blessés du côté Israélien. 24 heures plus tard, Israël sonné, à terre, se relève ensanglanté, se reprend, et commence à stopper cette hémorragie qui a pris tout le monde de cours, même les services secrets ultra-sophistiqués du Mossad. Une semaine plus tard, le 14 octobre, le nombre de morts du côté Palestinien se chiffre à plus de 2 000. La riposte Israélienne se poursuit et s’intensifie. Gaza est tapissée de bombes. Sans eau, ni électricité, ni gaz plus d’un million de personnes sont obligés de fuir au sud de la Bande de Gaza. Elles qui étaient, déjà, des réfugiées, où vont-elles aller ? En Egypte ?

La guerre du Kippour et les autres

Qui se souvient de cette année : 1973 ? Et de cette guerre, celle du Kippour ? 50 ans plus tard, son ombre a de nouveau plané pour se poser avec horreur sur le terrain d’une nouvelle guerre. La vengeance dit-on est un plat qui se mange froid. Le problème, c’est que cette vengeance, personne n’est capable de dire quand elle s’arrêtera. Et quelle ampleur elle va prendre. Les apprentis guerriers sont légion.

Le 6 octobre 1973, alors qu’Israël est en pleine fête juive, celle de Yom Kippour, et que les Egyptiens, les Syriens et les Palestiniens, eux, sont en plein ramadan, une attaque surprise et simultanée frappe Israël, au Sinaï (diligentée par l’armée Egyptienne) et sur le plateau du Golan (lancée par les Syriens). La surprise est totale. A tel point que la Première ministre, Golda Meir, est obligée de démissionner, et que Tsahal mettra une semaine avant de commencer à reprendre le contrôle de la situation.

Depuis 1948, depuis la déclaration d’indépendance de l’Etat hébreu, Israël a connu plusieurs guerres, notamment celles de 1948-1949, de 1967, de 1973. Il ne faut pas oublier la guerre contre le Liban en 1982 et celle de 2006. Enfin, l’ombre d’Israël planerait sur l’explosion du port de Beyrouth. Celle du 4 août 2020, qui a détruit en partie la capitale, et qui a fait plus de 200 morts et plus de 6 000 blessés. Près de 300 000 personnes se retrouvaient sans domicile.

Cette année 1973 est, ainsi, de triste augure. Elle refait surface 50 ans plus tard, comme une guerre sans fin. Pendant ce temps-là, au Liban, la vie continue ou presque… normalement.

Une peur absente, face à un risque omniprésent

Dans les rues de la capitale, c’est l’effervescence, la circulation ne désemplit pas. Les célèbres coups de klaxon qui font partie du paysage libanais sont bien présents. Tout le monde vaque à ses occupations, à son école, à son travail. « Peur ? Non, je n’ai pas peur. Pourquoi aurais-je peur ? Vous savez, j’ai vécu la guerre civile de 1975-1990. J’ai vécu celles de 1982, de 2006. Et, puis, il y a eu les explosions du port. Grâce à Dieu, je suis en vie. Israël ? Oui, ils peuvent nous bombarder. Ils l’ont, déjà, fait. Mais, je ne crois pas que le Hezbollah se risquerait à une grande confrontation contre Israël. Et, de même pour Israël. Nous sommes habitués à ce genre de risque. Et, la vie continue. Si nous avions peur, que deviendrions-nous ? » Arpi a dépassé les 70 ans. Elle est d’origine Arménienne et est née au Liban. Elle est forte, résistante, et reste optimiste sur un conflit qui se limite pour l’heure au sud du Liban. Bien évidemment, cette chrétienne, déplore la guerre. Elle appelle à la paix : « La guerre ne sert à rien. Elle détruit tout. Faites la paix, respectez-vous. Les Palestiniens ont droit à un Etat et Israël a droit à la paix. » Son appel sera-t-il entendu ?

Une guerre, la jeunesse et des justes

A Gaza, de génération en génération la guerre semble se diffuser dans tous les tissus de la société. Pourtant depuis le 7 octobre, le nombre de justes, qu’ils soient Palestiniens ou Israéliens se sont multipliés : « Oui, je peux témoigner que certains musulmans ont sauvé la vie de juifs, et, réciproquement », raconte Georges un jeune secouriste.

A Beyrouth, dans les rues des quartiers du centre-ville de Gemmayzeh et d’Achrafieh, le soir, l’ambiance est presque festive. Rue Gouraud, les cafés et les restaurants tendances ne désemplissent pas. La jeunesse étudiante se retrouve autour de boissons fraîches. Il fait 27 °C.

Une manifestation pro-palestinienne

Dans l’après-midi, sur la place qui jouxte le bâtiment des Nations-Unies, près de la rue El Amir Bachir, une manifestation de libanais pro-palestiniens se tient dans les jardins. Les drapeaux palestiniens flottent au vent pendant que les speakers, des personnalités locales, défilent à la tribune. « Nous voulons la paix, explique Amir, la trentaine, mais nous demandons la création d’un Etat palestinien. »  La manifestation ne rassemble qu’une cinquantaine de personnes. Dans le reste du monde, des dizaines de manifestations avec des dizaines de milliers de personnes prennent position et demandent à Israël d’arrêter les combats.

Israël de son côté a décidé d’intensifier sa guerre. Son Premier ministre, Benyamin Netanyahu a demandé à son armée de se tenir prête. Il vient de dire, alors que nous bouclons cet article : « Ça va continuer », quelques heures auparavant, il avait insisté pour rappeler : « ce n’est que le début ». Son armée vient d’être, cependant, pointée du doigt, car elle utiliserait des bombes au phosphore, interdites par la Convention de Genève. Face à la cruauté sans nom des terroristes du Hamas, une autre cruauté est en cours. Serait-elle plus cruelle encore ? Elle menace plus d’1 million de personnes, jetées sur les routes. Déjà réfugiées, ces dernières ne demandent qu’une seule chose : la paix !

1 million de personnes ? La moitié de la population de la Bande de Gaza. C’est comme si 34 millions de Français avaient 24 heures, pour tout quitter, et se retrouver dans le sud de la France ou en Espagne ! Quelle folie.

Reportage réalisé par Antoine BORDIER     


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