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Au Liban, le combat d’un Chrétien d’Orient

Alors que les bombardements de Tsahal au sud du Liban auraient fait près de 200 morts depuis le 7 octobre, à Beyrouth, dans ses bureaux, Fouad Abou Nader jongle entre ses différents rendez-vous. L’homme, le jeune guerrier des années 1970-1990, est devenu un entrepreneur aguerri, mieux un entrepreneur-philanthrope. Portrait d’un homme de bonne volonté, qui sera peut-être, un jour, Président de la République du Liban.

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De notre envoyé spécial au Liban, Antoine Bordier

L’homme est pressé. Sa poignée de main est chaleureuse. Son regard et son dynamisme transpirent à travers ses faits et gestes. Ses propos, droits et limpides, vont droit au but. Il est précis. Son énergie est débordante, entraînante, presque militaire. L’homme semble ne rien garder pour lui, et vouloir tout donner. Son bureau est à l’image de son occupant. Il est racé, presqu’épuré. Aux murs sont accrochés des tableaux représentants des cartes géographiques du Liban. Un bas-relief ancien rappelle au visiteur que le Liban est un très vieux pays, un vieux peuple, une vieille terre. Une terre de littoral, de montagnes et de vallées.

Dans son nouvel uniforme fait de laine, son pull à col roulé noir surmonté d’une veste d’hiver (il fait 10° degrés ce matin-là, mais avec un ressenti qui frise les 5°), l’homme ressemble à un gentleman. Il paraît 20 ans de moins, alors qu’il approche des 70 ans. L’homme ? Il s’agit de Fouad Abou Nader, lui-même. Certains de ses amis l’appellent « le héros du Liban ».

H comme Histoire du Liban

Devant lui, son livre coécrit avec Nathalie Duplan et Valérie Raulin. Son titre est plus qu’un titre, il est un édifice, une pierre vivante, le sommet d’une montagne à gravir, celui du Mont-Liban. Son titre en dit long, il résume sa vie : Liban : les défis de la liberté, le combat d’un chrétien d’Orient. Nathalie Duplan et Valérie Raulin sont deux grandes journalistes, spécialistes du Liban. Elles ont écrit plusieurs ouvrages. Dans cet ouvrage, paru en 2021 aux Editions de l’Observatoire, Fouad Abou Nader raconte son histoire. Elle passe au crible de sa mémoire. Une histoire avec un grand H, une histoire étroitement liée à celle du Liban. Une histoire qui commence le mercredi 27 juin 1956.

A Baskinta, dans les hauteurs du Liban, à 1300 mètres d’altitude, Fouad pousse ses premiers cris, comme le célèbre poète Georges Ghanem, 24 ans plus tôt. Il fait ses premiers pas dans cette région montagneuse, dorée par le soleil du Liban en plein été, et recouverte de neige en plein hiver. Un soleil et une neige qui font jaillir des terres fertiles et généreuses de la région de Metn des arbres fruitiers aux saveurs inégalées. Ici, vous n’êtes pas sur la route de la soie, vous êtes sur la route des fruits de Sannine, la montagne qui grimpe jusqu’à 2 629 mètres. Une montagne qui est une élévation. Fouad, pendant toute son enfance, avec ses parents Antoine et Claude et ses 4 sœurs (il est l’aîné), va profiter des jardins extraordinaires de la région. Mieux encore, il va grandir au milieu d’une famille dont l’âme, l’esprit et l’histoire (l’ADN, diront certains) sont intimement liés avec celle du pays. Pensez : il est le petit-fils de Pierre Gemayel, et sa maman est la sœur de Bachir Gemayel, le plus jeune président du Liban et des démocraties républicaines. Dans son sang coule les neiges éternelles, qui au printemps se déversent en une danse, au milieu des rivières et des ruisseaux du pays. Pierre Gemayel ? Il est LA figure historique et politique par excellence qui va façonner le Liban à partir de son indépendance, en 1943. Quant à Bachir, il en sera le fils-martyr. Martyr de la folie des hommes.

Une enfance heureuse ?

« Mon enfance a été très heureuse », raconte Fouad Abou Nader, calé dans son fauteuil. « Nous vivions entre Baskinta et Beyrouth. Nous allions, aussi, à Baalbek où vivait mon grand-père, qui était juge. » Baalbek, Baskinta, Beyrouth, que des b, les b du bonheur ?

Le Liban est le pays de cocagne du Proche et du Moyen-Orient. Un pays très convoité où les banques se sont installées pour en faire une petite Suisse. Un pays où les peuples ont été persécutés. « Pendant 1 400 ans, les premiers chrétiens ont dû se réfugier dans les montagnes, au Mont-Liban. Ils échappaient, ainsi, aux massacres. Ils ont été persécutés à plusieurs reprises : par les Romains d’abord, puis les Byzantins, ensuite les Arabes, les Ottomans, etc. » La survie des chrétiens et des Maronites en particulier (ils représentent la majorité des chrétiens qui sont estimés, aujourd’hui, à 30 ou 40% de la population), est étroitement liée aux montagnes. Fouad en est descendu à plusieurs reprises. A Beyrouth, jusqu’à l’âge de 14 ans, il étudie normalement au Collège Notre-Dame de Jamhour, l’un des établissements les plus réputés du pays. Puis, vers l’âge de 14 ans, c’est la bascule. Une partie de sa vie va devenir un mystère. Un mystère au service de son pays.

« Défendre l’identité libanaise »

C’est son leitmotiv depuis cet âge ! « Oui, je me suis engagé à 14 ans au sein du parti Kataëb. Mes parents ne le savaient pas. Ils l’ont su 4 ans plus tard, vers l’âge de 18 ans, lorsque la guerre de 1975 a commencé [elle va durer jusqu’en 1990]. Je n’étais pas seul. Des milliers de jeunes s’engageaient. Il y avait un dynamisme, un élan, une ferveur incroyable, dans ce parti politique qui s’occupait de la jeunesse. J’avais envie de défendre l’identité libanaise menacée par l’afflux massif de Palestiniens, dont les chefs voulaient faire du Liban leur nouvelle Palestine. » C’est le temps de l’effervescence au Liban.

Enlevez la politique, enlevez l’identité libanaise, et c’est tout un peuple qui disparaît. Depuis toujours, les Libanais ont résisté aux assauts des hommes et du temps. Les Libanais sont profondément amoureux de leur pays. Ils le défendent quoiqu’il en coûte. Cet esprit patriotique, qui pourrait être qualifié d’extrême selon certains observateurs non avertis (et ils sont légion), est au-dessus des partis. Il est dans l’âme libanaise. Une âme de montagnards rompus à vivre dans les hauteurs glaciales des montagnes, se taillant une demeure à mains nus, à même la roche, comme dans la vallée de la Qadisha et dans la forêt des cèdres de Dieu. Vue de France, sans immersion préalable auprès de ces hommes et de ces femmes qui sont les héros, les patriotes et les résistants de leur pays, il est impossible de comprendre le Liban. Le Liban, qui, pour de Gaulle, était le « phare spirituel de la Méditerranée orientale ». Le Liban qui regarde, aussi, l’Occident.

Kataëb et Pierre Gemayel : un parti et un patriarche

Fondé par Pierre Gemayel, son grand-père, ce parti démocrate-social est né dans les années 1936. Son fondateur a eu le nez creux, car ce parti correspond tout-à-fait aux besoins de l’époque. Nous sommes encore sous le mandat français (1920-1943) et l’indépendance du Liban est proche (1943).

Il est impossible de ne pas reconnaître le sigle du parti, qui représente un cèdre. Très vite ce parti est au premier plan de la vie politique avec ses près de 40 000 membres. Et, la jeunesse va y jouer un rôle crucial. Ancien scout, Pierre Gemayel croit beaucoup que la jeunesse et son éducation sont la meilleure des huiles pour le moteur Liban. Grand organisateur, doté d’un charisme hors-norme, il grimpe les échelons de la politique au rythme de ses projets et de ses réussites. Lui aussi est un homme pressé. Il sera 9 fois ministre. Fouad l’admire et suit son exemple. Face à ce parti, que l’on peut qualifier de droite (à l’image du RPR de l’époque), se dressent les partis de gauche à majorité musulmane.

Parmi les partis du Liban, il faut noter la présence du Parti Populaire Syrien, qui deviendra le Parti Syrien National Social (PSNS). La vision de ses fondateurs s’oppose à celle de Pierre Gemayel, de Bachir Gemayel et de Fouad Abou Nader. Ces-derniers veulent faire du Liban une nation forte démocratique et sociale et les premiers veulent construire la Grande Syrie de demain. Comme son nom l’indique le PSNS est pro-syrien, anti-arabe. La Grande Syrie ? Un rêve pour certains qui devint plus ou moins réalité entre 1990 et 2005, lorsque l’armée syrienne occupe le pays. Un cauchemar pour les Libanais de souche montagnarde, qui ont soif d’indépendance et de liberté. Il faut rajouter à ces partis le PCL (parti communiste libanais) et le PSP (parti socialiste progressiste), qui sont tous les deux pro-palestiniens.

Les prémices des guerres         

Vue de France, un mélange d’information, de désinformation et de propagande floute la réalité de ce que les grands médias vont appeler « la guerre civile du Liban ». Vue du Liban, pour Fouad il faudrait parler plutôt « des guerres du Liban ». La première des guerres du Liban s’étalerait ainsi de 1975 à 1982 et la seconde guerre de 1982 à 1990, où la guerre est devenue fratricide. Puis, il y aura cette occupation syrienne de 1990 à 2005. « Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un contexte où en 1967 les Arabes perdent la guerre des Six Jours. Lors de cette guerre-éclair Israël a surpris tout le monde. A parti de ce moment-là, les Palestiniens ont commencé leurs actes de terrorisme, que l’on a oubliés aujourd’hui. Oui, c’est l’heure du terrorisme en Europe, avec, notamment, les attentats de Munich pendant les JO de 1972. A l’époque, les Israéliens ont bombardé en représailles les camps palestiniens au nord, près de Tripoli, et à Beyrouth.

Depuis 1948, le Liban a essuyé de nombreuses vagues successives de réfugiés palestiniens. Ils sont 500 000 dans les années 1970. Dans les camps, l’armée et la police ne pouvaient pas rentrer. Puis, les Palestiniens ont décidé de bâtir un Etat dans l’Etat. Dans les camps, l’argent coulait à flot, les armes aussi. Ils avaient une vraie armée. Leur plan ? Faire du Liban leur nouvelle Palestine… »

Tous les ingrédients d’une implosion, d’une prochaine guerre, sont réunis. D’autant plus que la présidence chrétienne maronite dérange. « Ce n’est plus acceptable qu’un gouvernement chrétien puisse gouverner le Liban. »

Les Palestiniens en quête d’Hanoï

Fouad évoque le mot de LIBERTE, pierre angulaire du Liban depuis 1920. Il rappelle que ce sont les chrétiens qui ont instauré l’alphabétisation et l’éducation obligatoires. Il n’oublie pas, non plus, que le Liban est composé de 18 communautés religieuses différentes. Ces communautés, cette histoire, cette nation, vont s’embraser. Oui, l’embrasement est proche, telle la pression autour d’un bouchon de champagne. Surtout, depuis les accords secrets du Caire, signés en novembre 1969 entre les délégations libanaises et celles de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine), permettant aux Palestiniens d’armer leurs camps de réfugiés. « Cela s’explique parce que cette même année, il y a eu un conflit entre les milices de l’OLP et l’armée libanaise. La Syrie a fermé ses frontières, dans le but de mettre à terre notre pays. Et les accords du Caire ont permis, surtout, aux Palestiniens d’opérer contre Israël à partir du Liban. »

Fouad se souvient de tout comme s’il revivait ces moments. Il se souvient de ce que disaient alors les Palestiniens : « Nous voulons – en parlant du Liban – créer un Hanoï pour pouvoir conquérir Saïgon (Israël). » Entre 1970 et 1971, en Jordanie de graves conflits armés opposent les Palestiniens à l’armée du roi Hussein. Ce-dernier les expulse. Direction… le Liban. Yasser Arafat et ses fedayins sont sous protection syrienne. Ils ont échoué à renverser la monarchie du roi Hussein. Ils vont vouloir renverser le Liban et atteindre Israël.

A 18 ans, il rencontre Yasser Arafat

« Au Liban, entre l’armée nationale et les fedayins de Yasser Arafat, les clashs vont se multiplier. En 1975, c’est l’embrasement. De mon côté, depuis 5 ans, je me suis entraîné et formé. J’ai poursuivi mes études comme si de rien n’était. Mes parents ne connaissaient toujours pas mon engagement. Quand je quittais le domicile, en dehors des cours, je leur disais que j’allais travailler chez un copain. Et puis, la guerre a commencé. »

Il faut imaginer ce Liban des années 70 où toute une jeunesse chrétienne de 14 à 30 ans se lève et se forme, s’entraîne militairement sur la crête d’un pays bientôt en feu. « Nous étions plusieurs dizaines de milliers comme moi, comme mon copain Elie. Nous pressentions que le Liban serait attaqué, de l’intérieur. Ce que les Palestiniens avaient voulu faire en Jordanie. Ils allaient le faire au Liban. Nous avions la Syrie contre nous. Et, à l’époque, Israël était avec nous. » 

Face à une armée libanaise composée de 10 000 militaires, les fedayins sont 3 à 4 fois plus nombreux. De conflits en conflits, l’armée libanaise va vite être débordée. C’est à ce moment-là que les milices chrétiennes vont intervenir. Fouad fait partie de la milice des étudiants. Il est prêt. Il est tellement prêt qu’il sait manier la kalachnikov et qu’il a, déjà, son fait d’armes. « A l’été 1974, le 30 juillet, il y a un conflit entre le camp palestinien de Tall Zaatar et nous. Je fais, alors, partie de la milice BJ, les Bejins. C’est l’élite de la milice des étudiants. Quelques mois plus tard, en mars 1975, je me retrouve face à Yasser Arafat, car je me suis fait arrêter par sa propre milice, à Beyrouth. Il a appelé le Premier ministre de l’époque, et lui a dit : “ Je t’envoie 3 petits chrétiens.” Et puis, il nous a dit : “ Vous les chrétiens, vous allez apprendre ce que c’est que vivre sous la tente…” ». Le jeune homme a eu la première peur de sa vie.

1975-1990 : de guerre en guerre

Au cours de ces guerres, Fouad va devenir le Chef des Forces Libanaises. « Les guerres ont commencé le 13 avril 1975. J’ai dit à mes parents : “Je descends combattre.” Les Palestiniens ont bombardé le matin une église en pleine cérémonie d’inauguration où se trouvait Pierre Gemayel. Puis, un bus palestinien, dans l’après-midi, qui passe dans la rue, est pris en représailles. C’est le début de la guerre. »

Entre guerres et paix, plusieurs conflits vont larver le pays. Les lignes de démarcation entre chrétiens et musulmans se multiplient dans tout le pays. Dans Beyrouth, on l’appelle la ligne verte. Elle oppose l’ouest musulman à l’est chrétien. De part et d’autre des conteneurs et des sacs de sable sont disposés. Les plus proches immeubles vont se transformer en dentelle de béton.

Les différentes milices chrétiennes vont, ensuite, fusionner pour créer les Forces Libanaises. « C’est Bachir Gemayel qui les a unifiées et qui a fondé les Forces Libanaises. Au début, Israël nous a aidé, jusqu’en 1982. Année où Bachir devient Président. » L’intervention d’Israël en 1982 va déclencher une autre guerre, plus internationale celle-là, avec l’intervention des Etats-Unis, de la France, de la Syrie. Le 14 septembre 1982, trois semaines après avoir été élu, Bachir Gemayel, le fils de Pierre Gemayel, l’oncle de Fouad, est assassiné. Par qui ? Le mystère demeure. Israël et la Syrie sont pointés du doigt. Israël, car Bachir voulait s’émanciper d’eux. La Syrie, car elle veut toujours réaliser sa Grande Syrie.

Le héros du Liban et la guerre des chefs

De son côté, Fouad a été blessé plusieurs fois. Le pire serait-il à venir ? Alors qu’il a pris les commandes des Forces Libanaises, un coup d’Etat interne lui fait perdre le pouvoir. Il est obligé de cohabiter. En 1985, il est victime des égos et des rivalités internes, qui portent les noms de Samir Geagea, Elie Hobeika et Karim Pakradouni. Fouad décide de se retirer, au lieu de tâcher de nouveau de sang le drapeau libanais. Avant de partir, en tant que Commandant en chef et Président du Conseil de Commandement des Forces Libanaises, il s’opposera à Amine Gemayel, le frère de Bachir, devenu Président de la République du Liban. Déjà, les deux frères n’avaient pas eu la même vision. Et Fouad était plus proche de Bachir. Il l’est resté jusqu’à aujourd’hui.

Toujours menacé, après ses blessures de guerre infligées par des Palestiniens, il est cette fois-ci blessé dans un attentat le visant en 1986. Un attentat qui vient de l’intérieur, du premier cercle. A l’hôpital, Samir Geagea « tente de m’assassiner », raconte-t-il sobrement, sans entrer dans les détails. Il en réchappe par miracle. En 1989-1990, il s’oppose aux Accords de Taëf, qui permettent à la Syrie de prendre le pouvoir au Liban, présidé à ce moment-là par le Général Aoun. Ce-dernier doit fuir du Liban et se réfugier en France, avec toute sa famille menacée. En outre, ces accords sonnent l’heure de la fin de ces guerres qui auront duré 15 ans. L’occupation syrienne va s’étaler sur une même période.

Fouad, entre-temps, s’est marié avec Sandra, son « havre de paix ». Ensemble, ils ont 4 enfants, 3 garçons et 1 fille. Le héros est fatigué, de guerres lasses. Il se tourne alors vers l’entrepreneuriat et la philanthropie.

Une nouvelle façon de servir le Liban

Avant son mariage en 1987 et avant la fin de la guerre en 1990, il est devenu docteur en médecine (en 1982), mais il a très peu pratiqué. Quand il raccroche les armes, il devient entrepreneur. « Oui, j’ai arrêté de me battre. Je me suis battu pendant une vingtaine d’année. Mon rôle en tant que Chef des Forces Libanaises était à la fois politique et militaire. Ma bataille, depuis 1987, je la mène sur le terrain de l’entreprise. Cette année-là, j’ai créé Tanit Group, spécialisé dans l’installation et le développement d’hôpitaux en Afrique et au Moyen-Orient. Aujourd’hui, nous sommes, surtout, présents au Nigéria. C’est mon fils, Anthony, qui en est le CEO depuis 2015. Son frère Georges est venu le rejoindre. En 2010, j’ai créé mon ONG Nawraj. »

C’est son nouveau cheval de bataille : créer, mailler, tisser un Liban communautaire fraternel à travers des œuvres caritatives, éducatives, entrepreneuriales, médicales et sociales.

Depuis 2010, ce sont plus de 100 projets qui sont sortis de cette terre où coule l’eau, le lait et le miel. Dans la Bekaa, l’ONG fournit, par exemple, des tracteurs. Elle construit des réservoirs d’eau, lance des épiceries, finance des entrepreneurs. Dans l’éducation, elle finance des bourses, des écoles. Elle travaille aussi pour le vivre-ensemble. « Nos projets ne concernent pas que les chrétiens, insiste Fouad. Toutes les communautés religieuses sont concernées. Et, elles en bénéficient. Notre stratégie est une stratégie d’alliance… » Et cela marche. Fouad Abou Nader en tant que Président de Nawraj étire son réseau jusqu’en France où il a été reçu par le Sénat. Il est, également, accueilli en Allemagne et en Italie. Depuis sa création, il y aura 14 ans cette année, son ONG a investi plusieurs millions d’euros au Liban, avec ses partenaires comme L’Œuvre d’Orient, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, etc., présidée par Laurent Wauquiez.

Lancement du Conseil chrétien pour le développement et la coordination

En 2023, Fouad ajoute une dernière flèche dans son carquois de paix : « C’était en septembre dernier, nous avons lancé officiellement ce conseil, au sein même du Patriarcat Maronite, en présence du Patriarche Bechara Boutros Raï. C’est un moment historique. » Oui, malgré les crises successives qui ont secoué le Liban, Fouad Abou Nader reprend son bâton de pèlerin. Il est devenu un serviteur de la paix. Il veut redonner espoir à son peuple, qui continue à souffrir surtout depuis la crise de 2019, et les crises successives qui ont suivi. Aujourd’hui, l’Etat libanais est en faillite. Sans oublier ces explosions du 4 août 2020 qui ont laminé tout le port de Beyrouth faisant plus de 200 morts, des milliers de blessés et des centaines de milliers de déplacés.

Des raisons d’espérer ?

« Oui, j’ai des raisons d’espérer en la nouvelle génération. Elle tient bon. Il y a, cependant, un sujet qui pourrait nous entraîner là où nous ne voulons pas aller : celui de la guerre à Gaza. C’est pour cela que je lance cet appel : faites la paix, donnez aux Palestiniens un Etat ! »

Fouad Abou Nader ne compte pas prendre de retraite. Il compte travailler encore pour son pays et pense aux prochaines élections législatives, en attendant la venue d’un nouveau Président. La Présidence de la République est vacante depuis le 1er novembre 2022.

Le petit héros du Liban est devenu un petit prince. Il rêve. « Oui, je rêve que mes actions, mes engagements, ma vocation, permettent à tous de s’engager pour leur pays. Que le Liban retrouve sa vocation d’être un exemple de pluralisme pour l’Orient comme pour l’Occident. Et, que la nouvelle génération prenne le relais de la paix et du développement. C’est mon rêve. C’est le rêve libanais. »

Au fait, cela veut dire quoi Nawraj ? Cela fait référence à un matériel agricole très ancien qui était tiré par une paire bœufs sur un tapis de blés moissonnés pour séparer les grains de l’épi. Ainsi la fondation Nawraj espère que les prochaines moissons (les prochains projets) seront abondantes. Au Liban, même si les ouvriers sont peu nombreux, ils sont des héros. Fouad Abou Nader est l’un d’entre-eux. Un héros de paix.

Pour en savoir plus : www.nawraj.org

Reportage réalisé par Antoine Bordier

      


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