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En Egypte, l’Eglise copte, l’une des plus vieilles communautés chrétiennes du monde

En France, l’actualité internationale se concentre sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine et le conflit entre Gaza et Israël, qui ne cesse de s’aggraver. L’Egypte joue un rôle de paix indéniable dans ce dernier conflit. Comme le Liban, le pays des Pharaons accueille sur son sol les plus vieilles communautés chrétiennes du monde. Souvent persécutées et minoritaires, elles sont défendues par le président actuel, Abdel Fattah al-Sissi. Entretien avec Mgr Bakhoum, évêque copte catholique du Caire.

Copyright des photos A. Bordier

Bonjour Mgr Bakhoum, ou devrais-je dire Anba Bakhoum. Comment allez-vous ?

Eh bien, je vais bien. Je suis ravi d’avoir ces moments pour partager notre expérience et un peu de vie avec vos lecteurs de France. Ils sont tous les bienvenus en Egypte. Je suis heureux de leur présenter notre petite église catholique et notre beau pays qu’est l’Egypte.

Présentez-vous, qui êtes-vous ? Vous êtes né au Caire, me semble-t-il ?

Vous êtes bien renseigné. Oui, je suis né au Caire, il y a 49 ans. J’appartiens à une fratrie de cinq garçons, dont je suis l’aîné. Depuis 4 ans, déjà, je suis évêque. J’ai été ordonné prêtre, il y a 19 ans. Je suis, également, ingénieur des télécommunications. Au sein de notre petite église, je suis le porte-parole de notre Église catholique.

Vous êtes un jeune évêque. Si nous prenons un peu de recul, et puisque vous allez fêter vos 50 ans cette année, quels ont été pour vous les faits marquants de ces 5 dernières décennies ?

Ah, c’est une bonne question. Il est bon, de temps en temps, de prendre un peu de recul. Les choses qui m’ont marqué au cours de ces années vont, peut-être, vous surprendre. Ce sont l’amour de Dieu et sa miséricorde. J’ai vu que Dieu peut tirer tant de bien de mes péchés et de mes situations difficiles, comme la mort et la maladie.

Ma famille, après Dieu, a la seconde place. Elle m’a donné beaucoup d’amour et même si ce n’était pas une famille parfaite, elle nous a donné la foi. Je ne dois pas oublier non plus, le mouvement du Chemin Néocatéchuménal, qui m’a initié à la foi et m’a fait découvrir ma vocation.

C’est quoi ce mouvement ?

Il fête cette année ses 60 ans. Il est né en 1964, dans les quartiers pauvres de Palomeras, à la périphérie de Madrid, en Espagne. Il a une branche sacerdotale. En tout, nous sommes plus d’un million de membres, plus de 3500 prêtres, et plus de 2000 séminaristes. Ses trois piliers sont la parole de Dieu, la liturgie et la vie communautaire.

Il y aura 10 ans, cette année, le Pape François a accordé sa première audience aux membres fondateurs. Il a déclaré, de mémoire : « Je remercie le Seigneur pour la joie de votre foi et pour l’ardeur de votre témoignage ! Merci pour tout ce que vous faites dans l’Église et dans le monde. »

Revenons, justement, dans le monde, en Egypte. L’Egypte sort à peine de périodes révolutionnaires, du fameux Printemps Arabe qui a débarqué l’ancien président Moubarak, il y a tout juste 13 ans, en janvier 2011. Puis, il y a eu l’avènement des Frères Musulmans avec Mohamed Morsi qui remporte l’élection présidentielle. Le coup d’Etat du général Sissi a suivi, en 2013. Puis, il a été réélu en 2018. Comment va l’Egypte d’aujourd’hui ? Est-elle sortie de cette longue traversée du désert ?

Oui, nous avons vécu de véritables épreuves. Je voudrais souligner que les événements de 2013 n’étaient pas un coup d’État. C’était la volonté du peuple dans tous ses sens. Il fallait voir toute cette foule, tout notre peuple se mobiliser sur la belle place Tahrir.

L’Égypte était sur le point de perdre son identité. Cela changeait de nature. Aujourd’hui, même s’il existe de nombreuses difficultés, des défis économiques et sociaux très importants, nous jouissons au moins d’une vraie stabilité et d’une sécurité. L’Egypte est en paix avec tous ses pays voisins.

Sur le plan économique, peut-être avons-nous besoin d’un système qui encourage davantage les investissements étrangers. C’est vrai, nous devrions passer un cap, car nous avons besoin d’une nouvelle mentalité économique et éducative. Nous avons besoin de libérer l’esprit d’entreprise pour la création de nouvelles sociétés. Aujourd’hui, après toutes ces épreuves, qui sont, finalement, une libération, l’Egypte, tous les Egyptiens, tous, nous nous retrouvons sur un long chemin, celui qui nous conduit vers le progrès.

Si nous quittons une seconde notre beau pays, nous constatons bien que la situation dans le monde n’est pas facile, et qu’elle se complexifie avec les guerres, les trafics d’armes, les conflits d’intérêts et l’augmentation de la pauvreté. Ceux qui souffrent sont les pays les plus en difficulté. Il y a encore de la souffrance et de la pauvreté chez nous, mais je me répète, nous sommes sur le chemin du progrès.

Parlez-nous davantage de vous, de votre vocation. Vous êtes 100% Egyptien, 100% Copte et 100% Catholique. Comment vous est venue la vocation ? Et, présentez-nous votre petite communauté.

Je remercie l’Église qui, à travers une initiation chrétienne, m’a donné l’opportunité d’écouter la parole de Dieu et de recevoir les sacrements de manière active. Je vais vous surprendre et vous livrer un petit secret qui va intéresser tous les Français. En 1997, je me trouvais en France, en pèlerinage. Et, lors des Journées Mondiales de la Jeunesse (NDLR : près d’un million de jeunes venus du monde entier se sont réunis autour du Pape Jean-Paul II, à Paris), j’ai entendu un mot qui disait que notre tâche et notre mission était de faire traverser les gens comme le Christ jusqu’à l’autre rive. En Egypte et dans tous les pays où je me suis rendu, Liban, Soudan, Italie, j’ai vu tellement de souffrance autour de moi et tant de crises. Dieu m’a donné l’opportunité de traverser et de donner un sens à ma vie. J’étais tellement reconnaissant de vouloir faire le bien aux autres aussi.

Et pour l’Eglise copte catholique ?

Nous sommes un petit peuple de 300 000 fidèles. Notre Église catholique est composée de sept branches : la branche copte, arménienne, syrienne, maronite, chaldéenne, latine et grecque.

Notre Église copte catholique est de tradition copte, c’est-à-dire la langue et la théologie sont basées sur la vie monastique.

Les Coptes sont les chrétiens d’Égypte, descendants des anciens Égyptiens. Le nom vient des conquérants arabes qui prirent l’Égypte (vers 640-642). Ils appelaient la population indigène « Coptes », du nom grec Aί Υύπτιος transformé en ghypt -qibt – coft – copte. Cela veut dire conquérant. C’est étrange, non ? La langue copte est la dernière évolution de la langue égyptienne ancienne.

Vous nous faites entrer dans une très vieille histoire. Celle de l’Eglise, non ?

Oui, l’Eglise primitive. En 40, l’Egypte a été évangélisée par l’apôtre saint Marc. C’est, de nouveau, ici, que vous trouverez le berceau de la vie monastique. Déjà Origène (en l’an 254) parle d’ascètes qui menaient une vie solitaire. Le mouvement monastique s’est manifesté sous une grande variété de formes extérieures, depuis l’ermite solitaire jusqu’aux grandes communautés cénobitiques, et cette variété se retrouve dans toute la vallée du Nil ainsi que dans le Delta. Deux noms en particulier sont associés à la naissance du mouvement, Antoine (en 356) et Pacôme (en 347), qui devinrent respectivement les pères des formes monastiques ermite et cénobitique.

C’est passionnant, on dirait que l’Egypte est à la fois le berceau d’une grande civilisation, celle des Pharaons et celui de la chrétienté, celle des moines. Evoquons la laïcité, car l’Egypte n’est pas un Etat laïc. Comment vivent les différentes communautés entre elles ?

L’Égypte a toujours été un pays ouvert, il suffit de regarder les années 1950 et au-delà. Puis, dans les années 1970, une tendance fondamentaliste est apparue, ce qui a créé de grandes difficultés. Le peuple égyptien est un peuple qui aime vivre dans la paix et la vie sociale. Nous sommes très pacifiques. Les communautés se mélangent et se reçoivent. Nous avons toujours vécu, chrétiens et musulmans, dans les mêmes bâtiments, les mêmes villages, les mêmes villes. Ensemble, nous partageons des vacances et des moments beaux et difficiles.

On peut dire aujourd’hui que la difficulté vient de certains courants de pensée et non d’une volonté populaire. Il faut, toujours, être vigilant des minorités de pensée agissantes qui sont très militantes et qui veulent que ce fondamentalisme imprègne toute la société et prenne le pouvoir. Mais, ce sujet n’est pas que le nôtre. Il existe dans de nombreux pays, comme dans le vôtre, d’ailleurs.

Notre mission en tant qu’Église, avec nos écoles catholiques et nos œuvres sociales, est de servir les plus pauvres.  Notre mission nous aide beaucoup à nous ouvrir l’esprit et à vivre au service des autres.

Parlons donc de vos missions. Vous vous occupez d’une école d’orphelins et d’handicapés, quels sont vos besoins ?

Oui, notre école est très importante, pour cette jeunesse en grande difficulté, à cause de ses handicaps. Elle s’appelle Notre-Dame de la Paix. Elle est tenue par les Sœurs Elisabethines (NDLR : une branche franciscaine). Grâce à de nombreux bienfaiteurs nous pouvons poursuivre notre mission.

Nous avons 35 orphelins et 30 personnes handicapées, c’est une mission immense comme vous pouvez le constater. Mais nous comptons toujours sur la Providence. Nous n’avons jamais manqué de rien.

Terminons par le sujet douloureux de la guerre entre les Palestiniens et les Israéliens. Le nombre de réfugiés palestiniens de Gaza en Egypte a explosé. Quel regard portez-vous sur cette nouvelle tragédie du Proche-Orient qui apeure toute la communauté internationale ? Et, surtout, quelles en sont les conséquences pour vous, pour votre communauté, pour l’Egypte ?

Oui, nous souffrons tous de cette situation effroyable, il semble que la haine prévaut et que la violence domine. Qu’est devenue l’Humanité ? En l’espace d’une journée, elle a disparu. Depuis des semaines, elle se meurt par dizaine de milliers de morts et de blessés.

Une situation qui montre que l’homme d’aujourd’hui est moins civilisé. Cette haine qui voit s’affronter le peuple Israélien au peuple Palestinien, des peuples frères, à l’origine, nous ramène aux premiers temps de l’histoire de la civilisation humaine. Nous sommes revenus au temps biblique, à l’histoire de Caïn et Abel. Ce sont deux frères. Caïn est jaloux de son frère. Il l’assassine pour prendre sa place et régner sur l’héritage de son père.

Bien entendu, l’Égypte souffre, également, de cette situation inimaginable. Le niveau d’immigration, l’assistance médicale et la situation économique sont sous une forte tension. Il ne faudrait pas cela nous déstabilise.

Nous prions pour la paix et nous prions pour que l’homme, tout homme, fasse sa rencontre avec Dieu. Et, qu’il mette Dieu au milieu de sa vie. Car Dieu ne veut qu’une seule chose : l’Amour. Et, sans la paix, l’amour est impossible.

Concluons par vos raisons d’espérer, à l’heure où paradoxalement – mais est-ce un paradoxe ? – les touristes sont de retour en Egypte. Paradoxe à l’heure des bombes qui continuent à pleuvoir sur Gaza.

Oui, le paradoxe existe. La vie et la mort se rencontrent. Mais Dieu fait toujours confiance à l’homme et c’est notre espérance. Dieu ne nous abandonne pas et ne se lasse pas d’avoir pitié de nous. Ici, nous pouvons nous entraider. Nous pouvons nous servir les uns les autres et nous pouvons aussi avoir pitié les uns des autres. Dieu est notre espérance. Mes raisons d’espérer ? Une seule : nous venons de fêter Noël. La nativité de l’Enfant Jésus est un moment d’espérance, de joie et de paix. Retrouvons-nous autour de ce moment et faisons-le durer tous les jours.

Si vous voulez aider l’école Notre-Dame de la Paix : secrpatrcopt@gmail.com

De notre envoyé spécial en Egypte, Antoine Bordier


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