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Artak Apitonian, un diplomate à la tête de la fondation The Future Armenian

Copyright photo A.Bordier et The Future Armenian

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Alors que le monde entier porte toute son attention sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine, en Arménie, Russes et Ukrainiens y multiplient leurs excursions paisibles. En ce moment, ce petit pays est devenu un havre de paix très recherché, malgré les velléités de son voisin, l’Azerbaïdjan, qui continue à le convoiter. Avec Artak Apitonian, l’ancien diplomate devenu CEO, la société civile prépare son avenir. Et, la diaspora y joue un rôle clef. Eclairage.  

Il y a 21 ans, le magazine américain Fortune, écrit quelques lignes sur un jeune Arménien de 33 ans, Ruben Karlenovich Vardanyan. A l’époque, il fait partie des 25 nouvelles « étoiles montantes de sa génération », au niveau mondial. Il faut dire qu’après la chute de l’ex-URSS, dans les années 90, il a été l’un des premiers à participer à la construction de l’économie de marché en Russie, notamment, dans le secteur de la finance.

A 23 ans, il est devenu l’un des plus jeunes Directeur exécutif (au niveau mondial) d’une banque d’investissement, la Troika Dialog. Son aîné et contemporain Noubar Afeyan (6 ans les séparent) est l’un de ses meilleurs amis. Ce Libanais aux racines arméniennes est le co-fondateur de la biotech américaine Moderna Therapeutics, dirigée par le Français Stéphane Bancel. Noubar et Ruben travaillent en Russie et aux Etats-Unis, mais ils ont leur regard rivé, également, sur l’Arménie.

Offrir à la jeunesse d’Arménie un avenir

Inlassablement, d’année en année, ils vont se mobiliser, chacun de leur côté, et en toute discrétion, pour offrir à la jeunesse d’Arménie un avenir digne de ce nom. Ils fourmillent d’idées et investissent dans des projets éducatifs de haut vol. « En 2006, explique Ruben Vardanyan, nous avons commencé à rêver d’une école internationale où les valeurs éthiques, l’inclusion, la responsabilité sociale et environnementale, les valeurs interculturelles de respect seraient enseignées. Nous voulions aider les citoyens de demain à construire leur avenir au regard de ces enjeux. En 2014, avec un groupe de personnes partageant les mêmes idées, dont Noubar et Anna Afeyan, Gagik Adibekyan, Vladimir et Anna Avetissian, Oleg Mkrtchan, nous avons créé UWC Dilijan, le premier internat international en Arménie. » Les deux hommes se retrouvent ensuite autour de Aurora Humanitarian Initiative. Cette fondation honore chaque année, avec un prix international d’une valeur de 1 million de dollars, des personnalités hors-du-commun qui œuvrent en faveur de l’enfance, de l’humanitaire et de la paix. Puis, il y a un an, ils lancent leur dernière initiative : The Future Armenian.

Un diplomate aux commandes du futur arménien

A Erevan, ce dernier samedi du mois de mai, dans les locaux de l’écosystème construit au fil des ans par le tandem Afeyan-Vardanyan, Artak Apitonian paraît décontracté. Au rez-de-chaussée, des jeunes vont et viennent. On se croirait dans une start-up parisienne, une véritable fourmilière de talents. En montant l’escalier, qui mène au 1er étage, impossible de ne pas s’arrêter devant la représentation iconographique de cet écosystème qui ressemble à une mappemonde colorée. Artak sort de son bureau, descend quelques marches et commente cette galaxie philanthropique.

« C’est une synthèse des centaines de projets réalisés par les fondateurs. The Futur Armenian n’y figure pas encore. » En avril 2021, cette nouvelle initiative publique a été pensée par le tandem à travers leurs fondations Armenia 2041 et Armenia 2020. Elle est co-financée et co-fondée par ce tandem accompagné d’Artur Alaverdyan, de Richard Azarnia, Aram Beckhian, et de David Tavadian. Ce sont tous des personnalités talentueuses, qui ont un point commun : l’Arménie. De quoi s’agit-il, exactement ? « Il s’agit de mobiliser le plus grand nombre de contributeurs arméniens, qu’ils vivent en Arménie ou qu’ils fassent partie de la diaspora, afin de contribuer collectivement et publiquement au développement futur de l’Arménie. » En résumé, il s’agit d’un think tank d’un nouveau genre, qui se veut indépendant des partis politiques. Un think tank avec un plan d’action très opérationnel.

A la tête d’un Think tank

Depuis le mois de février 2022, à 50 ans, Artak vit une nouvelle jeunesse. Après 30 ans passées dans la diplomatie, où il a arpenté et vécu au cœur des affaires étrangères internationales, Artak pilote, désormais, la construction de ce nouveau think tank, avec sa casquette de CEO. Cet ancien ambassadeur d’Arménie en Suède et en Finlande, ancien adjoint du Ministre des Affaires Etrangères de la République d’Arménie (sa dernière fonction), est un observateur international hors-pair. Il connaît bien les rouages de son pays et les acteurs qui veulent positionner l’Arménie « en haut de l’affiche » (pour paraphraser Charles Aznavour, dont Artak est l’un des admirateurs).

Diplomate, observateur et philosophe avisé, il explique sa démarche et son implication par cette phrase : « Aujourd’hui, le pays se mobilise pour construire son futur. Face à la division politique actuelle, nous avons lancé une plateforme on-line de dialogue et de construction de l’unité pan-arménienne, dans le but de surmonter les défis et de construire le futur. Nous voulons réunir tous les acteurs du changement dans un esprit unitaire. En ce moment où nous nous parlons, la plateforme, que nous avons lancée pour présenter nos objectifs, a réuni près de 110 000 signataires provenant de 108 pays. Ils veulent tous s’engager pour l’Arménie. » Le renouveau soufflerait-il en Arménie ?

Une vision globale et 5 clusters

La feuille de route d’Artak, rédigée par les fondateurs, paraît assez simple sur le papier : il s’agit de mettre en œuvre la vision des fondateurs. Mais de quelle vision s’agit-il exactement ? Pour Noubar Afeyan un appel général à la prise de responsabilité est lancé : « que l’on soit Arménien par choix, ou de naissance, le moment est venu de savoir si l’on s’engage pour l’Arménie, ou si l’on attend que les autres s’engagent à notre place. » Pour Artur Alaverdyan, la vision est économique : « nous devons nous concentrer sur des questions clairement définies, qui permettront de développer une économie en forte croissance, basée sur la construction d’un nouveau modèle, appelé l’économie du savoir. » Du côté de Richard Azarnia, les futurs de l’Arménie et de la diaspora sont liés : « l’Arménie devrait profiter de la diaspora, et, la diaspora devrait jouer un rôle clef en tant que nation pour aider à construire l’Arménie de demain. » Pour Aram Bekchian, « l’objectif est de faire en sorte que les décideurs en Arménie, et, dans les communautés de la diaspora du monde entier, réalisent que nous devons nous unir et avancer ensemble. » David Tavadian croit que « l’Arménie peut connaître une croissance explosive en atteignant des taux élevés de développement des savoirs. » Enfin, Ruben Vardanyan est « fermement convaincu que l’avenir de notre pays et de notre nation ne peut être défini que par des efforts conjoints. Ce n’est que par des efforts conjoints que le présent dont nous ne sommes pas satisfaits peut être changé. »

Afin d’atteindre cette vision générale, les initiateurs ont présenté 15 objectifs réunis en 5 clusters (5 bouquets d’objectifs) ; ceux-ci sont les principaux piliers de cette nouvelle fondation.  Artak précise que sa première priorité « consiste à mieux définir et à détailler cette vision générale présentée par les co-fondateurs. Mieux qu’un think tank, nous sommes en train de constituer une assemblée générale citoyenne où tous les Arméniens et la diaspora sont les bienvenus. Les 5 clusters concernent notre culture, notre histoire, et, notre responsabilité face à ces deux trésors. Nous devons mettre en évidence cette vision avec des faits tangibles et incontestables. Notre seconde priorité est d’assurer durablement notre souveraineté et notre sécurité. Comme vous le savez, depuis la guerre de 2020, les menaces de l’Azerbaïdjan sont nombreuses. Cette belligérance doit cesser. Nous devons renforcer, aussi, notre identité en donnant sa place à notre diaspora et en améliorant nos institutions. L’avant-dernière priorité est d’accompagner les changements en cours, qui concernent notre gouvernance, notre croissance démographique et économique. Nous devons, enfin, accélérer notre modèle sociétal, qui passe par l’éducation à l’excellence. Les sciences et les nouvelles technologies sont majeures. Il faut ajouter, à tout cela, l’égalité des chances. » Ce chantier futuriste et visionnaire paraît titanesque. Il pourrait s’intituler, dans l’esprit des « 12 travaux d’Hercule », les « 15 travaux d’Arménie ».

Un agenda chargé, des experts et une convention internationale

Artak, pour les réaliser, s’est entouré d’une équipe interne en mode « task force », c’est-à-dire d’un noyau dur d’une dizaine de collaborateurs-experts. Pour améliorer le processus opérationnel, il a ajouté une seconde couche d’experts composée d’une quarantaine de personnes. Il renforce l’ensemble en faisant appel à des cabinets de conseil extérieurs. Dès-à-présent, pour tester l’efficacité de ces parties prenantes et de ces objectifs, il a choisi une région-pilote pour réaliser l’objectif de la croissance démographique : l’Artsakh (le Haut-Karabakh). Cette région se situe à quelques kilomètres à l’est des frontières actuelles de l’Arménie. Elle est convoitée par son voisin, l’Azerbaïdjan. Il faut se (re)plonger dans l’histoire pour bien comprendre le choix de cette région-pilote et l’enjeu. Cet enjeu semble « civilisationnel », aux dires de certains historiens, comme le célèbre Jean-Pierre Mahé.

En 1921, Staline décide de spolier l’Arménie de ses terres ancestrales du Haut-Karabakh et de les donner à l’Azerbaïdjan. A la suite de l’effondrement de l’ex-URSS, et d’une guerre gagnée en 1994, le Haut-Karabakh, où vivent une majorité d’Arméniens, exerce son droit à l’autodétermination et déclare son indépendance. 26 ans plus tard, le 9 novembre 2020, après une nouvelle guerre, l’Azerbaïdjan gagne et occupe 70% du territoire. L’Artsakh (dont le territoire a été réduit aux 30% restant), depuis, panse ses plaies et se reconstruit avec l’aide de l’Arménie et de la diaspora. Parce qu’il faut reloger les milliers de réfugiés qui ont tout perdu en 44 jours (durée de la guerre), la Fondation The Future Armenian a compris l’urgence. C’est vital !

Artak Apitonian a, donc, devant lui un chantier titanesque. Il a changé de vie. Le cinquantenaire, sur sa casquette de diplomate, a ajouté celle de visionnaire, de dirigeant, de chef d’orchestre et d’opérateur. Au fil des jours son agenda est devenu de plus en plus chargé. Il ressemblerait même à une mappemonde qui tourne au gré des initiatives et des objectifs. En novembre 2022, Le Futur Arménien organisera sa grande convention internationale, qui réunira plus de 200 experts et parties-prenantes du monde entier. Cette convention sera la première pierre officielle de construction de l’Arménie du Futur. Un appel à la paix, à l’unité et à la construction du futur sera, très certainement, lancé par les fondateurs. Et, cela concernerait toute la région du Caucase, et, le reste du monde.

Pour en savoir plus : https://futurearmenian.com

Antoine Bordier


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