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Avec le « Versailles de l’Essonne », Kretinsky n’acquiert pas seulement un château !

Daniel Kretinsky (photo CTK/ABACA)

De plus en plus de nos grands entrepreneurs ne se contentent pas de faire prospérer leurs activités dans un seul secteur. Ils ont compris aussi qu’ils avaient un rôle moteur d’entraînement et de dynamique pour toute la société française. Cela passe aussi par des symboles forts, comme l’acquisition d’un grand château historique.

Il a beau être franco-tchèque, il est de plus en plus français Daniel Kretinsky. Le milliardaire (dont la fortune est estimée par Forbes à 5,02 milliards d’euros), qui après avoir fait fortune dans son pays en rachetant à contretemps des centrales thermiques de charbon dont personne ne voulait à l’époque, et qui ne valaient pas grand-chose. Il en a fait une véritable rente de situation.

C’est à partir ce premier coup d’éclat que l’austère Daniel, avocat de formation, qui ressemble à s’y méprendre à un banquier des années 70, a débarqué en France pour y faire ses emplettes. Il a d’ailleurs fait une partie de ses études juridiques à l’université de Dijon. La petite histoire raconte que c’est lors de son séjour en Bourgogne que le magnat est tombé amoureux de notre pays. On le comprend ! Cela ne mange pas de pain.

C’est même mieux que l’inverse, surtout actuellement dans le climat de haine organisé contre notre drapeau par certains dirigeants étrangers (Mali, Algérie…) même si nous le savons bien. Ce sont des gesticulations politiques d’abord à usage interne. Il n’en demeure pas moins que Daniel Kretinsky lui ne s’est pas contenté d’amour, mais a fourni aussi des preuves d’amour, à moins que ce ne soit que de l’intérêt !

Et d’investir sa fortune dans de nombreuses entreprises de l’hexagone. Prenant des positions minoritaires dans Casino, Fnac- Darty ou Maisons du Monde.

Des participations minoritaires certes mais qui constituent d’excellents postes d’observation pour pouvoir devenir éventuellement opérateurs ensuite à la faveur d’opportunités de marché. Un peu à la manière d’un Vincent Bolloré qui est devenu un maître en la matière : d’accompagnateur devenant ensuite propriétaire. On vient de le voir récemment dans sa prise de contrôle de la maison Hachette où même le formidable Bernard Arnault a été pris de cours.

Du coup, effet croisé ou non, le patron de LVMH semble s’être entiché à son tour du secteur des médias et de l’édition. Et tout Paris s’attend à ce que l’homme le plus riche d’Europe poursuive ses emplettes dans le secteur. Arnault vient de remettre au pot quelques 65 millions d’euros dans Le Parisien, quotidien dont il n’arrive pas à faire un vrai journal populaire de qualité.

Peut-être que Nicolas Charbonneau, le nouveau rédacteur-en- chef choisi pour cela, y parviendra. Mais on peut en douter. Faire du populaire de qualité est ce qu’il y a de plus difficile à réaliser ; il faut avoir les coudées franches et pouvoir dire ce que l’on pense. Qu’il prenne pour cela plutôt un vieux briscard de la presse, genre Franz-Olivier Giesbert.

Dommage que celui-ci, ne veuille plus quitter le Vieux port de Marseille. Il aurait été le candidat parfait. Un de ceux qui, désormais, lâche les chevaux sans se préoccuper de sa carrière. On ne prête qu’aux riches et forcément, on prête aussi à Bernard Arnault des visées sur BFM ou RMC, propriétés d’Altice de Patrick Drahi (qui voit avec inquiétude la remontée des taux d’intérêt), ou L’Express d’Alain Weill qui n’a jamais eu la main très verte avec les journaux -Le 10Sport, La Tribune -(c’est plutôt un homme de radio ou
d’audiovisuel), voire pourquoi pas de VSD, un magazine à succès, relancé par le vibrionnant Georges Ghosn (avec l’appui d’Entreprendre-Lafontpresse qui en détient 49,9%), qui certes n’est pas à vendre et dont les ventes explosent en kiosques (plus de 40 000). Mais sait-on jamais, Ghosn est un proche de Nicolas Bazire, devenu principal bras droit de Bernard Arnault surtout depuis le départ brutal de son fidèle collaborateur, Pierre Godé (présent depuis le début dans l’épopée Arnault déjà avec la promotion immobilière et Ferinel).

Allez savoir dans ce milieu des médias où rien n’est jamais vraiment à vendre mais où tout est à acheter. Un groupe aussi stratégique que Jeune Afrique, qui a dû opérer de conséquents investissements (5 millions d’euros ?) dans le numérique, sera-t-il conduit à ouvrir prochainement son capital d’autant que son fondateur historique, l’inénarrable Bechir Ben Yammed n’est plus là ? Nous verrons bien.

Daniel Kretinsky, pour revenir à lui, a bien compris les us et coutumes du capitalisme à la française. Lorsque vous voulez jouer un rôle de premier plan, il est toujours bien porté de disposer d’un grand média. Cela facilite les rendez- vous. À l’Élysée ou dans les cabinets ministériels. Observez Pinault avec Le Point, Bouygues avec TF1, Patrick Drahi avec BFM, Matthieu Pigasse avec Le Monde, Christian Latouche (Fiducial) avec Sud-Radio (qui vient juste de recruter Jean- Jacques Bourdin  (le « pestiféré »).

La liste est longue ; on pourrait y rajouter Franck Julien (Atalian – qui vient d’être cédé au fonds CD & R) avec La Tribune, ou Xavier Niel bien sûr (Le Monde, Nice-Matin…), et même maintenant Rodolphe Saadé, le patron de CMA CGM et sa nouvelle prise de guerre ; le quotidien marseillais La Provence, anciennement détenu par Bernard Tapie et sa famille.

Kretinsky lui n’a pas attendu longtemps pour saisir le mécanisme. Quand, en 2018, il a vu qu’Arnaud Lagardère mettait en vente son groupe de presse, le magnat de CMI n’a pas été le dernier à se porter candidat et à dégainer pour mettre la main sur Télé 7 Jours, Elle ou Ici Paris. Cela a surpris à l’époque. Avec le recul, la prise de contrôle d’ Hachette Filippacchi lui aura permis de s’installer plus vite dans le paysage des patrons qui comptent.

Bien lui en a pris, l’actuel propriétaire de Marianne et de Elle peut aussi miser sur le succès inattendu de l’hebdomadaire Franc-Tireur, feuille de chou politique qui fait résonance aux heures de gloire de la Résistance tout en prenant grand soin de bien rester dans le politiquement correct.

On ne se refait pas. À 47 ans, Daniel Kretinsky a compris que, pour pouvoir mieux durer dans le capitalisme tricolore parsemé d’Énarques, il fallait aussi pouvoir montrer patte blanche. Pas de déclarations intempestives, en revanche des signaux réguliers adressés à l’établissement financier sont toujours bien accueillis.

Parmi ceux-ci, l’acquisition d’un château historique représente un excellent symbole d’attachement au pays ou à son histoire.

Kretinsky n’y déroge pas et vient d’acquérir le prestigieux Château du Marais, surnommé le  » Versailles de l’Essonne « . Un bien très prestigieux du XVIII éme siècle, acquis selon notre confrère Spécial Demeures, via l’agence Commarque Immobilier, pour plus de 43 millions d’euros à des familles historiques, les de Pourtales et les Frotier de Bagneux, dynasties qui détenaient le superbe château aux 100 pièces depuis plus d’un siècle.

Une aubaine pour la petite commune du Val- Saint- Germain, située à 40 km de Paris, non loin d’Orly, et dont les rares petits commerces encore ouverts se frottent déjà les mains. Il se dit que Citizen K voudrait déjà le transformer en prestigieux hôtel-restaurant de luxe, entraînant la création de quelques 420 emplois. Un cabinet d’architecte, Perrot & Richard, a déjà été chargé des travaux qui dureront 4 ans.

Des investissements pharaoniques qui ne peuvent que conforter le blason et l’image d’un entrepreneur décidément de plus en plus français et de moins en moins tchèque. Ne reste plus pour lui qu’à s’acheter un club de rugby et une chaîne de restaurants et la boucle sera bouclée pour faire du solide Kretinsky le plus français des entrepreneurs en vue, Tant mieux, on en a besoin. Bienvenue au club de ceux qui investissent et entreprennent toujours plus en France.

Robert Lafont


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