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« Au besoin… »

C'est une vieille expression. Elle a son charme...

Entreprendre - « Au besoin… »

Elle évoque une époque où l’homme, sa famille en tous cas, prenaient en compte la notion de besoin, une époque pendant laquelle l’action quotidienne était circonscrite dans une chaine de relations de causes et d’effets, selon le principe élémentaire que la nécessité commande à la raison.

Parler, c’était commencer à faire, et pas autre chose. Pour le reste il y avait les romanciers et les poètes. On en est loin aujourd’hui, alors que les poètes ont disparu et que les romanciers ne nous racontent plus, pour les français c’est évident, que des choses insignifiantes. Le père Goriot ? Parti sans laisser d’adresse … Splendeur et misères des courtisanes ? Inconnues au bataillon, plus de courtisanes, ou trop, et pas de splendeur, pas du tout,  que des lettres de créanciers, que des saisies d’huissier comme chantait Georges Brassens, le dernier poète connu et recensé comme tel. « Faut pas rêver, on n’est pas Verlaine… » soliloqua-t-il mélancoliquement un jour. On n’est pas Verlaine, c’est sûr. A-t-on encore besoin de Verlaine d’ailleurs, ce génie de la langue et de la musique des mots ? Au besoin …?

Ah Gaston Leroux ! Il extraya du seau une tête d’homme bien rasée et épilée qui eût pu, au besoin, passer pour une tête de veau. (La double vie de Theophrase Longuet: chapitre « la revanche du veau »). Eh oui!ça va finir par se savoir chez les veaux !… A lire absolument si l’on veut enfin comprendre la politique du jour. Au besoin ! Mais  voilà !

Un collaborateur du Général de Gaulle avait laisser tomber un jour cette réflexion désabusée : « il faudrait tuer tous les c… »- « Vaste programme  ! » avait goguenardé le Général, en réponse. Pour l’homme d’action, parler c’est faire. Primum vivere, deinde philosophari, ce qui veut dire : d’abord vivre, philosopher ensuite, mais pour le cas, vivere s’entend comme agere, c’est à dire, d’abord agir, commenter ensuite. Est-ce qu’il est nécessaire de tuer tous les c…
Le Général n’en voyait pas la nécessité. Est-ce que ce n’était pas seulement l’emploi du mot « tous » l’intrus de la phrase, le caillou dans la pensée ? Pourquoi « tous » ? Et «au besoin», seulement. « Si un boucher peut  tous les jours tuer un veau, il se trouvera bien un jour un veau pour tuer un boucher! . Et ce sera justice, ce sera la revanche du veau ».  « Ça va finir par se savoir chez les veaux » , conclut l’auteur.

Le besoin c’est aussi le manque, l’absence de l’objet convoité, Rossini à la campagne et Balzac en vacances. « J’ai besoin de toi »et encore »j’ai besoin de savoir » par exemple. Au train où va la vie, les idiots au volant, le paysage qui défile à une vitesse d’enfer pendant que l’on massacre sans frein, ni raison, ni mesure, on voudrait enfin peut-être savoir…

Ecoutons le poète (ah ! ce poète !).
Qu’était ensemble,
Alors rompu
Le corps de nos idées
Etreint d’empreinte

Oui mais…

Dans un autre poème du même recueil le poète conclut :
La valise était restée à l’hôtel

Ça donne à réfléchir …
Besoin ?

Bien sûr! Revenons à cette notion de la nécessité, si l’on suit, même comme par hasard, la réunion de celle- ci  avec celle-là précisément, le hasard, pour parler comme Jacques Monod. Qu’avions-nous besoin, qu’avait-il besoin, de se poser cette question, hasard ou nécessité, à moins que ce ne fut hasard et nécessité ? Au moment précis où l’homme remet en question l’idée d’un Big Bang antécédent, c’est la question. That’s the rub, comme fait dire le grand Will au jeune Hamlet. Le hic, que traduit André Gide, ce questionneur prémonitoire des questions sociétales, faux-monnayeur va ! Le Bigueubangue, comme on dit à Marseille ?  

Si pas d’explication facile, pourquoi interdire nos églises et nos chemins de croix, sinon pour dahéchiser notre pauvre société, déjà si estropiée au hamas décousu et maintes fois reprisé, pourquoi déboulonner nos saints posés comme sentinelles et sémaphores de nos cités chéries, aujourd’hui banlieuisées, bullshitées, burgerisées au karcher, ketchupisées, halloweenisées comme qui rigole, quand c’est le jour de la Toussaint où tout homme éduqué rend visite à ses morts ?

Oui, quel besoin ?

Pourquoi rester dans cette galère ?

Qu’allions-nous donc y faire, pour répondre à Molière dans Les fourberies de Scapin ?

La tête bien épilée sortie du seau antécédent appartenait à Houdry, boucher expert de la rue Gerando, et fameux tueur de veaux. Serait-il le coupable de l’actuelle déréliction, qu’un animal vengeur aurait ainsi durablement remis à sa place ? Pourquoi pas ? Ce qui est certain, c’est la nécessité d’une remise en ordre du désordre public qui crève les yeux.

Le voilà le besoin !

L’abbé Sieyes cherchait l’homme de la situation en plein milieu des incohérences dangereuses et pagaillifères du Directoire.

Une fois trouvé, homme ou femme s’entend, l’intendance a suivi, comme aurait dit le Grand Charles.

Car besoin était.

Nous aussi nous cherchons une femme ou un homme capable de nous extirper de cette mélasse, femme ou homme « poignard »* comme le français disait quand il connaissait encore sa langue.

La période que nous vivons égare notre pensée, conformise nos esprits, ratatine nos jugements et édicte le rikiki au rang de morale supérieure. C’est un monde inattentif qui s’érige devant nous dans lequel les bignoles  donnent le la et l’essentiel disparait sous nos yeux, nos usages, notre langue, la France. La « République », les c… n’ont que ce mot à la bouche, alors que l’Empire, la Royauté ou la République précisément ne sont que des formes juridiques de gouvernement. Ce qui compte c’est la civilisation, la France précisément, sinon il vaut mieux retourner à ses provinces. Assez d ‘anathèmes. Vive la littérature, la belle ! Il n’y a que ça qui compte !

Je pense à toi Myrto divine enchanteresse,
Au Pausilippe altier, de mille feux brillant,
A ton front inondé des clartés d’Orient,
Aux raisins noirs mêlés avec l’or de ta tresse.


Et encore :
Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours !
Le temps va ramener l’ordre des anciens jours ;

Je pense à toi Matzneff, par exemple.

Et tant pis pour les donneurs de leçons.

Jean-François Marchi

*Qui a de la poigne


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1 commentaires sur « « Au besoin… » »

  1. Il serait temps d’arrêter avec ce culte idiot voué à De Gaulle qui fit un très mauvais chef d’Etat qui ne comprenait rien à la jeunesse. Finissons-en ! Mieux vaudrait rétablir la vérité sur nos grands hommes comme Robespierre ou Danton !

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