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Bourgogne-Bordeaux : François Pinault signe avec la famille Henriot le mariage du siècle

Francois Pinault (© Bruno Klein/Limelight/ABACA.)

Ce sont des deals qui font du bien au capitalisme français tout entier et qui ne peuvent que renforcer leurs atouts face aux mastodontes financiers internationaux, devenus de redoutables prédateurs pour notre appareil industriel ou patrimonial. Presqu’un cas d’école…

L’accord de fusion orchestré dans le domaine du vin par les familles Pinault d‘un côté et Henriot de l’autre, préfigure le type d‘entente qui peut permettre à nos maisons familiales de tenir la dragée haute dans la mondialisation accélérée où les fonds de private equity et les groupes multinationaux s‘en donnent à cœur joie.

Francois Pinault n’est certes pas un néophyte. Et il démontre qu’à 86 ans, au moment où son fils François- Henri s‘évertue plutôt bien à placer la maison Kering avec toutes ses marques (YSL, Gucci, Boucheron, Brioni…) sur les fonts baptismaux du luxe planétaire avec plus de 17,6 milliards d‘euros de chiffre d‘affaires annuel et quelques 42000 collaborateurs de par le monde. Même si les ventes de la pépite Gucci ne sont pas au niveau escompté.

En revanche, la bonne tenue de Saint-Laurent, voire de Balenciaga, témoigne que le groupe  familial conserve d’excellents fondamentaux, sans même évoquer sa très belle incursion dans le profitable créneau des lunettes de marques avec sa filiale Kering Eyewear qui réalise déjà 576 millions d’euros, en progression de 50 % sur un an, avant même de mettre la main sur la marque branchée du lunetier américain Maui Jim.

Francois Pinault, le patron historique du groupe, l‘ami coutumier des présidents de la République (Chirac, Hollande ou Macron) continue d‘avoir la main verte. Notre homme sait récolter ce qu‘il sème. Quitte à savoir attendre le moment propice en bon chasseur qu‘il est. En matière de vins et spiritueux, le créateur du magnifique musée parisien à la Bourse du Commerce disposait jusque-là d‘un très beau portefeuille de grands vignobles, l’un des plus riches du bordelais avec Chateau Latour ou Baronne Guichard (Gironde), en Bourgogne aussi avec le Domaine d‘Eugénie à Vosne-Romanée, voire dans la vallée du Rhône avec l’exceptionnel vin blanc de Château Grillet. Autant de terroirs de très haute qualité et à fort potentiel de croissance.

Après une récente incursion en Champagne à Dizy (Jacquesson, 250 000 bouteilles) et la conclusion de cet accord avec Henriot, Artémis Domaines disposera d‘un des plus prestigieux vignobles du territoire. Puisqu’outre le champagne Henriot (depuis 1808) viennent se rajouter Bouchard Père & Fils, la maison historique de Beaune, depuis 1731, ainsi que William Fevre, premier exploitant de grands crus à Chablis, ou le domaine Beaux-Frères en Oregon aux États- Unis. Une collection de vins unique au monde qui fait dire à François Pinault lui-même : « c‘est la garantie qu‘un groupe français assurera dans la durée la préservation de tels joyaux. »

Le groupe Henriot disposera de 25 % du nouvel ensemble, présidé par Gilles de Larouziere, pour une valorisation estimée à 750 millions d‘euros. Un accord équilibré conclu entre deux familles qui s‘estiment et se respectent, et qui permettra à n’en pas douter de dégager de belles synergies dans un monde du vin devenu de plus en plus professionnel et concurrentiel.

C‘est à ce type d‘accord surprise et intelligent que l‘on reconnaît la signature des grands fauves de l’entrepreneuriat. J’avais interviewé Francois Pinault à ses débuts dans les années 80.

Sous les traits de Bonaparte du bois et de la reprise d’affaires en difficultés, se profilait déjà ceux de celui, qui avec Bernard Arnault, allait devenir un vrai Napoléon du luxe. Derrière une certaine simplicité, le menhir breton des affaires ne dissimulait pas une véritable ambition pour les siens, pour son groupe et même pour son pays.


Récemment quand le club de football des Girondins de Bordeaux, véritable institution du ballon rond, a frôlé la liquidation judiciaire, le patron de Stade Rennais n’a pas hésité à monter au créneau pour convaincre ses confrères propriétaires de châteaux viticoles du Bordelais ou du Médoc pour tenter d‘organiser un tour de table de la dernière chance.

Malgré tout son poids, Pinault aura lancé son appel en vain. Les propriétaires de vignobles, habitués à la discrétion et à un certain train-train, n‘auront pas saisi la perche que leur tendait amicalement l’entrepreneur breton devenu en trois décennies le numéro deux mondial du luxe, derrière LVMH. Il avait déjà un coup d‘avance sur le fait que le football au niveau mondial était en train de devenir le meilleur des vecteurs de communication pour mieux imposer marques, modes et chiffre d’affaires.

Remarquez que les maisons de Champagne n‘ont pas encore non plus compris tout le profit qu’elles pourraient retirer d‘une mise en lumière de leurs produits avec la remise en selle d‘un club comme celui du Stade de Reims, heureusement porté actuellement par le dynamique entrepreneur transporteur local, Jean- Pierre Caillot.

Reims, une cité royale où les projets d’hôtels de luxe se multiplient avec l’essor du tourisme et de l‘œnotourisme passé en un an de un à deux millions de visiteurs et qui accueillera du 12 au 14 Mars 2023 le premier salon mondial de l‘œnotourisme, organisé par Alain Marty.

Le mariage Bourgogne-Bordeaux opéré sans bruit par les familles Henriot et Pinault donne naissance à un leader mondial des vins d‘exception. Un groupe qui pourrait devenir le meilleur des réceptacles pour accueillir dans son giron d‘autres domaines viticoles familiaux de prestige.

Car, malgré toutes ses qualités, le bordelais Bernard Magrez, l’homme aux 42 châteaux viticoles, ne pourra pas racheter à lui tout seul tous les nouveaux cédants. Quand au niveau leader de la distribution de vins, Cordier by InVivo (450 millions d’euros de chiffre d‘affaires), son président, l’excellent Thierry Blandinières, nous a fait savoir clairement vouloir s’étendre en reprenant des distributeurs et non pas des domaines. La bataille du vin ne fait que commencer.

C‘est la raison pour laquelle Pinault et Henriot font bien de se mettre ensemble. « Une union porteuse de sens pour construire un leader mondial des grands crus… » comme l’annonce lui-même fièrement et à juste titre l’incroyable François Pinault.
Quand on s‘entend bien, on est toujours plus forts à deux !

Robert Lafont


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