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Comme Tapie, Berlusconi montre que tout est possible !

Photo by IPA/ABACAPRESS.COM

La saga de ce condottiere à l’italienne, hors pair, un peu inclassable, ne peut laisser personne indifférent. D’abord, parce que voilà un homme qui s’est construit au fil du temps avec élégance et pugnacité pour devenir in fine l’une des plus grandes fortunes du pays (la 6ᵉ) et aussi l’un des dirigeants politiques les plus marquants de l’Italie d’après-guerre.

Avoir réussi ce mélange entre affaires et politique n’est pas non plus donné à tout le monde, ni même si fréquent, surtout de ce côté-ci de l’Atlantique. Dans la péninsule, bien peu y sont d’ailleurs parvenus. D’Agnelli à Carlo Benedetti, voire Benetton ; aucun de ces grands capitaines d’industrie transalpins n’aura réussi à franchir le cap.

Chez nous, seul Bernard Tapie osera finalement franchir le gué, malgré les réticences de son épouse Dominique, avant d’être rattrapé par la patrouille. En l’occurrence, celle de ses propres amis du PS, puisque rappelons-le, ce sont eux qui ont déclenché les premiers l’hallali pour empêcher le président de l’OM de pouvoir se présenter aux élections présidentielles. On peut le dire aujourd’hui, il y a prescription.

C’est Dominique Strauss-Kahn lui-même qui déclencha les hostilités suite à un comité directeur mémorable de son parti. Au-delà des Alpes, le mélange des genres semble plus facile. Et les castes moins prégnantes. Le milieu des affaires et de la politique sont sans doute plus poreux. Reconnaissons que le succès en politique du magnifique Silvio préfigurait en bien des points celui de Donald Trump aux États-Unis bien des années après.

En cela, et c’est tout le mérite du Cavaliere que d’avoir réussi avec un marketing patriotique, celui de Forza Italia, à se substituer au jeu des partis traditionnels, du Parti socialiste comme de la Démocratie chrétienne. En 1994, il investit 22 milliards de lires dans Forza Italia et devient trois mois plus tard député puis président du Conseil. Le pli de la politique est pris. En 2001, il effectue un deuxième et un troisième mandat à la tête du gouvernement jusqu’en 2008. Déjà une carrière exceptionnelle, même s’il fut condamné pour fraude fiscale en 2013 et déchu de son mandat de sénateur.

Berlusconi ne fait rien comme les autres. Après son rachat du club du Milan AC en 1986, il en fait la place forte du football européen. Et d’un certain point de vue, la réussite au plus haut niveau de ce type de personnalités bien à part reste un acte de résistance salutaire dans un monde de plus en plus formaté, où les réseaux sociaux tolèrent de moins en moins les écarts au politiquement correct. Bien entendu, cela ne justifie en rien les errements, les excès, voire les affaires qui ont jalonné la carrière de « Sua Emittenza ».

Mais on retiendra au total ce que la formidable épopée de ce séducteur milanais éternel symbolise dans l’inconscient du rêve italien. Celui d’une réussite opérée par l’entrepreneurial, ce type de réussite que nous aimons tant mettre en exergue dans les colonnes d’un magazine tel qu’Entreprendre. N’oublions pas que Silvio est né en 1936, d’un père employé de banque de Lombardie et d’une mère au foyer, et qu’il léguera à ses cinq enfants quelques 87 ans plus tard un vaste empire évalué à 7 milliards de dollars.

Sixième fortune d’Italie, la galaxie Fininvest (détenue à 61,21 %) réalise 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour 360 millions de résultats dans des domaines diversifiés. Fininvest gère notamment l’empire télévisuel Mediaset (MediaForEurope) avec aussi la participation dans la chaîne allemande ProSieben, détient 53 % du groupe d’édition Mondadori et 30 % de Banca Mediolanum, entre autres.

N’oublions pas que Silvio Berlusconi ne doit rien à personne. Après des études de droit et une thèse sur la publicité, le jeune Rastignac milanais gagne son premier pécule en réussissant à vendre aux voisins de son immeuble les premiers réfrigérateurs et aspirateurs de l’époque. L’été suivant, il arrondit ses fins de mois comme chanteur de charme (de chansons françaises) sur des bateaux de croisières pour retraités argentés. Cela ne s’invente pas. Et c’est grâce à cela qu’il arrive à lancer, dès l’âge de 24 ans, sa première entreprise, les Cantieri Riuniti Milanesi. Ce sera un petit groupe de BTP, son père lui trouvera un crédit et il put entreprendre un ambitieux programme immobilier dans la capitale lombarde en plein essor. On connaît la suite avec la multiplication de logements et de centres commerciaux et ensuite son lancement dans la télévision avec Canale 5 et l’appui bienveillant du président du conseil, un certain Bettino Craxi.

Le rêve italien devenait réalité. À l’instar d’un Bernard Tapie ou d’un Bernard Arnault chez nous, l’épopée fantastique d’un Silvio Berlusconi peut continuer à nous ouvrir les yeux sur les champs du possible que nous offre l’existence. Malgré le système, malgré les entraves, malgré la mondialisation… Oui, c’est encore possible ! Ne serait-ce que pour cela, merci Silvio !

Robert Lafont


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