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Tourisme : destination Egypte !

Même si les réservations touristiques pour l’Égypte pâtissent de la guerre à Gaza, le pays des Pharaons reste une destination prisée. Pourquoi l’Égypte des pharaons et des pyramides, des hiéroglyphes et d’Alexandrie, du Caire et Sinaï fait-elle autant rêver ? Rencontre avec Paul Bedros, le patron de l’agence de voyage L’Égypte Autrement.

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De notre envoyé spécial en Egypte, Antoine Bordier

« Venez me voir jeudi, plutôt dans l’après-midi », Paul Bedros raccroche. Cet Egyptien pure souche parle un français presque parfait. Dans l’avion qui vient d’atterrir au Caire, beaucoup de Français sont venus, le temps d’une semaine ou deux, souffler un peu après les fêtes de fin d’année. Destination Zamalek, le quartier huppé du Caire. Ce quartier est atypique. C’est comme si l’île Saint-Louis à Paris s’était transformée en un quartier à la fois d’affaires, de villégiatures (avec de nombreux hôtels et villas), et en quartier où se nichent les ambassades et les consulats. Eh oui, Zamalek est une île. Et, son fleuve est le mythique Nil. Ses deux bras semblent vouloir embrasser la capitale (fondée au Xè siècle après JC), la câliner, presque l’étreindre.

C’est dans un quartier moins prestigieux, beaucoup plus simple, où les hôtels 3, 4 et 5 étoiles ne fleurissent pas, que nous retrouvons Paul Bedros. Nous sommes plus proches de l’aéroport que du centre du Caire. Nous sommes à Héliopolis. L’immeuble passerait presque inaperçu. C’est au 8è étage que se trouvent les bureaux de son agence.

« Soyez le bienvenu », dit-il en ouvrant la porte. Sa poignée de main est ferme et chaleureuse à la fois. Petit, le visage rond et doré, il est, à n’en pas douter, 100% Egyptien. « Je suis Copte », ajoute-t-il pour finir de se présenter sommairement. Puis, il démarre, presqu’en roue libre : « Ici, vous êtes non seulement dans le pays des pharaons et des pyramides, mais vous êtes dans un pays qui regorge de richesses. Nous avons le canal de Suez où il y a du pétrole. Nous avons, aussi, du gaz dans nos eaux territoriales. »

Les chiffres clés du tourisme

Le tourisme, pour l’heure, reste incontournable. C’est mieux que la manne du pétrole et du gaz, en termes d’activité professionnelle. Car il fait vivre de façon directe et indirecte plus de 60% de la population. C’est considérable. Selon des sources officielles, avant l’épidémie de Covid, en 2019, plus de 13 millions de touristes sont venus visiter le pays de Cléopâtre. L’Egypte se situait, ainsi, à la 36è place mondiale ; la France restant à la 1ère place, avec plus de 90 millions de touristes en 2019. C’est un chiffre record pour le coq tricolore. L’aigle royal égyptien, lui, pourrait, donc, faire mieux. Il en a, en tout cas, tout le potentiel. D’ailleurs, déjà, la république arabe d’Egypte, présidée par Al-Sissi, a fait mieux en 2022, avec un rebond de +121%, rapport aux années Covid.

Paul s’en souvient : « Nous avons fait le dos rond. Nous avons laissé passer la tempête. Nous n’avons licencié personne. Mais notre activité a été divisé par deux. Nous ne sommes pas restés sans rien faire, car nos activités sont très diversifiées. Ce qui nous permet d’amortir les effets négatifs des crises. »

Par rapport à la création de richesse nationale, selon les chiffres du gouvernement, le tourisme représente près de 10 % du PIB, soit une quarantaine de milliards de dollars, pour une population de 105 millions d’habitants. Selon la Banque mondiale, en 2022, la croissance de son PIB a dépassé les 5%, pour atteindre les 6,6 % en 2022. Bientôt une croissance à deux chiffres ?

Il est vrai qu’au plus haut niveau de l’Etat, le tourisme est une priorité. Il y a quelques mois, en août dernier, lors de sa réunion avec le Premier ministre Moustafa Madbouly et le ministre du Tourisme et des Antiquités, Ahmed Issa, le Président Al-Sissi demandait « d’intensifier les efforts dans les projets touristiques ».

Un entrepreneur francophone

Des efforts, il y a fort longtemps que Paul Bedros en fait avec son associé emblématique, Jack Bollet, un Français. Puis, avec ses enfants et ses équipes actuelles il a créé sa propre structure, qui a le vent en poupe. C’est une vraie petite fourmilière, qui s’attelle depuis 30 ans (les années 92-93) à transformer l’image du pays et à faire voyager les touristes autrement. Cet autrement est en fait du sur-mesure, de la haute organisation touristique qui permet à chacun d’être servi comme s’il était unique. Tel le pharaon sorti de son palais et descendant le Nil authentique.

Pour bien comprendre cette aventure touristique, celle de Paul, il faut remonter le Nil du temps.

Tout démarre dans les années 70, lorsque Paul pousse ses premiers cris et écrit ses premiers hiéroglyphes. Car, ses racines remonteraient à Ramsès II que cela n’étonnerait personne. Son âge n’est pas pharaonique, mais il va bientôt fêter ses 53 ans, à la fin du mois. Il est né dans une famille copte catholique. Les coptes représentent près de 11% de la population. Les coptes majoritaires sont les orthodoxes, les catholiques ne représentant que 300 000 personnes sur les 12 millions de coptes. Autant dire, un petit peuple, descendant directement des… pharaons.

Paul est, également, francophone. « Mon arrière-grand-père était cuisinier à l’hôpital du Caire, qui était tenu par les Français. Nous lui devons notre francophonie, voire notre francophilie », explique-t-il l’air enjoué. Avec ses 10 frères et sœurs – il est le petit dernier – il a fréquenté l’école des franciscains d’Héliopolis. Après, il démarre ses études supérieures à la Faculté de Pédagogie pour une licence en Littérature française, au Caire. Pour les financer, il travaille, déjà, dans le tourisme, dans un hôtel.

Puis, c’est la bascule. Il rencontre dans les années 92-93, au moment où les attentats se multiplient en Algérie, Jacques Bollet qui est le fondateur et le patron de Nomade Aventure. Finie l’Algérie, direction l’Egypte de Moubarak, pour beaucoup de ses touristes français. Direction l’Egypte, où Jack rencontre Paul, à son hôtel, justement. Les deux hommes vont s’apprécier, se faire confiance, et finir par travailler ensemble. Ils vont même devenir les meilleurs amis du monde. Paul est, ainsi, nommé Responsable Egypte pour Nomade Aventure. Cette agence n’est pas n’importe laquelle, elle est l’une des pionnières dans les années 70 des voyages d’aventure.

Une famille amoureuse du Sinaï

A 20 ans, tout démarre pour lui : sa vie professionnelle dans le tourisme et sa vie familiale. Car Paul, cette année-là, se marie avec une Française, Emmanuelle. Les deux tourtereaux convolent en justes noces sur… le Nil.

Avec leurs 5 enfants, leurs 4 garçons, Raphaël, Matéo, Siméon et Théophile, et leur unique fille, Mariam, les Bedros vont devenir les serviteurs du Nil. Mais, il faut encore attendre une dizaine d’années avant qu’ils ne larguent les amarres et fondent leur propre entreprise familiale. Au départ, l’aventure entrepreneuriale est difficile. Le démarrage est lent. « Nous avons commencé avec 4 salariés. Et, nous avions une centaine de clients par an. » Mais le flux de touristes va aller en s’accroissant.

Avant le Nil, le terrain de jeu touristique de Jack et de Paul est le Sinaï. Le Sinaï est un deuxième pays pour l’Egypte. Avec ses 60 000 km2 (deux fois la superficie de la Belgique) ce triangle biblique est situé en Asie. Au nord, la Méditerranée, la mer Rouge au sud, le canal de Suez et son golfe à l’ouest et à l’est le golfe d’Aqaba et la frontière avec Israël et Gaza – frontière sous les feux de la rampe médiatique depuis le terrible 7 octobre 2023, et cette horrible guerre qui n’en finit pas. « Le Sinaï a été occupé par les Israéliens en 1956 et 1967, explique Paul. Puis, il a été restitué à l’Egypte en 1982. Les Israéliens y ont développé les infrastructures touristiques. Nos touristes ont raffolé du Sinaï ». Paul organise les randonnées dans le désert du Sinaï. Sa famille en raffole. Elle le rejoint souvent.

Le Sinaï est en fait une péninsule désertique. Pour certains, c’est une terre sacrée. La Bible cite le Sinaï une quarantaine de fois. Elle est très connue pour sa montagne qui porte plusieurs noms : le mont Sinaï, le mont Horeb ou le mont Moïse (Musa en arabe). « C’est là où a eu lieu l’épisode du buisson ardent. Où Moïse rencontre Dieu sans le voir… », raconte Paul.

Après le Sinaï, il lance une nouvelle offre pour les touristes, à l’ouest cette fois. Il organise des trekkings dans le désert libyque (proche de la Libye) et dans les oasis, comme à Siwa. Nous passons, ainsi, de l’est à l’ouest en faisant le grand-écart touristique, en somme. Là, le touriste a rendez-vous avec les Mille et une Nuits, et apercevra, peut-être, Lawrence d’Egypte (d’Arabie) ou plutôt Jean-François Champollion. Si vous apercevez ce-dernier, vous serez alors « tout à l’Egypte », pour reprendre sa propre expression.

Sur le Nil avec Mahfouz et Flaubert

Après la montagne du Sinaï, le désert et les oasis, de nouveaux programmes sortent de l’imagination de Jack et de Paul. La croissance de leur petite entreprise fait des sauts de pharaon à deux chiffres. Par saison (entre le mois de septembre et le mois mai), ils sont passés en une dizaine d’années de 100 clients à 1500 clients. Les effectifs doublent et redoublent. Ils virevoltent à deux ou trois chiffres.

En 2005, c’est le grand basculement vers le Nil. Jack a vendu son agence. Il l’a très bien vendu. Comme il le raconte lui-même : « Quand j’ai commencé, je n’avais pas un sou. Et, quand je l’ai vendue, en 2005, à Voyageur du Monde, je l’ai vendue après avoir très bien travaillé les dix dernières années. J’avais une très bonne équipe. »

2005 est le temps béni du largage des amarres. Paul crée son agence de voyage L’Egypte Autrement. Jack lui donne un coup de main, et, ensemble, ils voguent sur le Nil. Ils achètent leurs premiers bateaux. En felouque ou en sandal, des bateaux typiques à voiles et à moteur, les voilà sur les eaux du Nil, entraînant avec eux des milliers de touristes. En tout, car ils ne sont pas adeptes du tourisme de masse. Avec eux l’écologie et le tourisme vert font bon ménage. Les voilà en felouque sur les eaux du Nil. Ah, ce Nil qu’Agatha Christie a descendu, comme Naguib Mahfouz (1911-2006). Il étend ses bras avec générosité à l’infini.

Ah, ce prix Nobel de Littérature (en 1988), qui descend le Nil pour écrire sa magnifique œuvre : Dérives sur le Nil. On est transporté par son style presque liquide, et son aventure sur les flots. Les eaux du Nil ont réuni le temps d’une croisière sept personnes (son chiffre clé étant le 11) : un avocat, un comédien, un critique, un écrivain, un fonctionnaire, un homme d’affaires et une traductrice. Au cours de cette aventure, ils vont devoir se remettre drastiquement en question.

Et Flaubert, l’avez-vous lu Flaubert, ce Gustave qui griffe de sa plume poétique les papyrus de sa paresse ? « Couchés sur nos divans, à regarder ce qui se passe, depuis les chameaux et les troupeaux de bœufs du Sennahar, jusqu’aux barques qui descendent vers le Caire… » (extrait des lettres de Gustave Flaubert sur le Nil).

Le touriste a rendez-vous avec le fleuve des pharaons, de ces princes et princesses qui se sont nourris de ses eaux. Il a rendez-vous avec sa plume, car il écrira, très certainement, son journal, ses premiers poèmes. Alors que sa felouque fait un arrêt à Assouan et à Louxor, sa plume s’améliore et devient légère.

Demandez le programme

« Au départ, Jack m’a aidé. Depuis une quinzaine d’années, je travaille avec mon frère Pétro, ma fille Mariam et mon fils Raphaël. Et une vingtaine de collaborateurs. Mes enfants ? Au même âge, ils sont meilleurs que moi ! » rigole Paul qui vient de décrocher son portable. C’est la pleine saison d’hiver. Ses felouques et ses sandals sont, déjà, remplis. Au menu des ses voyages sur le fleuve mythique, une petite croisière qui va durer 6 nuits et 5 jours. La promesse : de l’authenticité, de la convivialité, des rencontres avec les villageois, de la simplicité et du sur-mesure.

Les voyages se déroulent du samedi au samedi, avec une journée prévue au Caire. Puis, c’est le grand départ pour Karnak, dans le sud. Et, ensuite ? Embarquement immédiat sur le Nil à bord de l’un de ses bateaux. Il se pourrait que Paul Bedros soit du voyage ainsi que votre serviteur. Le Nil vous appartient. Vous risquez peut-être d’y apercevoir Cléopâtre qui s’y baigne. Ce qui est certain, c’est qu’après cette croisière sur le Nil, vous serez différent, tout autre.      

Pour en savoir plus : https://legypteautrement.com/

Reportage réalisé par Antoine Bordier

                                                          


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