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Béchir Gemayel, éternel martyr du Liban chrétien

Le 14 septembre 1982, Béchir Gemayel était assassiné, avec 23 de ses compagnons, dans un attentat à la bombe perpétré au cœur du Beyrouth chrétien. Yann Baly se souvient.

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De notre envoyé spécial à Marseille Antoine Bordier

Ils sont devenus rares ces Français qui se passionnent, encore, pour le Liban. Yann Baly en est un. Il a écrit un livre passionnant, avec son co-auteur Emmanuel Pezé : Béchir GEMAYEL. Il évoque l’épopée de ce président de la République libanaise assassiné le 14 septembre 1982. Eclairage à l’heure où le Liban est en pleine crise institutionnelle.

Nous le retrouvons à Marseille. Petit, il ressemble à un éternel étudiant alors qu’il occupe, professionnellement, des fonctions importantes dans la gestion d’une collectivité locale. Ce directeur général des services de la ville de Camaret-sur-Aygues, dans le Vaucluse, est un passionné d’histoire de France et du Liban. Il se revendique comme étant un chrétien engagé. Il préside, ainsi, aux destinées des associations comme le Centre Charlier et Chrétienté-Solidarité, qui ont été fondées dans les années 1980.

Yann Baly avec Solange et Youmna Gemayel


Ce père de famille de trois enfants est passionnant. Son caractère est authentique, tout en étant doux et humble. « Oui, je suis au service de ma ville et de mes concitoyens avant-tout », tient-il à préciser. Avec ses 2 500 adhérents et sympathisants, il travaille pour défendre des valeurs qui, selon lui, sont en voie de disparition. « Ce qui nous anime ce sont, d’abord, des valeurs spirituelles, patriotiques et humaines. Ces valeurs sont en train de disparaître. C’est, certainement, pour cela, que nous sommes liés, dès le départ, au Liban, au parti des chrétiens du Liban, au Kataëb. »

Leur devise ressemble à celles de l’Ancien Régime, des temps qui remonteraient jusqu’aux croisades. A ces temps où la France et le Liban, justement, se sont liés par une très forte amitié, une alliance qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Pensez : Dieu, famille, patrie, telle est leur devise. Une devise qui en échauderait plus d’un, au moment où la chrétienté en France est en berne, et, l’islam en hausse. Bigre !

La famille Gemayel à l’honneur

Cette famille est très importante pour les Libanais, pour Yann et ses amis. « Solange Gemayel, l’épouse du président Béchir Gemayel (1947-1982), est notre présidente d’honneur. »  Lors du 40è anniversaire commémorant l’assassinat de Béchir Gemayel, Yann Baly se trouve à Beyrouth. Il y présente son livre. Comment expliquer un tel attachement ? Difficile de comprendre cet intérêt, à l’heure où, depuis, 2019, les crises successives se multiplient au Liban. Rares sont les Libanais de la diaspora, qui ont décidé de rentrer, définitivement au pays. C’est plutôt l’effet inverse qu’il faut constater. Selon les chiffres de la Sûreté générale, ce sont plus de 100 000 Libanais qui ont quitté le pays. Et, depuis le 7 octobre, le tourisme a pris un coup dans l’aile. Nombreux, ils ont reporté leurs séjours à l’année prochaine. Le Liban est aux abois, les touristes aux abonnés absents.

Pour Yann, le Liban est sa seconde patrie. Cet amoureux de l’histoire de France n’est pas prêt d’abandonner le Liban a son triste sort. La défense des chrétiens d’Orient, et, principalement, ceux du Liban l’a, toujours, fasciné. Il aime se rappeler que Saint Louis, Louis IX, a été le grand protecteur de la communauté chrétienne des Maronites. Cette protection a été poursuivie par Napoléon au 19è siècle. Puis, entre 1920 et 1943, à la suite de la chute de l’Empire ottoman, la France est mandatée pour administrer le Liban, tout en préparant son indépendance. La France continue à protéger les chrétiens.

Le commandant de Gaulle y est affecté dans les années 1930. Il en gardera un souvenir impérissable. Cette tradition de « protectrice », le pays tricolore semble n’y avoir jamais manqué. Récemment, une autre illustration de cette forte amitié a été renforcée avec la présence du Président Macron, au lendemain de la tragédie des explosions du port de Beyrouth en août 2020. Quant à Yann, il ressemble, à sa mesure, à un chevalier servant. Ses armes sont ses engagements associatifs et sa plume. Cette vieille tradition littéraire franco-libanaise dont le blason devrait être redoré. Avec Yann, la famille Gemayel et le Liban sont à l’honneur.

« Oui, c’est vrai, l’histoire commune de la France et du Liban commence avec Saint Louis. C’est lui qui pose la première pierre en disant, en 1250 : “Je considère les Maronites, les habitants du Mont-Liban, comme mes propres sujets.” Il leur a assuré son amitié et sa protection. »

« Le Liban ne va pas bien »

Yann, s’il est heureux de pouvoir parler du Liban, est inquiet, très inquiet. Depuis toutes ces années où il met les pieds dans le pays du Cèdre, il voit que le pays s’enfonce dans la crise. « Oui, le Liban ne va pas bien. Il est plombé par plusieurs crises. Il y a une crise politique, économique et financière. Financière parce que les banques ont fait faillite. Il y a, également, une crise sociale très importante, avec une inflation galopante, qui a pour conséquence la paupérisation de toutes les couches sociales libanaises. Les salaires se sont effondrés. Par exemple un enseignant qui gagnait 2 000 à 2 500 dollars est maintenant à 200 ou 300 dollars. Les familles vivent au jour le jour, en ayant la crainte du lendemain. La crainte de ne pas pouvoir soigner son enfant. La crainte de voir sa voiture tomber en panne…»

Yann était encore au Liban, il y a quelques semaines, en octobre. Avec ses associations, il parraine des enfants en difficulté. Des familles françaises assurent le règlement de leur scolarité. Avec en tout 200 parrains, Yann est ravi d’apporter sa pierre à la restauration de l’édifice libanais, mais, il voit bien que les besoins sont immenses. « Nos parrains donnent 200 euros par an et par enfant. Cela paraît peu, vu de France, mais sur place, ce soutien est très important. »

Zoom sur Pierre Gemayel, le 1er héros du Liban

« L’histoire de la famille Gemayel est indissociable de l’histoire du Liban. Ils sont originaires du village de Jaj, dans le nord-est du Liban près de la forêt des Cèdres », raconte Yann. Jaj ? Quel joli nom pour un village perché à plus de 1900 mètres d’altitude. Un village de cèdres, d’eau et de pierre. Un village de montagnards qui donne toute sa force, tout son enracinement à ce peuple au visage doré, aux pieds solidement ancrés dans les profondeurs de la roche ; et à leur âme si forte, capable de soulever des montagnes de persécutions. C’est là, aux confins de la célèbre Byblos, de la belle Jbeil, que les Phéniciens, et, avant-eux, les Cananéens, allaient couper ces arbres majestueux, les cèdres, pour construire les bateaux, les palais et les autres temples de toute la région du Levant, et, au-delà, dans tout le Moyen-Orient.

« Le patriarche le plus récent de cette grande famille Gemayel, s’appelle Pierre, c’est le père de Béchir et d’Amine. Il est, dans un premier temps, un passionné de football. Il est un sportif accompli. Il va devenir le premier arbitre international issu du monde arabe. En 1936, il participe aux JO de Berlin. Puis, il fondera le parti politique Kataëb, qui allie le patriotisme, la politique et le sport », ajoute Yann, visiblement passionné. A l’époque, les nationalismes ont le vent en poupe, et, Pierre s’en inspire.

Juste avant l’indépendance de 1943, Pierre Gemayel (1905-1984) et son parti rassemblent plus de 30 000 membres, ce qui est considérable pour l’époque. Le dernier recensement, celui de 1932, établit la population libanaise à 800 000 habitants. C’est comme si, aujourd’hui, en France un parti politique avait plus de 2,5 millions d’adhérents. Impensable ! « Avant que Béchir devienne le héros du Liban, son père l’a été principalement lors des guerres israélo-arabes », ajoute Yann pour indiquer le dimensionnement hors-norme de cette famille, partie de rien.

Les Gemayel et une inquiétude pour la France

« Béchir est né dans cette famille héroïque en 1947, juste après l’indépendance. Il meurt en 1982, alors qu’il avait réalisé le rêve de son père : devenir président », souligne-t-il. Il connaît l’histoire contemporaine du Liban par cœur. Il évoque, de nouveau, la double explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020. Il alerte et il s’inquiète. Il s’inquiète pour un Liban qui se meurt, et dont « la vie est ternie par des Etats étrangers qui ne lui veulent pas du bien. » Ce patriote, au cœur bleu-blanc-rouge, s’inquiète, également, pour la France, dont les banlieues implosent de temps en temps selon les lois et le montant des subventions qui leur sont accordées, ou pas. Il y a quelques semaines, Yann se trouvait en visio-conférence avec l’une des filles de Béchir Gemayel, Youmna. « Elle nous disait : “ Je suis plus inquiète pour la France et l’Europe que pour le Liban, parce que vous êtes près de vivre ce que nous avons vécu juste avant la guerre civile de 1975-1990 ” ».

Son appel pour les enfants du Liban

A l’approche des fêtes, justement, Yann ne peut pas s’empêcher de penser aux enfants du Liban. A ceux qui sont parrainés et à ceux qui ne le sont pas. « Oui, nous lançons un appel à tous les Français et à la diaspora libanaise en France. Les enfants du Liban ont besoin de vous. En 2023, nous avons pu aider une centaine d’enfants. C’est bien, mais c’est insuffisant face à l’ampleur des besoins. »

Dans les chiffres, grâce à leurs parrains actuels, la centaine d’enfants libanais qui ont pu être aidés cette année vivent à Beyrouth, à Kobayat (dans le nord du Liban), à Ras-Baalbeck et à Kaa (dans le nord de la Bekaa).

« Afin d’être plus en phase avec la situation des familles que nous aidons, nous avons décidé d’augmenter de 20€ les parrainages annuels pour 2024 : ils passeront de 180 à 200 € pour une année. C’est un petit effort mais un geste important pour le soutien apporté. » Son appel sera-t-il entendu ?

Le rapport alarmant de l’UNICEF

A l’heure où nous publions cet article, le rapport 2023 de l’UNICEF (le Fonds des Nations-Unies pour l’Enfance) est sous presse. Edouard Beigbeder, son représentant pour le Liban, déclare lors d’une interview réalisée par Nicolas Beau pour Mondafrique : « De plus en plus d’enfants n’ont plus la possibilité d’aller à l’école et de plus en plus d’écoliers abandonnent les salles de cours pour travailler. Les parents sont obligés de choisir les repas à servir aux enfants, ainsi que leur contenance. Certains ne peuvent plus se permettre de fréquenter les centres de santé. »

Plus d’un jeune libanais sur 10 est ainsi privé de scolarité. Et, c’est sans compter les enfants des 2,5 millions d’immigrés syriens installés au Liban. Là, plus de 400 000 enfants ne seraient pas scolarisés. L’équivalent des élèves de l’Académie d’Aix-Marseille qui ne reprendraient pas le chemin de l’école, à la rentrée prochaine, en janvier 2024 !

Si vous voulez parrainer un enfant : https://chretientesolidarite.fr/parrainage/

Reportage réalisé par Antoine Bordier / Copyright des photos Y. Baly et A. Bordier


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1 commentaires sur « Béchir Gemayel, éternel martyr du Liban chrétien »

  1. J’ai fait partie des camarades de Stephane Zanetachi, corse tué à Beyrouth au côté des Kataeb combattant les Palestiniens, en particulier à Tar El Zatar . Un autre camarade a été blessé au haut de la cuisse. Revenu en France, il deviendra commissaire de police. La Croix rouge internationale a déjà soutenu activement les palestiniens Aujourd’hui encore, soyons tous unis contre les terroristes palestiniens !

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