Je m'abonne

Émeutes de juillet 2023 : des anarchistes ou de simples « petites frappes » ?

Photo Aurelien Morissard/Xinhua/ABACAPRESS.COM

Afficher le sommaire Masquer le sommaire

La chronique de Bernard CHAUSSEGROS

La France est un État de droit. C’est avant tout un des pays fondateurs du droit. Doit-on rappeler que l’héritage en cette matière est ancien et d’une grande richesse, les premières universités ayant été créées en France au XIIIe siècle, à Paris mais aussi dans le Sud, à Toulouse et à Montpellier.

La première université de Paris rassemblait des facultés de théologie, de droit « canon », de médecine et d’art. Dès cette époque, c’est-à-dire au moyen-âge, les universités délivraient des diplômes dont le nom est encore parlant pour nous, le baccalauréat, la licence, et la maîtrise ou le doctorat, même si ces diplômes différaient parfois d’une université à l’autre. Ce sont environ une vingtaine d’universités indépendantes qui existaient à l’aube de la Révolution française, période iconoclaste qui se chargea de les faire disparaître.

Est-il besoin également de rappeler que la structuration juridique de notre pays a été faite par Napoléon 1er qui, en 1808, créera des facultés dépendantes de l’État (4 facultés de théologie, 6 facultés de médecine, 12 facultés de droit et 27 facultés de sciences et de lettres), initiation de l’organisation toujours en cours dans les universités actuelles, même si elles ont connues des évolutions et des crises périodiques selon les régimes politiques.

Parallèlement, dès ce XVIIIe siècle, le système centralisateur napoléonien contribuera à développer de Grandes Écoles prestigieuses dont l’objectif était de former les cadres de l’État, telles l’École polytechnique ou l’École normale supérieure. Avec la réforme constitutionnelle de 1958 et l’avènement de la Cinquième République, on verra la création d’autres écoles renommées et structurantes pour la solidité de l’État, comme l’Ecole Nationale d’Administration, ou, plus tard, l’Ecole Nationale de la Magistrature. Même si elles sont parfois décriées, ces écoles sont des viviers qui forment des citoyens aptes à conduire les actions de l’État, certes jacobin, certes centralisé, mais dont on reconnaissait, il n’y a pas si longtemps encore, la valeur. N’oublions pas pour autant les instituts préparant à l’entrée dans ces écoles nationales, les Instituts d’Etudes Politiques (comme Sciences-Po), ou les Instituts d’Etudes Judiciaires.

Dans un autre domaine, celui de la défense, il suffit, dans la semaine de la fête nationale, d’assister au défilé militaire du 14 juillet à Paris, pour se rendre compte de l’impressionnante organisation des armées, de leur rigueur et de leur imposante richesse en hommes, en matériel et en technologie.

Dans de telles conditions, on a peine à comprendre comment s’expliquent les événements qui ne cessent de défrayer la chronique en matière de violences urbaines. Voilà des années que les nuits entourant la fête nationale sont l’occasion de faire la comptabilité sinistre du nombre de véhicules brûlés dans les grandes villes et notamment dans les quartiers populaires. Les faits de violences qui ont accompagnés, de samedi en samedi, la longue liste des manifestations des Gilets jaunes en 2018 et 2019, n’étaient sans doute pas dues aux seules revendications de citoyens accablés par la hausse des prix des carburants ou par l’annonce de la future réforme des retraites. Il en est de même pour la douzaine de manifestations nationales organisées par les syndicats pour se faire entendre dans le cadre de la lutte contre le second projet du gouvernement pour la réformes des retraites, qui a abouti à une loi (sans doute nécessaire) mais promulguée sans véritable vote.

En réalité, les points communs à tous ces actes de violence sont relativement limités. Ils sont fondés sur la manipulation de citoyens normaux qui considèrent les actions et les décisions du gouvernement comme autant d’injustices commises à leur égard, dans le cadre d’une démocratie représentative au sein de laquelle ils ne se reconnaissent plus. Ils pensent que le mandat qu’ils ont donné au élus locaux par leur bulletin de vote n’est pas ou plus respecté par la représentation nationale. Ils en arrivent à considérer que celle-ci n’a, en général, aucune latitude d’action, en dépit de la séparation des pouvoirs reconnue constitutionnellement. Pour les citoyens, leurs élus seraient globalement des agents du pouvoir aux mains des partis politiques, qu’ils soient « godillots », extrémistes ou populistes.

On peut aussi faire la remarque suivante à l’analyse des faits, les manifestations populaires respectueuses de l’ordre public dérivent toujours, en fin de défilé, par l’intervention d’éléments structurés et organisés dans la guérilla urbaine, que les médias ont regroupés sous l’appellation « Black Blocs » et qui semblent le fait de quelques milliers maximum d’individus dont l’objectif est d’affaiblir la démocratie et de créer le chaos.

On estime, en effet, entre 3.000 et 5.000 le nombre, en France, de ces Black Blocs susceptibles de participer à des affrontements, mais il est plus difficile d’établir un profil type de ces individus, leurs appartenances sociologiques étant extrêmement variés, jeunes lycéens et étudiants, fils de bonne famille, et personnes issues de milieux modestes. Ce qui les caractérise assurément, c’est leur jeune âge ! Il s’agit donc d’une communauté disparate et non réellement organisée comme certains le croient. Les Black Blocs se revendiquent d’une pratique manifestante construite en termes de dégradations et d’affrontements avec les forces de l’ordre, sans appartenance à une école de pensée précise, mais cherchant par tous les moyens politiques à contester le système. Ils seraient toutefois plutôt d’extrême gauche ou appartiendraient à l’ultragauche et aux mouvances libertaires et anticapitalistes, revendiquant ainsi leur appartenance au marxisme-léninisme ou à l’anarchisme.

La première question que l’on doit et que l’on peut se poser est donc la suivante : comment se fait-il qu’un si petit nombre d’agitateurs souhaitant apporter la violence au sein de notre société puisse y parvenir face à un État organisé comme le nôtre ? Mais on doit également s’interroger sur les réponses qu’il convient de donner à ces actions qui bouleversent l’ordre républicain et qui, au surplus, coûtent des sommes exorbitantes d’argent public et privé !

Et au bout du compte, on ne peut que se demander, compte tenu de la répétition perpétuelles de ces violences et de l’apparent manque de réussite des pouvoirs publics dans leur volonté de mettre un terme à ces désordres, s’il ne faudrait pas désormais se préoccuper de gérer les sources du mal plutôt que de promettre des sanctions et des condamnations impossibles à appliquer.

Un constat délirant

La crise actuelle, chacun le sait, a éclaté dans la nuit du 27 au 28 juin après la mort à Nanterre d’un jeune automobiliste sans permis, multirécidiviste, de 17 ans tué par un policier lors d’un contrôle, sujet douloureux sur lequel je n’ai pas à m’exprimer en raison de la procédure judiciaire en cours. Toutefois, les violences qui ont suivi ce drame ont eu des conséquences démesurées, dans un État de droit. L’auteur du coup de feu mortel a été arrêté, mis en examen et incarcéré. Néanmoins, pendant plusieurs nuits, les manifestations de violence ont eu des conséquences d’une importance que l’on n’imaginait pas. En une semaine d’émeutes, le nombre d’interpellations a concerné 3.486 personnes, selon des chiffres transmis par le ministère de l’Intérieur, et près de 380 d’entre elles ont été jugées en comparution immédiate, selon le ministère de la Justice.

Un grand nombre de bâtiments (1.105) ont été dégradés ou incendiés et 5.892 véhicules ont été brûlés ou dégradés, toujours selon le ministère de l’Intérieur. Pour la seule région Île-de-France, une centaine de bâtiments publics ont été dégradés voire détruits et 140 communes, soit plus d’une sur dix, ont été touchées. Du côté de l’organisation de la sécurité mise en place par les pouvoirs publics, on sait que les forces de police ont été engagées en plus grand nombre et qu’elles ont eu à connaître plus de blessés dans leurs rangs que lors des émeutes pourtant marquantes de 2005. Dès la nuit du vendredi 30 juin au samedi 1er juillet, 45.000 policiers et gendarmes ont été mobilisés (7.000 engagés la première nuit, 10.000 la deuxième et 40.000 la troisième). Le bilan fait état que plus de 800 membres des forces de sécurité ont été blessés tandis que près de 300 locaux de police ou de gendarmerie étaient attaqués, selon le ministère de l’Intérieur.

Le coût des dégâts pour les quatre jours d’émeutes est évalué à ce stade des enquêtes « au moins 280 millions d’euros » selon la fédération professionnelle France Assureurs et la facture finale pour les entreprises pourrait s’élever à un milliard d’euros selon le président du Medef. À titre de comparaison, les violences de 2005 avaient, quant à elles, coûté au total 160 millions d’euros aux assureurs.

Un passé bien différent

Dans les années 50 et tout au long des Trente Glorieuses, ce qui n’est finalement pas si vieux, l’État de droit ne manquait pas d’une certaine rigidité et avait mis en place une société plutôt fondée sur le respect des valeurs, les obligations et les devoirs des citoyens. On ne plaisantait, ni avec les lois, ni avec la morale et l’héritage judéo-chrétien. On respectait également l’héritage des Français qui s’étaient sacrifiés ou avaient été les victimes de l’holocauste de la seconde guerre mondiale. De nombreux dimanches étaient l’occasion de cérémonies où les citoyens venaient saluer les troupes et les représentants de l’État à l’occasion de défilés et de prises d’armes. Les commémorations rituelles étaient aussi le prétexte à des fêtes populaires et familiales qui rassemblaient et soudaient entre elles les populations religieuses et laïques, dans l’appartenance à ce groupe en renaissance qu’était la nation, et ce malgré les différences politiques nées de la Résistance, à gauche et à droite, dans un respect assumé et une tolérance mutuelle acceptée.

Bien évidemment, il arrivait parfois que des manifestations dégénèrent pour la défense de grands principes, pour la défense du droit des travailleurs entre syndicats et forces de l’ordre, puis, dans les années 60, lors des événements qui allaient entrainer les colonies d’Afrique noire et surtout d’Afrique du Nord vers leur indépendance nécessaire, et d’ailleurs souhaitée par le gouvernement de l’époque. L’intervention des forces de l’ordre, au cours de ces événements, n’a jamais été exempte d’une certaine forme de violence que l’on prétendit « mesurée » et a provoqué plus d’un drame. Mais personne ne conservent ces images d’apocalypse où les bâtiments publics ou privés, et le mobilier urbain sont détruits, saccagés ou incendiés. Personne n’a gardé le souvenir de magasins aux vitrines éventrées et aux stocks pillés par des hordes de jeunes gens masqués et porteurs de capuches, ou de véhicules particuliers en proie aux flammes, comme dans un jeu de piste lumineux au sein des villes.

On pourrait presque dépeindre l’ambiance de ces années-là de façon idyllique et naïve, les étudiants, les lycéens faisaient parfois la fête dans les rues à la fin de leur année scolaire, organisant, dans ces années « de paix » des « monômes », expression de mathématique qui désigne une entité algébrique d’un seul terme, et désignait alors aussi un défilé de lycéens ou d’étudiants, un cortège formé de jeunes gens se tenant par les épaules, tout cela sans violence, même si la consommation d’alcool pouvait à terme y contribuer.

 Il y avait aussi ce respect parfois craintif envers les forces de l’ordre qui contrôlaient les jeunes gens qui faisaient pétarader leurs « mob » dans les quartiers, mais avec qui on finissait par se serrer la main après avoir échanger des mots souvent rudes.

Ce sont les événements de Mai 1968 qui ont le plus largement contribué à remettre tout cela en cause et, très brutalement, pour des raisons largement partagées à l’échelle du monde libre, après des années de guerre en Asie par exemple, pour des raisons très franco-françaises également, lorsqu’une partie de la jeunesse a décidé de se rebeller contre la rigidité du système universitaire, par exemple en se révoltant contre ceux qui furent appelés les « mandarins ». Le monde a alors progressivement basculé, particulièrement en France où la contestation de l’ordre établi est comme une seconde nature. Les demandes de tolérance et de liberté se sont transformées en exigences incontrôlées et fréquemment incontrôlables, et tout cela a contribué parallèlement au développement d’idées laxistes et à la remise en cause progressive des principes de la République, Liberté, Égalité et Fraternité. Depuis lors, les choses ont lentement continué à basculer, provoquant un désordre des institutions qui vire désormais au tintamarre.

Quelles raisons ?

On peut y voir trois causes principales, la mondialisation, la perte d’influence des valeurs judéo-chrétiennes qui ont fondé la France, etl’État-Nation construit depuis Clovis et Charles-Martel,  qui s’est progressivement figé, soit au profit du laxisme de type « bisounours » (tout le monde est gentil dans notre pays, et chacun fait ce qu’il lui plait comme il l’entend), soit au profit des groupes sectaires, religieux ou politiques.

Par ailleurs, on ne peut pas nier l’influence malencontreuse et délétère des pandémies successives, et tout récemment celle du COVID, qui a installé les peurs et les méfiances dans le moral des Français, ce qui les a incités à se recroqueviller encore plus sur eux-mêmes, alors que l’on vivait déjà de plus en plus dans un monde opportuniste et égoïste, surtout au sein des jeunes générations qui ont engagé durant les deux dernières décennies une mutation de leurs existences vers le monde du wokisme, du métaverse et de l’illusion. Ils sont désormais effectivement nombreux à ne plus concevoir leur vie de citoyens comme un engagement social, voire sociétal, mais comme un jeu de rôle qui se développe en parties ludiques, sur un web démesuré aussi illimité et démesurément infini que l’univers galactique insondable et irrationnel qui nous entoure. Voilà une nouvelle façon de fuir les réalités déstructurantes du monde actuel et d’éviter les affrontements avec d’autres personnalités humaines !

À cela se rajoute la piètre opinion que nos enfants, exacerbés par des réseaux sociaux particulièrement actifs dans le domaine de la provocation,  finissent par se construire de la rationalité illusoire de leurs aînés et, notamment de ceux qui nous gouvernent, quand ils font le constat que la planète terre n’a pas cessé d’être en guerre depuis des siècles, et tout particulièrement depuis 1945 date du feu nucléaire qui aurait dû mettre un terme définitif à toute envie de conflit, et qu’elle ne peut quasiment plus lutté contre les méfaits du réchauffement climatique.

Que faire aujourd’hui ?

Tout le monde a son mot à dire et sa solution sine qua none, que ce soit chez les politiques ou chez les commentateurs qui se sont auto-déclarés experts dans les médias ! Un nombre insensé de propositions juridiques, policières ou judiciaires, sont présentées, comme à chaque fois, de façon péremptoire.

 Les responsables ministériels concernés déclarent qu’il faut endiguer les violences et limiter les dégradations commises par « ces jeunes voyous » par des actions policières tout aussi violentes et on met en place des effectifs de plus de 45.000 fonctionnaires de police et de militaires pour museler, bien évidemment sans obtenir de résultat, quelques petits milliers de délinquants d’habitude et d’occasion (qui font les larrons d’un jour).

D’autres voix disent tout haut qu’il faut une justice plus dure, mais chacun sait que les juges ne font qu’appliquer les lois voulus par des élus (largement manipulés par l’exécutif) et que les écueils de la procédure pénale ne sont que le reflet du laxisme politique ambiant destiné non pas à protéger les casseurs et les petits trafiquants de stups, mais à protéger la nomenklatura médiatico-politico-affairiste qui agit en marge perpétuelle des intérêts collectifs du pays.

Certains, enfin, viennent de trouver des solutions « miracles » en affirmant qu’il faut « faire payer les parents » des voyous mineurs, les mettre à l’amende pour défaut d’éducation, ou comme on y avait déjà songé, leur supprimer les allocations sociales et familiales ! Encore des solutions quasiment impossibles à mettre en œuvre sans l’avis du Conseil constitutionnel qui y trouverait des atteintes à l’égalité des citoyens devant la Loi. Et comment s’attaquer ainsi à des familles qui, pour la plupart, vivent dans les quartiers populaires où plus de 50 % des ménages se retrouvent sous le seuil de la pauvreté, et c’est bien souvent là, que le bât blesse. Il faut s’attaquer à la racine du mal, pour éviter, une fois de plus, les habituels « emplâtres sur des jambes en bois », conséquences de « promesses » lâchées lors d’une visite éclair d’un « élu », solidement encadré par des « bataillons de policiers », dans ces ghettos à ciel ouvert. Nous avons « enfanté » des « loups », en manque de repère et d’attachement à la Nation. Ils rôdent dans les villes et ils ont faim !

La belle affaire, et de belles solutions purement populistes ! Il faut mettre un terme aux risques de reprise des émeutes par la répression, les punitions et les sanctions ! Et dans ce contexte où tout le monde s’émeut à juste titre de la violence de ces scènes de guérilla urbaine, rares sont les voix qui s’écartent de l’habituel litanie des « y a qu’à, faut qu’on ». Personne n’évoque qu’il faudrait enfin travailler sur les causes ! Oui, il existe dans de nombreuses agglomérations françaises des quartiers de non-droit, des villes qui sont, de facto, gangrénées par les mafias de toute sorte et qui vivent essentiellement des trafics, à commencer par celui qui se développe à très grande vitesse, celui des stupéfiants, source de mille drames, dont les assassinats que l’on comptabilisent dans les ministères de l’Intérieur ou de la Justice, comme on comptabilise les accidents de la circulation mortel commis sous influence de l’alcool ou de la drogue, ou encore comme on établit les statistiques des féminicides en perpétuelle augmentation. Pour qu’il n’y ait plus de vendeurs de drogue dans notre pays, il faudrait sanctionner les consommateurs, réellement et lourdement. Mais pour y parvenir, il faudrait un peu plus de courage, une volonté politique, sans arrière-pensée électorale, et surtout, que cela ne vienne pas perturber quelques petits arrangements entre amis !

La question que l’on se pose est de savoir pourquoi les pouvoirs publics ont ainsi laissé faire en se retirant des quartiers sensibles ? Je ne chercherais pas ici les responsabilité des élus, des ministres ou des présidents qui se sont trompés dans leurs analyses sociologiques et leurs stratégies politiques dépassées ! Il faut, en revanche, refonder l’esprit national de notre pays et contribuer à faire renaître enfin un nouveau sentiment d’appartenance à l’unité nationale autour des valeurs fondamentales de notre démocratie, par exemple en réaffirmant le fondement laïque des notre constitution. Il faut absolument s’interdire d’accepter, sous de filandreux prétextes de tolérance, les manifestations multiples et de toutes origines, qui ne respectent pas une stricte neutralité laïque. La laïcité garantit la liberté de conscience. Elle donne à tous les citoyens la liberté de manifester leurs croyances ou leurs convictions dans les limites du respect de l’ordre public. La laïcité implique la neutralité de l’État et impose l’égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction.

La laïcité implique donc la séparation de l’État et des organisations religieuses. L’ordre politique est fondé sur la seule souveraineté du peuple des citoyens. La République laïque impose ainsi l’égalité des citoyens face à l’administration et au service public, quelles que soient leurs convictions ou croyances. De ce fait, la laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public.

Les dérives du système éducatif

Pourquoi vouloir emmener 95 % des jeunes générations françaises au niveau « Bac » ? Pour faire quoi ? et avec quel bagage ? Tout cela n’est-il pas une hypocrisie sans nom ? C’est en tous cas l’effet principal de l’égalitarisme qui ne se traduit que par un constat, le nivèlement par le bas. Pourquoi forcément former des bacheliers et abandonner les parcours professionnels diplômants ? Il n’y a pas de sots métiers et pour quelles raisons obscures les pouvoirs publics démagogues et populistes ont-ils ouvert des parcours universitaires sur des filières qui ne proposeront pas aux étudiants de réels débouchés et qui ne leur décerneront à terme que des diplômes sans véritables valeurs, car dénués d’apprentissage à des compétences utiles !

Ce sont là en grande partie les effets néfastes de la « révolution » de l’enseignement supérieur (mais aussi du primaire et du secondaire) née des illusions de mai 1968 ! On entendait des slogans aussi fumeux qu’enthousiasmants, tels que « Il est interdit d’interdire ! », signe de liberté affichée, mais révélateur d’un égalitarisme bien camouflé. Se donner l’illusion de formations accessibles à tous, démultipliées en de nombreuses unités de valeur n’apportant justement pas de valeurs utiles, et omettant ce qui est pourtant essentiel pour les étudiants, se doter d’une structuration intellectuelle leur ouvrant la voie à des capacités d’analyse, de synthèse, de compréhension et de décision éclairée.

Parmi les autres slogans, il y avait tout ce qui préparait à la société de consommation, à la société du « Game » et à l’illusion du métavers : « Sous les pavés la plage ! ». Même si, en mai 1968, pris au premier degré, les étudiants se préparaient déjà à quitter les grandes villes pour les bords de l’Atlantique ou de la Méditerranée, ce slogan, 70 ans plus tard, prend la forme d’une vision prémonitoire, le goût de nos générations X, Y ou Z pour tout ce qui n’est qu’irréalité et fantasme d’un monde virtuel.

En fait, il aurait fallu former les jeunes français à réfléchir et non pas à leur faire accumuler des données fugaces et vite oubliées. Il fallait des têtes bien faites et non des crânes bien pleins ! Rien de neuf depuis Montaigne et Rabelais ! Le constat d’un échec, ou d’une volonté de domination des classes dirigeantes sur un monde d’esclaves, lesquels, à termes, vont être remplacés par des robots, du fait du manque de main d’œuvre qualifiée. Nous préférons laisser s’épanouir au soleil de la société des « dealers et des casseurs », plutôt que des plombiers, des électriciens, des menuisiers, des charpentiers ou des boulangers. Pour susciter les vocations, il faudrait aussi les valoriser…, et non les sous-payer. Il est certainement plus facile et beaucoup plus rémunérateur de « surveiller » un point de vente de drogue, que de se lever le matin pour pétrir avec un salaire au smic.

Les dérives des valeurs fondamentales de la République

La liberté républicaine est une conception de la liberté qui met au cœur de sa réflexion l’absence de domination. C’est en diminuant le pouvoir que subit l’individu que l’on peut acquérir la liberté. Il est important de noter que le républicanisme n’affirme pas que la liberté est un bien en soi.

Malheureusement, les citoyens ont aujourd’hui de plus en plus le sentiment que leur liberté est contrainte, notamment du fait de la pression fiscale, directe ou indirecte qui s’abat sur eux. Qui plus est, en cette période particulièrement inflationniste, ils se rendent compte des incohérences des politiques publiques en matière d’économie qui ont permis, malgré un certain nombre de mesures d’affichage populiste, de laisser des secteurs économiques s’enrichir à leurs dépens, transports, énergies, alimentation, etc.

Si les penseurs de la philosophie politique ont toujours considéré l’égalité comme le facteur central du progrès, comme un facteur d’équilibre de la société quand elle permet à chacun de disposer des mêmes droits en échange des mêmes devoirs, et donc comme le garant incontournable de l’État de droit, une sorte de condition nécessaire à l’existence d’une organisation sociale donnant à chacun ses chances en fonction de ses seuls mérites, on a depuis longtemps compris qu’elle a généré, comme tout bienfait, sa propre perversion, « l’égalitarisme », qui est un facteur de paupérisation !

L’égalitarisme est une doctrine qui annihile l’aspect « devoir » de l’égalité pour ne retenir que sa composante « droits ». L’égalité portait en elle des valeurs morales et philosophiques, elle a généré la méritocratie républicaine et permis l’essor de grands hommes issus des couches populaires qui ont mené la France. En revanche, l’égalitarisme, n’a, pour sa part, qu’un caractère essentiellement matériel. Une société égalitariste génère un monde où moins un individu génère de richesse, et plus son gain personnel est élevé. C’est ce que l’on qualifie de « prime à la paresse ». L’égalitarisme aboutit inexorablement à un monde en décroissance permanente, un monde dans lequel la diminution des richesses à redistribuer se traduit par la paupérisation des individus, des citoyens, mais aussi des institutions qui voient de facto leurs recettes fiscales décroître, puisqu’elles sont indexées sur la richesse nationale.

Et ainsi, quand l’égalité pouvait construire une société dynamique et de progrès, l’égalitarisme ne parvient qu’à maintenir les classes de « la France d’en bas » ou des « sans dents » dans leurs conditions initiales et finales de précarité. En substituant à une société entrepreneuriale un monde d’assistanat sous couvert d’égalitarisme, la bourgeoisie capitaliste a figé les classes sociales et protège ses positions. C’est ainsi qu’il faut enfin comprendre la perte d’influence de la formation professionnelle, l’abandon de la valeur « travail », ce que j’évoquais précédemment comme étant le sabotage de l’école publique qui, au nom de l’égalitarisme, n’autorise plus les élèves à espérer atteindre les formations supérieures (la suppression des bourses au mérite en est encore une désolante illustration) sont les composantes majeures du système égalitariste. À l’époque romaine, l’empereur « jetait » les gladiateurs dans l’arène, et des miches de pain au peuple excité par les tueries. Qui sont aujourd’hui les nouveaux gladiateurs ?

Et aujourd’hui, c’est la France qui travaille (20 % de la population active sur près de 70 millions d’habitants), qui porte l’avenir du pays sur ses épaules qui fléchissent de plus en plus sous la charge. Leur « récompense » se traduit, par exemple pour les petits entrepreneurs et les commerçants dont les magasins ont été détruits et dont les stocks ont été pillés, par des liquidations judiciaires, des tarifs d’assurance insupportables, la peur au quotidien, le perte des efforts de toute une vie, la perte de leur identité ! Qu’est devenue l’engagement de sécurité pris par l’État et qu’impose les théories du « Contrat social » ? Perdre une part de sa liberté en échange de la protection que l’État lui doit ! Le Contrat n’est plus respecté ! On retombe, on pourrait l’imaginer en cette époque qui se caractérise par tant de progrès technologiques, dans les sombres heures de l’obscurantisme moyenâgeux. D’ailleurs, le constat est à la fois clair, mais sombre. On ne peut plus accéder à certains territoires de notre pays sans prendre des risques pour sa sécurité, sans être potentiellement en danger d’être victime d’agressions !

C’est sur cette dérive entre le principe d’égalité et la mise en œuvre de la doctrine égalitariste, que nait ce qu’on peut appeler la tyrannie de la majorité, laquelle est une conséquence indésirable du système politique français grâce auquel une majorité démocratique peut imposer ses volontés et ses préférences, surtout si la démocratie n’est pas accompagnée de la reconnaissance de certains droits pour protéger les minorités. Cette forme d’oppression touche différentes situations : discrimination (sur la base de l’ethnie, de la religion, de la langue, de l’âge ou de l’orientation sexuelle), exclusions des minorités politiques, limitation des droits des personnes handicapées, politiques environnementales inadéquates, censure des opinions dissidentes. Ces risques ont en particulier été évoqués par les penseurs libéraux.

Encore faudrait-il évoquer la Fraternité ! Mais que représente désormais au yeux des citoyens peu informés, englués dans leurs certitudes égoïstes et individualistes, les besoins de solidarité et les sentiments d’appartenance à un ensemble national au sein duquel nombreux sont ceux qui n’imaginent même plus de s’y insérer, bien trop préoccupés par leur recherche effrénée d’avantages purement matériels, primes, allocations et couverture sociale !

Pour cela, il faudrait, comme on le dit trop souvent, que l’exemple vienne « d’en-haut » ! Mais on en est loin ! Tout le monde a compris que les effets néfastes de l’égalitarisme intellectuel a frappé tout autant la nouvelle aristocratie administrative et politique du pays, et que, désormais, on ne peut pas attendre grand-chose d’élites qui ont failli et qui ont sombré dans les abîmes océaniques, avec sous leurs pieds le pont de leur Titanic personnel, tandis que dans le salon des premiers de cordée, à ce que l’on en sait, l’orchestre continue à jouer et que les cocktails sont servis à profusion !

On peut s’interroger sur la crédibilité de nos institution, quand on comprend que, pour des questions de « business », ce sont les « grands frères » et les « mafias » qui semblent être capables de ramener l’ordre dans les quartiers populaires et de maitriser les « émeutiers ».

« Droits et devoirs », des principes intangibles qui s’imposent à toutes et tous, et qui garantissent une réelle égalité dans un monde qui a basculé dans l’individualisme égoïste. La guerre en Ukraine a débuté en février 2022 ! Qui, aujourd’hui, s’en soucie réellement ? L’actualité, c’est le Tour de France ou le possible transfert de Mbappé au Real Madrid, pas le septuagénaire qui se fait tabasser à mort par des jeunes à qui, il demandait simplement, de faire moins de bruit. La mort, même violente, d’un retraité ne fait pas recette sur les réseaux et dans les médias.

Cette société me fait peur, pas à vous ?

Bernard Chaussegros


Vous aimez ? Partagez !


Entreprendre est un média indépendant. Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités :

Publiez un commentaire

Offre spéciale Entreprendre

15% de réduction sur votre abonnement

Découvrez nos formules d'abonnement en version Papier & Digital pour retrouver le meilleur d'Entreprendre :

Le premier magazine des entrepreneurs depuis 1984

Une rédaction indépendante

Les secrets de réussite des meilleurs entrepreneurs

Profitez de cette offre exclusive

Je m'abonne