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Changements politiques en Afrique : quelles conséquences environnementales ?

L'Afrique, qui est un continent dynamique, a été le théâtre de nombreuses évolutions socio-économiques au cours des dernières décennies. Ces changements politiques ont souvent été accompagnés d'une influence croissante de nouveaux acteurs, tant internes qu'externes avec des conséquences notoires sur les investissements et les partenariats commerciaux et le développement des régions et sous-régions du continent.

Le président du Congo Denis Sassou N Guesso (Raphael Lafargue/ABACAPRESS.COM)

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La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS

Cet article fait partie du dossier Les nouveaux enjeux de l’Afrique

Dans notre pays qui se targue de combattre toutes les atteintes à l’environnement, où les professionnels de la politique version « verte » s’acharnent à expulser les voitures particulières de la capitale, peu de citoyens sont réellement informés sur les trafics qui concernent les véhicules gravement endommagés (VGE) ou gravement accidentés (VGA). Et pourtant, cela intéresse des milliers de dossiers chaque année. Lorsque les assureurs refusent de les faire réparer du fait des coûts que cela induit, ces VGE/VGA sont vendus à des épavistes et, très fréquemment, ils sont remis en état de façon frauduleuse et a minima, le plus souvent avec des pièces de rechange (ce qui est interdit quand il s’agit des pièces de liaison avec la route), puis remis en circulation avec la complicité d’experts peu scrupuleux, et enfin revendus par des escrocs à des particuliers trompés sur les qualités substantielles de voitures dangereuses pour la sécurité des conducteurs et des passagers.

Des équipes de la gendarmerie nationale et un ou deux parquets ont enquêtés sur ces escroqueries, en vain, car les comportements des compagnies d’assurance (qui ne devraient pas vendre les véhicules épaves avec leur carte grise) n’ont pas changé, et parce que les services de l’État concernés n’ont pas jugé ces scandales suffisamment importants pour agir. Disons, pour simplifier, que cela met en lumière des flux financiers qui ne sont pas perdus pour tout le monde ! Les véhicules d’occasion, quel que soit leur état, sont l’objet d’un marché juteux. De tels cercueils sur roues circulent actuellement sur toutes les routes de France, mais aussi, très largement, dans tous les pays d’Europe de l’Est, et en Afrique !

Il en est aussi de même pour les véhicules trop vieux pour être maintenus en circulation. Ces voitures hors d’âge conservent une soi-disant valeur marchande qui autorise tous les trafics possibles et notamment pour des escrocs qui, en France, les chargent sur des cargos et pour d’autres qui, en Afrique, les réceptionnent dans les ports du Golfe de Guinée, et en inondent alors le marché. C’est ainsi que des pays comme le Togo ou le Bénin, deviennent la « poubelle » de l’Europe en matière de véhicules polluants et particulièrement dangereux. Dans ces deux pays, tout particulièrement, l’importation des voitures épaves n’est pas contrôlée. Elles arrivent par bateaux entiers et viennent grossir des stocks incommensurables qui s’étalent dans la périphérie de villes comme Lomé ou Cotonou.

La Côte d’Ivoire est l’un des rares pays à avoir interdit l’importation en provenance de l’Europe, voire de Chine, des véhicules de plus de 5 ans. Le Sénégal est un peu moins exigeant en interdisant l’importation des voitures de plus de 7 ans. Mais globalement, l’Afrique devient la poubelle du monde industriel.

La pollution des pays industrialisés, ou tout au moins une partie d’entre elle, est exportée en Afrique, comme elle est d’ailleurs exportée dans des pays à faibles revenus qui sont toujours prêts à faire les basses besognes des pays dits évolués.

C’est ainsi que l’Inde, le Pakistan ou le Bangladesh découpent dans des conditions dangereuses pour les ouvriers et extrêmement polluantes pour l’environnement, les navires mis au rebut par les armateurs du monde entier.

La « décharge à ciel ouvert » des pays européens

Le continent Africain est parfaitement informé des risques écologiques et a payé un lourd tribu à l’industrie capitaliste en subissant de nombreux désastres environnementaux, mais l’appât du gain fait très souvent oublier les risques qui sont pris pour l’environnement et la santé publique. Toutes ces nations africaines ont déjà été le théâtre, au fil des ans, de désastres écologiques qui résultent souvent d’une combinaison de facteurs naturels et humains. On peut citer des exemples dans divers domaines ! Le continent est globalement le lieu « privilégié » des drames environnementaux !

On en entend peu parler, et pour cause, le modernisme à outrance fait oublier que les technologies de pointe, comme l’informatique et la gestion des grands systèmes d’information, s’ils sont vecteurs de progrès, sont aussi à la source de nuisances de tout genre, dont la production de déchets plus importants qu’on en le croit. La gestion inadéquate des déchets électroniques provenant par exemple de l’élimination des équipements électroniques obsolètes entraîne une contamination environnementale méconnue et d’ailleurs amplement dissimulée, qui concerne des substances toxiques.

La déforestation est l’un problème majeur que connaissent de nombreuses régions d’Afrique du fait de l’exploitation forestière massive et illégale, de la conversion des forêts en terres agricoles et de la croissance rapide de la population. Les conséquences en sont la perte de la biodiversité, l’érosion des sols et les problèmes liés au changement climatique. Parallèlement, la désertification gagne du terrain et affecte de vastes régions d’Afrique, comme au Sahel et dans les territoires subsahariens. Ce sont le plus souvent les pratiques agricoles non durables, le recours à la surpâture et les conditions climatiques défavorables qui ont contribué à l’expansion du désert et menacent les moyens de subsistance des populations locales.

Déforestation et désertification sont souvent causes d’une pollution accrue de l’eau, laquelle est l’un des problèmes croissants pour de nombreuses régions d’Afrique en raison des rejets industriels, de l’éparpillement des déchets plastiques, du développement de pratiques agricoles non durables et de l’absence de stratégie en la matière. À cela s’ajoutent l’absence ou la vétusté des réseaux d’eau potable et le manque criant d’infrastructures adéquates pour le traitement des eaux usées.

Dans des pays ouverts sur l’océan qui se sont jetés sur la production et la transformation des énergies fossiles, comme le Nigéria, les accidents sur les pipelines qui ont parfois causé de nombreux morts, mais aussi des accidents pétroliers en mer au niveau des plateformes de transport, ont régulièrement entraîné des marées noires qui ont mis en danger la faune marine, les écosystèmes côtiers et les moyens de subsistance des communautés locales dépendant de la pêche.

Héritage de la longue histoire coloniale, la plupart des pays d’Afrique centrale a vu les ressources naturelles de son sous-sol être pillées par les anciens colons. Mais outre l’accaparation de leurs richesses, les pays africains concernés ont connu, du fait d’une exploitation minière non durable, trop souvent réalisée sans que soient respectées les réglementations environnementales appropriées, d’autres drames environnementaux tels que la pollution des sols, celle de l’eau et celle de l’air, avec les conséquences néfastes que l’on connait sur la santé humaine et sur la biodiversité.

Bien évidemment, l’Afrique, tout autant que les pays de l’hémisphère nord, est victime, elle aussi, du changement climatique. Elle est vulnérable aux effets aux modifications des conditions de vie générales, comme l’élévation du niveau de la mer, la survenance de phénomènes météorologiques extrêmes et les changements du régime des pluies, ce qui peut avoir des conséquences dévastatrices sur les communautés agricoles et les écosystèmes naturels.

Des projets utopistes et des réactions politiques

Il est important de noter que de nombreux efforts sont déployés à l’échelle internationale et nationale pour atténuer ces problèmes et promouvoir le développement durable en Afrique. De réelles initiatives ont été mises en œuvre et visent à améliorer la gestion des ressources naturelles, à promouvoir les énergies renouvelables, à mettre en place des pratiques agricoles durables et à renforcer la résilience des communautés face aux changements climatiques. Mais comme toujours, depuis des siècles, les intérêts financiers viennent souvent contrarier les projets souvent utopistes et humanistes, où que ce soit.

Face à la crise écologique qui frappe le monde actuellement et dont les conséquences se répandent sur toute la planète, l’Afrique, considérée jadis comme une jachère écologique, s’est, elle-aussi, engagée dans la voie d’un modèle de développement exigeant l’exploitation abusive de la nature. Dans un tel contexte de diminution des habitus écologiques, l’ouvrage collectif à venir entend sonder la prégnance du paradigme environnemental dans les arts, les lettres, l’artisanat, les sciences humaines, les discours (politiques, sociaux, etc.) et les médias de l’Afrique subsaharienne. Cette perspective transdisciplinaire a vocation à mettre en exergue la complexité de l’objet d’étude dont les contributions s’attacheront à explorer les incidences sur l’ensemble des échelles de l’existant.

La crise écologique mondiale affecte aussi l’Afrique subsaharienne. C’est donc une approche transdisciplinaire qui permettra de mieux comprendre la complexité des interactions entre la crise écologique et les différentes facettes de la société africaine. C’est une crise qui inspire les artistes et les écrivains africains. Elle les pousse à aborder les questions environnementales à travers leur travail. Ces expressions artistiques contribuent à sensibiliser le public, à susciter des débats et à encourager des actions concrètes en faveur de la préservation de l’environnement en Afrique et au-delà.

Un excellent exemple illustre cette évolution, celui du recours accru des Africains à un artisanat local qui leur permet de mieux intégrer et de faire prendre conscience, aux européens notamment, de leurs besoins et de ceux de leurs pays. Une façon originale de faire comprendre comment, par exemple en Afrique subsaharienne, on peut réagir à la crise écologique. Il existe des initiatives ou des changements dans les pratiques artisanales qui démontrent une conscience environnementale qui évolue.

C’est ainsi que certains artisans ont opté pour une utilisation de matériaux durables et recyclés dans la fabrication de leurs produits, récupération de matériaux locaux, réutilisation de déchets, et promotion de l’utilisation de ressources renouvelables. D’autres artisans se tournent vers des méthodes de production plus classiques, très souvent plus respectueuses de l’environnement. L’utilisation de techniques de tissage, de teinture naturelle et d’autres méthodes traditionnelles est un bel exemple montrant comment réduire l’impact environnemental par rapport aux méthodes industrielles.

C’est le commerce équitable et éthique qui permet aux artisans de s’ouvrir à des pratiques de ventes différentes, de veiller à ce que leur travail respecte les normes environnementales et sociales, tout en adoptant le principe du paiement équitable, de la sécurité au travail et de la minimisation des déchets. Le recours à l’innovation (prise eu sens large) et au design durable a incité les artisans à intégrer des principes de design durable dans leurs créations, en concevant des produits avec une durabilité, une faible empreinte carbone et une facilité de recyclage ou de démontage. Ces exemples montrent à quel point il est possible de modifier les modes de fabrication pour protéger l’avenir.

De nouvelles approches de la question environnementale

La question est abondamment étudiée par les chercheurs et les universitaires africains qui abordent la crise écologique du point de vue des sciences humaines. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le sujet connait des perspectives émergentes et disposent de domaines de recherche parfaitement identifiés.

L’impact du changement climatique en Afrique subsaharienne est une préoccupation majeure. Les chercheurs examinent les modèles climatiques, les conséquences sur l’agriculture, les migrations liées au climat et les stratégies d’adaptation. Les questions de justice sociale et environnementale sont au cœur des recherches. Elles mettent en lumière comment les communautés vulnérables (qui sont souvent les plus touchées par les problèmes environnementaux), accèdent à des ressources qui doivent être distribuées de manière plus égale. Et, en fin de compte, les universitaires explorent la manière dont l’éducation peut être utilisée comme l’outil fondamental permettant de sensibiliser les citoyens aux enjeux écologiques, d’encourager ces derniers à recourir à des pratiques durables et de promouvoir une conscience environnementale.

Il est important de noter que ces domaines de recherche ne sont pas mutuellement exclusifs, et que de nombreux projets interdisciplinaires permettent aborder la crise écologique de manière holistique, en combinant des approches provenant de différentes disciplines des sciences humaines.

Les médias africains couvrent la crise écologique. Ils jouent un rôle important dans la sensibilisation du public et la promotion de solutions durables. En ce qui concerne l’influence des médias africains sur la couverture de la crise écologique, il est important de noter que ces derniers peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre sur le continent africain, que ce soit en termes de taille, de portée, ou de niveau de développement.

Les médias africains sont en mesure de jouer un rôle central dans la sensibilisation du public, notamment en ce qu’ils sont en mesure d’éduquer la population sur les questions écologiques, en mettant en lumière les conséquences de la crise écologique sur le niveau de vie du pays et en soulignant les actions individuelles et collectives qui pourraient être entreprises pour atténuer les problèmes. La sensibilisation du public peut également impliquer la promotion d’une meilleure compréhension des enjeux mondiaux, tels que les accords internationaux sur le climat, et leur impact sur les communautés africaines.

L’interaction entre la politique et l’environnement est complexe et souvent sujette à des conséquences significatives.

Les politiques environnementales, élaborées et mises en œuvre par les gouvernements, jouent un rôle crucial dans la préservation de la planète. Toutefois, les changements politiques entraînent des révisions, voire l’abolition de certaines régulations, ce qui a un impact direct sur les industries émettrices de gaz à effet de serre, de produits chimiques toxiques, ou des conséquences notoires sur les pratiques agricoles. Une réduction des normes environnementales entraînent de facto une détérioration de la qualité de l’air, de l’eau et du sol.

Les politiques gouvernementales déterminent également la manière dont les ressources naturelles sont exploitées et gérées. Les changements politiques entraînent un relâchement des restrictions sur l’exploitation minière, la déforestation, ou la pêche intensive. Ces pratiques non durables conduisent souvent à une érosion de la biodiversité, à la dégradation des écosystèmes, et à une diminution des ressources naturelles disponibles.

La transition vers des sources d’énergie plus propres dépend largement des politiques énergétiques. Des gouvernements engagés dans la promotion des énergies renouvelables accélèrent généralement cette transition et réduisent les émissions de gaz à effet de serre. Ils devraient pourvoir ainsi atténuer le changement climatique. Mais à l’inverse, des changements politiques défavorables à ces initiatives retarderont cette transition cruciale vers une économie plus durable.

Les conséquences environnementales des changements politiques ne se limitent pas aux écosystèmes, elles touchent également les populations humaines de manière significative.

Les changements environnementaux résultant de politiques défavorables ont des conséquences directes sur la santé humaine. La pollution de l’air, de l’eau et du sol entraîne des problèmes respiratoires, des maladies liées à l’eau, et d’autres problèmes de santé graves. Les populations les plus vulnérables, souvent les plus pauvres, sont généralement les plus touchées.

Les catastrophes environnementales liées à des politiques inadéquates engendrent d’énormes coûts économiques. Des inondations, des incendies de forêt, ou des tempêtes plus fréquentes entraînent des pertes massives pour les agriculteurs, les entreprises et les gouvernements. Les coûts de reconstruction et d’adaptation pèse sur l’économie nationale.

Les changements environnementaux peuvent forcer des communautés entières à se déplacer en raison de phénomènes tels que la montée du niveau de la mer, la désertification ou les catastrophes naturelles. Ces migrations internes ou externes entraînent alors des tensions sociales, des conflits et une pression sur les ressources disponibles dans les zones d’accueil, ce qui se passe aujourd’hui au Burkina Faso et au Mali.

Afrique : définir des politiques éclairées et respectueuses de l’environnement

Il est indéniable que les changements politiques dans les pays Africains ont des répercussions profondes sur l’environnement, ce qui crée des implications directes sur la vie quotidienne des peuples et sur la stabilité économique des nations. La prise de décision politique doit intégrer une perspective environnementale robuste pour assurer la durabilité à long terme et le bien-être de la société.

La responsabilité de définir des politiques éclairées et respectueuses de l’environnement repose sur les épaules des dirigeants actuels et futurs, c’est ce qui a été exposé lors du sommet de Brazzaville. C’est en effet au cours de ce sommet « des trois bassins forestiers tropicaux » organisé fin octobre 2023 à l’initiative du Président Sassou N’GUESSO qui est particulièrement engagé sur ces causes, que se sont réunis les dirigeants concernés par l’Amazonie, le bassin du Congo et de la région Bornéo-Mékong-Asie du Sud-Est.

L’objectif en était de mettre en œuvre, dans le cadre de la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes, la première coalition mondiale pour la restauration de 350 millions d’hectares d’écosystèmes terrestres et aquatiques.

Bernard Chaussegros


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