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Technostructure et stratégie de l’évitement

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La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS

Depuis des siècles, le monde a évolué positivement avec un souci de recherche de la Connaissance, et ce grâce aux artistes, aux aventuriers, aux penseurs et à quelques dirigeants éclairés. Sans s’engager dans la rédaction d’un inventaire encyclopédique, chacun se reconnaîtra dans sa propre recherche à travers quelques noms.

Ceux qui se sont lancés à la découverte de notre monde dès les âges les plus reculés, depuis les berceaux africains de l’humanité, puis les navigateurs hardis partis sur les océans dévoreurs d’âmes, les Vikings, les Colomb et autres Vasco de Gama. Ceux qui ont observé le ciel et les étoiles, les Galilée, Copernic ou Newton, puis dans le monde de la physique et de la Chimie, Marie Curie, Pasteur, Edison. La liste devrait y être plus longue. Il faudrait y ajouter ceux qui ont lutté contre les famines ou œuvré pour la conservation des aliments, Parmentier, Papin, Appert, avant de parler d’Einstein et de la théorie de la relativité ou de la physique quantique.

En Occident, l’organisation administrative des groupes humains a connu, elle aussi son évolution, chaotique parfois, violente et sanguinaire souvent, mais dans un souci d’organiser des rapports pacifiés entre les individus. Depuis les clans de Neandertal, en passant par les empires de l’Égypte des Pharaons, les conquêtes d’Alexandre, la loi des Césars, l’administration mise en place par Charlemagne, les acquis administratifs de l’empire Napoléonien, à la fois chef de guerre dévastateur et père des réformes du droit français. On en compte bien d’autres et des grands, notamment au XXème siècle et aux efforts de reconstruction de l’Europe laminée par trois grandes guerres entre 1870 et 1945.

Il faudrait y ajouter la liste de tous ceux qui ont pensé la démocratie et le contrat social, depuis Locke et Hobbes jusqu’à Tocqueville et Jean-Jacques Rousseau, citant cette période faste de la philosophie des Lumières. Tout cela pour dire que, même si cette histoire des civilisations est faite de conflits et de malheurs, elle avait un fil conducteur, le bien commun, et qu’elle se construisait autour de réelles confrontations d’idées.

Malheureusement ces guerres et les recherches scientifiques, citons en l’espèce Oppenheimer, ont amené aussi les bombes A et H, et les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août 1945, donnant une couleur inhumaine et dégradante à la course vers la Connaissance supérieure.

Déjà, on pouvait en sentir les prémices avec l’invention des chemins de fer, de l’aviation puis de l’automobile, toutes des inventions merveilleuses pour l’esprit humain et la recherche du mieux, mais aussi le moyen de faire tout plus vite en commençant la lente transformation et la dégradation inéluctable de notre planète. Finalement, la découverte et la déification de la vitesse ont contribué en un demi-siècle à dépasser de loin toute l’évolution des 6.000 années précédentes.

La vitesse dans la communication, la vitesse de calcul avec les semi-conducteurs, la vitesse de transmission des savoirs, la vitesse de diffusion de la mondialisation, tout cela, personne n’oserait s’en plaindre, c’est l’honneur des civilisations modernes, et les exemples sont nombreux pour contrecarrer les arguments contraires, comme les progrès de la médecine, l’équilibre des forces, la diffusion généralisée de la culture, l’accès de tous aux biens de consommation courants.

Même si l’on peut se demander comment aujourd’hui encore, près d’1 milliard d’êtres humains souffrent de la soif et qu’à l’horizon de 2050, on estime que ce nombre pourrait atteindre 5 milliards. Bel exemple de réussite !

Le comble, c’est que ce sont toujours les citoyens sans autre pouvoir que leur bulletin de vote que l’on rend responsables des « malheurs du monde ».

En réalité, sous le prétexte de glorifier les progrès technologiques, le monde poursuit sa route délétère vers le chaos, sans qu’aucun responsable ne s’y intéresse réellement. Les scientifiques les plus avertis peuvent s’exprimer, rédiger des rapports plus qu’alarmistes, les dirigeants du monde réunir COP sur COP pour entériner des accords que personne n’appliquera jamais, constater que désormais le monde vit à « crédit » puisqu’il consomme plus qu’il ne produit. En 2021, c’est le 2 août que le monde a franchi cette barre, après avoir consommé en 221 jours ce que la planète peut nous fournir en 365.

La planète se meurt lentement dans l’indifférence quasi générale, tiraillée d’un côté par les fondamentalistes ignorants qui confondent sauvagerie et traditions et de l’autre par toute une série d’analphabètes plus bardés de certitudes que de réelles lectures, plus animés par la pensée Woke ou par le mythe de la décroissance que par leur propre analyse.

Certes, il existe encore des citoyens engagés qui veulent faire bouger les extrêmes, qui cherchent et proposent des solutions, qui animent des débats et des associations humanistes, mais leurs voix sont malheureusement étouffées par les lobbies, les médias et la bêtise rampante.

Oui, nous devons espérer que tout ce constat mortifère et cet horizon d’échecs pourraient être évités, mais il faudrait pour cela combattre deux phénomènes et non des moindres, le rôle de la technostructure et le recours systématique à la stratégie de l’évitement.

La technostructure

En France, l’État a mis en place en 1958 une nouvelle Constitution pour armer solidement les rouages administratifs du pays, et parallèlement, inventé l’école des élites, l’ENA. L’histoire a toujours glosé sur le jacobinisme de l’État, hérité des excès de la Révolution française, et du réformisme Napoléonien dont les textes essentiels subsistent toujours dans nos codes, en dépit de quelques évolutions et adaptations à un monde nouveau.

Pour combattre, en apparence, cette centralisation excessive et jacobine, des tentatives de décentralisation qualifiées de girondines ont connu divers succès. Elles ont eu, de toute évidence, le malheur de complexifier l’outil administratif Français, en remplaçant les trois étages des communes, des départements et de l’État par un « mille-feuilles » indigeste où l’on trouve désormais au-dessus des communes, les communautés d’agglomérations, les intercommunalités, les métropoles, les cantons et les conseils départementaux, le redécoupage des régions, les conseils régionaux et par-dessus tous ces découpages dont les compétences se croisent et se concurrencent, l’État et ses ministères.

Tout cela, nous avons fini par lui donner un nom, la « technostructure » qui englobe avec les élus qui se partagent l’apparence du pouvoir politique, l’ensemble des cadres dirigeants ou subalternes, des techniciens et des spécialistes qui participent à la prise de décision en groupe dans les grandes entreprises.

Si le terme de « technostructure » sort d’une des théories économiques du penseur américain Galbraith, grand théoricien du libéralisme, qui imaginait que le marché était tout et qu’il s’autorégulait, on pourrait presque dire « sans intervention humaine », simplement mis en mouvements de façon spontanée par « la loi de l’Offre et de la Demande », on peut penser que cette « bête » administrative a depuis largement échappé à son concepteur et à ses thuriféraires.

L’État, les collectivités locales et même les entreprises privées, quand elles sont de grande taille, portent les traces de ces démesures. On peut en saisir de nombreux exemples ! Il devient difficile, voire parfois impossible, dans de telles technostructures, de prendre quelques décisions que ce soit qui puissent enfin aller dans le sens du progrès, du mieux-être et surtout de l’intérêt public.

Dans l’entreprise, la technostructure se caractérise par l’augmentation du pouvoir collectif des techniciens et des cadres, au détriment des industriels. Ce ne sont plus les « grands patrons » qui portent les projets, ce sont les technocrates qui les marginalisent et inversent le processus de vente et de production. Là où la technostructure à la française neutralise désormais la puissance de l’État « stratège », elle annihile aussi l’innovation de rupture dont plus personne ne s’étonne qu’elle émane désormais essentiellement des start-ups ! Un comble dans notre pays dont il faut redire que ce sont ses grands groupes industriels qui ont inventé le pneumatique, le minitel, le TGV, le Concorde, etc. ouvrant ainsi la voie à de grandes avancées mondiales. Les technocrates imposent peu à peu leurs choix aux clients plutôt que demeurer à l’écoute des besoins des consommateurs.

Il s’agit d’une autre des théories de J. K. Galbraith, celle de la filière inversée, dont nous avons tous pleinement conscience, puisque le principe est désormais d’orienter, quand ce n’est pas d’imposer, aux consommateurs l’achat de certains produits, parfois inutiles, voire néfastes, par le biais de la publicité. Certes, tout cela n’est pas aussi tranché, simple, voire caricatural, sachant que l’opposition entre les actionnaires et les technocrates montre que la technostructure n’a pas forcément gagné la bataille dans certains groupes multinationaux. Mais le mal existe, il est présent et endémique. C’est ainsi que dans les entreprises, aux USA, la part de salariés « technocrates », et qui ne créent donc aucune valeur si ce n’est du tableau « Excel », est passée de 20% au XXème siècle à plus de 60% aujourd’hui.

Si nous intéressons maintenant à notre France, le constat est édifiant. Point n’est besoin de rappeler que le principe, dans notre démocratie, est de confier par l’élection le soin à des représentants choisis pour leurs compétences et leur sens du bien commun de diriger nos conseils ou nos assemblées.

Les communes, vaste sujet ! Les élections municipales sont, comme bien d’autres, en dehors peut-être de la présidentielle, boudées par les électeurs. En 2020, au second tour, près de 60% des électeurs sont, comme on le dit familièrement « allés à la pèche ». Ce qui veut dire qu’au mieux le candidat qui aura été élu, l’aura été par un peu plus de 30% des inscrits. On peut bien évidement dire que la loi est ainsi et qu’elle doit être appliquée. Pour aller plus loin dans le raisonnement, les règles du suffrage font que le candidat qui aura été élu par exemple avec 55 % des suffrages exprimés, se retrouvera avec environ 75% des sièges au conseil municipal.

Après cela, que dire des décisions qui seront prises, des investissements qui seront lancés ? Et quelle voix restera-t-il à tous ceux qui ne seront pas d’accord ? On nous répondra qu’ils n’avaient qu’à aller voter, n’est-ce pas ! Mais pourquoi ne le font-ils pas ? Simplement à cause de la technostructure. Les citoyens ne sont, ni tous idiots, ni tous mal informés. Ils savent que ce sera rarement la personnalité élue en tant que maire qui va avoir les idées, envisager les projets, incarner les ambitions culturelles de la commune et les espoirs écologistes des citoyens.

Les décisions et leur mise en œuvre viendront des services de la commune, des secrétaires généraux de la mairie, des directeurs généraux des services, des directeurs de l’aménagement urbain, des directeurs financiers, sans oublier les citoyens propriétaires fonciers qui ont toujours gardé un œil jaloux sur le devenir du POS autrefois et du PLU aujourd’hui. Et dans des régions comme l’Île-de-France, il ne faut pas oublier le « Grand Paris » et toutes les convoitises qu’il suscite.

On cite toujours les déclarations de ceux qui veulent faire baisser le nombre de fonctionnaires en constatant à juste raison que cette masse salariale représente une grosse partie du budget du pays. Mais quand on dit « fonctionnaire » aux français, ils ne pensent qu’à la Santé, à l’Ecole, à la Police et à la Gendarmerie ou à la Justice. Jamais aux collectivités locales qui en empilant ainsi leur « mille-feuilles » ont multiplié depuis des décennies des postes parfois redondants, souvent inutiles, quand ce n’est pas clientélistes.

Et on oublie aussi de parler des partis politiques dont les réseaux administratifs sont tout aussi pléthoriques et sont également payés essentiellement par de l’argent public au prorata des résultats électoraux.

On pourrait citer les exemples à n’en plus finir sur ce sujet. Il existe même des maires condamnés pour « prise illégale d’intérêt » qui appellent ça avoir fait une « boulette » et ne se démettent pas, au point même de demander et d’obtenir la protection fonctionnelle couvrant tous leurs frais de justice, d’appel, de cassation, etc. (!?). C’est dire comment l’État lui-même a perdu son courage, perdu dans sa technostructure.

Malheureusement, cette technostructure n’est pas seulement un gouffre financier. De temps à autre, on entend bien parler de quelques privilégiés qui ont bénéficié de subventions pour rédiger des rapports inutiles sur des sujets connus pour n’avoir aucun intérêt. On crie, on s’indigne, et on oublie.

Dans les ministères, ce sont les élites de l’énarchie qui prennent les décisions, jamais les élus qu’elles ne perçoivent que comme de simples exécutants éphémères. Mais leur mise en application, c’est une tout autre histoire. Les Ministres passent, vite, parfois très vite, leurs cabinets aussi, leurs directeurs en font de même, même si c’est parfois moins immédiatement que les remplacements s’effectuent. Et ce sont les services qui prennent en mains ce que l’on pourrait appeler la mise en musique. On y retrouve des énarques, cela va évidemment de soi, puis toutes les couches de la fonction publique, faites de nombreuses personnes de valeur, parfois bien solitaires pour obtenir la dernière validation, après la réunion de plusieurs commissions, comités Théodule, et autres autorités ad hoc, puis in fine comme on le dit très sérieusement, l’arbitrage de quelques experts et les avis à l’emporte-pièce de Bercy. Tout ça avant une nouvelle validation en RIM (réunion inter ministérielle).

Les textes, généralement bien ciselés au départ par des juristes spécialisés, partent vers le bureau des assemblées sans plus ressembler à rien. Du Feydeau, du Courteline ? Parfois oui.

C’est en tous cas cela la technostructure. Beaucoup d’intervenants, beaucoup de services administratifs mis en action pour quelques résultats réels, oui, il y en a ! Mais pas suffisamment, compte tenu des moyens dont dispose l’État. Que manque-t-il donc ? De réelles bonnes intentions de gérer le bien commun ! On voudrait ne pas y croire, mais comment peut-on affirmer qu’un pays comme le nôtre ne se réforme que dans les six premiers mois d’une mandature. Tous les journalistes (qui se sont autoproclamés experts en politique depuis des décennies) le disent, alors on les croit ! Et on attend l’élection suivante !

Et pas un électeur pour dire « on l’a élu pour 5 ans, il doit appliquer son programme jusqu’au bout de son mandat » ! Difficile, en réalité, quand on sait que les élections, depuis de nombreuses décennies ne se font pas sur la base de programmes, mais selon la stratégie de l’évitement.

La stratégie de l’évitement

En psychologie, l’évitement est une stratégie d’adaptation pathologique mise en place pour ne pas avoir à se retrouver confronté à un stress, quel qu’il soit. On rencontre ce comportement chez les personnes anxieuses, phobiques ou victimes de TOC. Pour lutter contre de tels symptômes, rien de plus simple, en apparence seulement, il suffit d’éliminer les situations créatrices dudit stress.

Dans le débat politique actuel, la situation est toute autre. La stratégie de l’évitement coexiste avec ce vaste sujet : l’absence de programme des candidats, notamment lors d’une élection présidentielle. Depuis le temps qu’on nous dit que droite et gauche c’est « bonnet blanc et blanc bonnet », ou que l’on nous explique « qu’en même temps », tout est vrai et son contraire aussi, l’électeur de base en a perdu son latin, si tenté qu’il en ait eu un jour ancien.

Et donc comment faire son choix quand on est un électeur perdu ? On va se faire une idée comme on l’a toujours fait, selon la tête du candidat, mais surtout en fonction de ce que les autres vont dire de lui. Car désormais, on ne vient plus défendre un programme. Trop dangereux de parler de l’apocalypse climatique, c’est générateur de stress. De l’écologie et de la sauvegarde de la planète, c’est bon pour la « Verts » ! Du bien commun et du service public, c’est dangereux également, car on sait que cela va coûter encore plus cher en impôts ! De la sécurité ou de l’immigration, ce sont des sujets qui font peur aux uns s’ils plaisent aux autres. La liste est trop longue.

Alors il ne reste qu’une petite impasse, une faille dans le grand théâtre qui se profile. On ne va pas critiquer les idées des candidats, on n’en a pas soi-même, alors va simplement critiquer les personnes des candidats, sur leur façon de parler ou de s’habiller, sur tel geste qu’ils ou elles auront fait sciemment ou par inadvertance, sur tel mot pris en dehors de tout contexte, tel écart de langage dans un moment de lassitude, ou sur tel trait de caractère avéré ou purement inventé.

Et nous sommes, dans ce monde de l’évitement, bien aidés par une certaine partie des médias, toujours plus caricaturistes que n’importe lequel de nos nombreux humoristes actuels. Tenter de suivre une soi-disant émission politique ressemble à une visite dans un hôpital psychiatrique. Aucun invité ne peut répondre entièrement à une question qui lui est posée, on le coupe, on lui rappelle des propos d’une autre époque dont il doit se justifier séance tenante avant de pouvoir reprendre son raisonnement initial, tant faire se peut. On se croirait dans le cabinet d’un juge d’instruction. Mais il est vrai que nombreux sont ces animateurs de la télévision, y compris publique, qui semblent avoir une ambition refoulée de juge d’instruction, quand ce n’est pas de procureur !

Les « trucs » sont nombreux dans les stratégies d’évitement et aisément repérables : Si la réponse ne convient pas, on la passe à la trappe (« vous vous êtes exprimé, les auditeurs se feront leur opinion »). Puis on utilise la « novlangue » pour ne pas dire les mots qui fâcheraient l’opinion (comme « redéploiement des ressources » pour ne pas parler de licenciements). Mais le plus intéressant pour les stratèges de l’évitement c’est la mise en cause directe, par « l’anathème », sans colère et sans grossièreté pour ne laisser passer qu’une sorte de message subliminal. En ces temps bénis, l’échange le plus frappant entre deux opposants c’est la supposition d’appartenance à une sphère ! Sur un sujet récent, évoqué ci-dessus d’un maire condamné pour prise illégale d’intérêt, les uns disent des autres « c’est bien un coup de la gaucho-sphère » ce à quoi les autres répliquent que « rien ne nous étonne plus de ceux qui font partie de la facho-sphère » !

En fait de débat public, on se retrouve nettement sur le terrain du mensonge, de la manipulation et de la fausseté. Mais cela n’a rien d’étonnant dans ce monde hyper connecté dont nous évoquions encore récemment dans nos articles, tout autant les risques du métaverse que la médiocrité de la culture du Wokisme.

Le bien commun ne signifie-t-il plus rien à nos yeux ? C’est bien regrettable ! Il pourrait y avoir de l’espoir, mais la France ne semble pas en prendre le chemin, du fait de son absence d’engagement dans les structures associatives, comme Tocqueville en avait d’ailleurs déjà fait le constat au XIXème siècle. C’est ainsi que Nina ELIASOPH, professeur de sociologie à l’Université de Madison (Wisconsin) évoque l’espace public aux USA : « Plus on parle à voix haute et plus l’assistance est nombreuse, moins les locuteurs sont prompts à méditer sur des questions mettant en cause la justice et le bien commun, à présenter des analyses historiques et institutionnelles, à critiquer les institutions, à inviter au débat, bref, à s’exprimer en se référant à l’esprit public » Pour la chercheuse américaine, les contextes permettant aux personnes « d’exprimer librement leur mécontentement politique et leur curiosité pour la grande société » sont finalement rares. Elle espère que « c’est ensemble, et par la discussion, que les citoyens doivent élaborer leurs idées politiques, et cela implique qu’il existe des lieux où la conversation politique informelle puisse se produire au quotidien ».

À quand un tel engagement chez nous ? La technostructure est présente partout, même dans les développements les plus récents des technologies de l’information. On peut, en effet, s’inquiéter de voir que la reprise de pouvoir par les actionnaires de certains grands groupes les GAFA, sont la marque d’une volonté de reprise en mains pour parvenir à des objectifs qui certes restent sous le contrôle de leurs fondateurs, mais pour envisager un monde factice où la technostructure néfaste pour l’avenir de la démocratie est remplacée par les métaverses, dont les univers virtuels offrent aux joueurs la liberté de socialiser, de jouer et de créer leur propre univers, utilisant leurs avatars pour nouer des liens sur les réseaux sociaux.

Dans une telle société détachée des références d’autrefois à la morale, ou à l’esprit de nation, les « millénials » qui ont grandi dans un univers déjà ouvert sur le virtuel, sont à la recherche d’un sens à donner à leur vie, et ce ne sera pas dans la passion pour les débats politiques d’ores et déjà confisqués. Tout en se croyant informés, les membres de la génération Y sont abreuvés par les théories du complot, le narcissisme 2.0 qui consacre l’individualisme en valeur cardinale, et ils se retrouvent souvent déçus par le monde qui les entourent et à la marche duquel ils participent de moins en moins. Ils cherchent donc autre chose, s’inventer un monde parfait sans prise avec les réalités qui, reconnaissons-le, sont bien décevantes.

S’il est bien une évidence, c’est que les citoyens, mais aussi les élites, décident de se réveiller !

Focus : Le projet de studios de cinéma sur la Base B217 de Brétigny-sur Orge

Il faut effectivement mettre un terme à ces pertes d’énergie, d’idées et de moyens, qu’ils soient administratifs, matériels ou financiers. La France doit retrouver une prépondérance dans les domaines de la production, de la technologie et de l’expression artistique, perdue peut-être simplement par négligence et surtout par routine !

Un exemple de projet géré par une participation adroite de fonds publics et privés. Les PPP, souvent évoqués comme une solution miracle pour éviter les inerties administratives et les risques mal évalués des entreprises privées, trouvent sur l’ancienne base aérienne 217 de Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne, une application exemplaire et intelligente.

Ces marchés de partenariats public-privé sont des contrats qualifiés habituellement de « globaux ». Leur principale caractéristique est de confier au cocontractant privé une mission de service public globale. Celle-ci pourra être relative à des financements d’investissements immatériels, d’ouvrages ou d’équipements nécessaires au service public, mais aussi à la construction ou à la transformation de ces ouvrages ou de ces équipements. Au surplus, de tels contrats envisagent souvent aussi l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou la gestion desdits ouvrages.

Ces contrats, fondés sur un financement essentiellement d’origine privée, permettent d’associer de manière durable des interlocuteurs privés à la création et à la gestion d’un ouvrage public. Ils se caractérisent en général par un paiement public différé. L’entrepreneur privé perçoit, dès la mise à disposition des ouvrages construits, des loyers dont le montant est lié à des critères de performance fixés par le contrat de partenariat.

Le projet d’aménagement de la Base 217 est un projet « hors norme », vecteur de développement et de qualité de vie sur Cœur d’Essonne Agglomération et plus largement sur le sud de l’Île-de-France. Il est soutenu par les élus Essonniens, mais également par Madame Valérie PECRESSE, présidente de la Région Île-de-France.

Depuis la fermeture de l’ancienne Base aérienne 217 en 2012 et l’acquisition d’une partie des terrains par l’Agglomération fin 2015, une dynamique forte et rapide a été engagée sur ce site. La Base a ainsi connu un très fort regain d’intérêt avec l’arrivée de nombreux acteurs. Entre 2015 et 2019, des porteurs de projets d’horizons divers et parfois complémentaires, se sont ainsi progressivement installés. Allant du cinéma à l’agriculture et de l’industrie aux nouvelles technologies, ces activités ont permis à La Base 217 d’offrir une vocation nouvelle à ses terrains, avec comme signature l’ambition suivante « Donnons au monde des projets d’avance », en souhaitant, en matière de nouvelles technologies, d’y créer le « Lab des Lab ».

On y note l’implantation de premières entreprises créatrices d’emplois, dans les domaines du e-commerce et de l’industrie, activités innovantes sur les drones civils et les véhicules électriques, industries événementielles avec le festival de musique « Download » et cinématographiques avec de nombreux tournages dont celui de « L’empereur de Paris ».


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