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Présent dans plus de 70 pays, le leader mondial des gaz et technologies reste l’une des plus belles réussites de l’histoire industrielle française. Devenu un empire au cours du 20ème siècle, Air Liquide se rêve désormais en champion de l’hydrogène au 21ème siècle.
Lors de la dernière édition du salon VivaTech, ce n’est pas une start-up qui a fait forte impression. C’est une entreprise fondée en 1902. Son nom : Air Liquide. Cette vieille dame, déjà centenaire, qui a construit sa réussite sur l’utilisation de molécules d’oxygène, d’azote et d’hydrogène a dévoilé une série d’innovations visant à la décarbonation de l’industrie et de la mobilité, en particulier dans le domaine de l’hydrogène bas carbone.
Assistés par la réalité virtuelle, les visiteurs ont pu découvrir les électrolyseurs utilisés par Air Liquide pour produire de l’hydrogène renouvelable dans sa nouvelle usine située à Oberhausen (Allemagne) et dans la prochaine à Port-Jérôme-sur-Seine (Seine-Maritime) dès 2026. Loin de se reposer sur ses lauriers, le groupe dirigé par François Jackow, qui a succédé au visionnaire Benoît Potier, le président du conseil d’administration, veut conserver son avance dans l’innovation de pointe. Notamment en se hissant au rang d’acteur majeur de la décarbonation de la mobilité et de l’industrie, un marché dix fois plus grand que celui des gaz industriels, le coeur de métier d’Air Liquide (29,9 milliards d’euros de CA, 67 000 collaborateurs). Grâce à cet exceptionnel vivier de croissance, dans lequel Air Liquide va investir 8 milliards d’euros, le groupe français vise un triplement de son chiffre d’affaires dans ce secteur, soit 6 milliards d’euros en 2035.
L’investissement et la R&D, tels sont les secrets d’Air Liquide. En 2022, le géant du gaz a investi 500 M€ dans trois nouvelles unités de production de gaz industriel à Taïwan pour deux des plus grands fabricants mondiaux de semi-conducteurs, 300 M€ dans quatre unités au Japon et 40 M€ en Inde. Aux États-Unis, Air Liquide a également construit sa plus grande unité de production de biométhane, et un un liquéfacteur d’hydrogène destiné à alimenter le marché de la mobilité sur la côte ouest des États-Unis.
UN FUTUR GÉANT DE L’HYDROGÈNE
Air Liquide a dévoilé d’autres technologies révolutionnaires : le captage et le stockage du carbone, et la séquestration du CO2 via la minéralisation. C’est bien entendu dans l’hydrogène qu’Air Liquide mise pour poursuivre sa marche en avant entamée au début du 20ème siècle.
Les projets dans ce domaine se multiplient. L’entreprise a reçu le soutien de l’État français pour lancer son projet normand intitulé Air Liquide Normand’Hy de production d’hydrogène renouvelable à grande échelle. Ce projet accélèrera la décarbonation du bassin industriel normand. Grâce à son savoir-faire ancestral et ses moyens déployés en R&D, Air Liquide participe activement à la mise en place d’une filière française et européenne de l’hydrogène bas carbone.
Air Liquide s’est également associé au Groupe ADP (ex Aéroports de Paris) pour créer la première coentreprise d’ingénierie spécialisée dans l’accompagnement des aéroports pour leurs projets d’intégration de l’hydrogène dans leurs infrastructures. Autre partenariat de poids dans l’hydrogène : Air Liquide et Iveco ont construit la première station de ravitaillement en hydrogène dédiée aux poids lourds, à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône).
Lors des prochains Jeux olympiques et Paralympiques de Paris 2024, Air Liquide fournira l’hydrogène pour alimenter des véhicules de la flotte officielle de l’évènement. Bref, quand il s’agit d’hydrogène, Air Liquide est omniprésent. Il sera à n’en pas douter l’un des principaux acteurs européens du secteur dans les vingt ans à venir.
L’ALLIANCE D’UN CHERCHEUR DE GÉNIE ET D’UN ENTREPRENEUR AUDACIEUX
Mais si l’hydrogène est l’avenir d’Air Liquide, le groupe industriel basé à Paris s’est fait connaître pour sa maîtrise de procédés impliquant l’oxygène et l’azote. Fondée en 1902 par deux visionnaires, un chercheur (Georges Claude) et un entrepreneur (Paul Delorme), Air Liquide a toujours eu l’innovation chevillée au corps. Le premier a inventé un procédé de liquéfaction de l’air destiné à séparer, par distillation, l’oxygène et l’azote ; le second a convaincu 24 investisseurs de financer ce projet.
L’aventure Air Liquide pouvait démarrer. L’entreprise va très vite se lancer à l’international : Belgique (1906), Japon (1907), Espagne et Italie (1909), Canada (1911), États-Unis (1916)…
Le groupe entre à la Bourse de Paris en 1913, Paul Delorme préférant miser sur la croissance plutôt que sur le contrôle capitalistique de l’entreprise. En 1936, il est déjà la sixième capitalisation boursière française ! La première canalisation européenne pour le transport de gaz a été construite par Air Liquide en 1925, à Turin (Italie), avec pour objectif d’alimenter les usines automobile Fiat. Au début des années 40, Air Liquide a même initié la naissance de la plongée autonome moderne en fabriquant, dans son usine de Boulogne-Billancourt, le prototype de scaphandre autonome que le commandant Cousteau utilisera pour tourner le film « Épaves ».
Par la suite, Air Liquide continuera à innover en explorant de nombreux domaines et en devenant un acteur majeur du spatial dans les années 60 (Air Liquide a contribué à toutes les évolutions successives d’Ariane), des semi-conducteurs et de la santé avec les gaz médicaux dans les années 90. Au niveau de la gouvernance, en 1945, Paul Delorme a passé le relais à son fils, Jean Delorme, ingénieur de l’Ecole des Mines, qui restera durant 40 ans à la tête de l’entreprise familiale, et lui donnera un second souffle en misant sur la grande industrie. La multinationale française n’aura connu que six patrons en 120 ans d’existence !
Air Liquide, dont le chiffre d’affaires tutoie désormais les 30 milliards d’euros, a marqué l’histoire industrielle française. L’entreprise fondée par Claude et Delorme il y a plus de 120 ans a su prospérer dans un monde en constante évolution. Armé de son héritage centenaire et propulsé par la révolution de l’hydrogène, le géant français du gaz est prêt à écrire un nouveau chapitre de son incroyable épopée industrielle.
Vittorio Cazale
