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Sophie de Menthon : « Cela fait 40 ans que l’État se trompe ! »

Sophie de Menthon sort un livre coup de poing, où elle dresse la liste des paradoxes qui fracturent le pays, alors qu’il faudrait avant tout réformer le système en profondeur et réconcilier enfin capital et travail.

Entreprendre - Sophie de Menthon : « Cela fait 40 ans que l’État se trompe ! »

Fustigeant le « politiquement correct », Sophie de Menthon sort un livre coup de poing, où elle dresse la liste des paradoxes qui fracturent le pays, alors qu’il faudrait avant tout réformer le système en profondeur et réconcilier enfin capital et travail.

Pourquoi ce livre, pour en appeler à un examen de conscience collectif à six mois de l’élection présidentielle ?

Sophie de Menthon : Evidemment les présidentielles jouent, mais en tant que chef d’entreprise et responsable d’un mouvement patronal, je suis surtout à saturation maximale d’un pays qui marche sur la tête. Est-ce qu’il faut accuser une Vème République qui n’est plus le format adapté ? Parce que les partis politiques sont morts, l’Assemblée nationale ne compte plus vraiment, les syndicats n’ont plus aucun poids parce qu’ils sont discrédités… Ma seule certitude – et j’en suis ravie parce que je pense y avoir contribué -, c’est que la cote de l’entreprise est formidable. Il y a plus de 80% des Français qui ont confiance dans leur boîte alors qu’ils sont 20% à peine à avoir confiance dans l’Etat et 15% dans les médias.

Vous ne mâchez pas vos mots en affirmant que ça fait déjà 40 ans que l’Etat se trompe. Expliquez-nous.

S.d.M. : Ça fait en effet 40 ans que l’Etat se trompe dans sa politique économique et sociale. Il se trompe parce qu’on a perdu notre rang sur le plan de notre politique étrangère. Il se trompe parce que nous sommes passés au 16ème rang du classement Pisa en matière d’enseignement, ce qui est une véritable catastrophe ! Il se trompe parce qu’il croit qu’il a toujours raison, qu’il peut faire mieux et à la place des autres. La Nation ne compte plus, le pays c’est-à-dire les citoyens ne sont plus écoutés. L’Etat s’est trompé, car au lieu de penser « égalité », il a pensé « égalitarisme ». Il s’est trompé en croyant être généreux, alors que le Smic équivaut aujourd’hui aux salaires les plus bas. Il s’est trompé parce que dans des familles qui ne sont pas favorisées, beaucoup de personnes ont intérêt à rester au chômage pour bénéficier des aides plutôt que de travailler en touchant le Smic.

Il s’est trompé en croyant qu’il avait intégré les émigrés. Il s’est trompé en pensant qu’il fallait punir les riches. Du coup, il a continué à inculquer une détestation de l’argent. Résultat, on est arrivé à un chômage record, à des aides sociales record, au départ de nos scientifiques et de nos cerveaux à l’étranger, à un corps professoral qui n’est plus respecté. Donc l’Etat s’est trompé sur tout !

Quel est le plus grand frein ou « mal » français ? La suradministration de notre pays ? Vous parlez de « virus administratif »…

S.d.M. : Oui, tout à fait, c’est un virus parce que c’est contaminant. Je crois que Georges Clémenceau disait déjà à ce propos : « La France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts. » Le plus grand mal français selon moi, c’est la suradministration dans la mesure où elle paralyse tout le reste, dans un phénomène de chaîne. Avec la rapidité des nouvelles technologies et la vitesse de développement des entreprises à l’heure de la mondialisation, cette suradministration est le frein qui paralyse nos entreprises et toute l’économie française, face à la concurrence d’autres pays qui n’ont pas tous ces blocages.

Il est temps, dites-vous, de réconcilier le capital et le travail. Ça passe par quoi, l’actionnariat salarié ?

S.d.M. : Je pense qu’il faut arrêter de vouloir punir et culpabiliser les riches, ceux qui réussissent, et qu’il faut parallèlement enrichir les autres. Actuellement, dans une de nos commissions du mouvement Ethic, nous travaillons sur la thématique « faire des salariés des actionnaires ». Quand on aura des salariés-actionnaires et qu’ils recevront des dividendes parce que leur entreprise marche bien, ils ne regarderont plus leur montre pour partir au bout de 35 heures et quelques minutes. Ils comprendront tout, la stratégie de leur entreprise, ses investissements, ses charges, ses résultats.

Cela permettra de pallier l’absence de pédagogie économique dans notre pays, même s’il faut commencer d’après moi dès l’école en revoyant toute l’essence des programmes éducatifs économiques. Même si des progrès ont été faits, on commence toujours à apprendre l’économie à l’école par les syndicats. Il faut absolument développer les liens écoles-entreprises, car il n’y en a quasiment pas. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai écrit « L’économie expliquée aux enfants » et « L’argent expliqué aux enfants » chez Gallimard Jeunesse.

Vous parlez de changer de modèle, de réformer en profondeur notre pays. Mais est-ce possible sans voir nombre de Français dans la rue ?

S.d.M. : J’ai ce défaut de penser que rien n’est impossible ! J’ai lancé la fête des entreprises il y a 19 ans quand personne n’y croyait. Aujourd’hui, tout le monde connaît « J’aime ma boîte ». Encore fallait-il y penser, y croire, y travailler et la lancer par la force du collectif. Quand on est au plus haut niveau de l’Etat, je crois que c’est la même chose. Quand vous êtes président de la République, si vous savez vous entourer des meilleurs, il y a des choses que vous pouvez engager ou des verrous que vous pouvez faire sauter immédiatement. Par exemple, si l’on parle d’immigration, le président de la République pourrait dire dès le lendemain de son élection « le regroupement familial, c’est fini ». Je pense que les Français approuveraient. Je n’ai pas de leçons à donner, mais je pense qu’on peut considérablement améliorer les choses.

Qu’est-ce qui bloque alors ?

S.d.M. : Ce qui bloque c’est la peur que cultivent et alimentent nombre de hauts fonctionnaires. Quand je vois le président de la République, il est très mal conseillé. Le propre de son entourage c’est de pouvoir l’empêcher. Et puis, je crois qu’en France, nous sommes face à un vrai problème avec les médias, notamment les chaînes d’info en continu, qui véhiculent quasiment tous la pensée unique. Je pense au contraire qu’il faut dire les choses, engager de vrais débats, car dire empêche la violence. Il faut arrêter d’imposer aux gens, mais plutôt les faire réfléchir et les responsabiliser.

Quelles mesures économiques d’urgence attendez-vous ?

S.d.M. : Il faut absolument payer mieux les gens, donc il faut premièrement revaloriser le travail. Mais pour payer mieux les gens, il faut diminuer le coût du travail. Il faut trouver cet argent quelque part, donc accepter de diminuer les allocations chômage. En Allemagne, vous touchez 1 300 euros de chômage, quel que soit votre salaire. En France, vous pouvez toucher jusqu’à 6 000 euros si vous êtes cadre. Le problème, c’est qu’à 6 000 euros, il y a beaucoup de cadres qui vont s’offrir un an de vacances, en restant au chômage.

Il faut par ailleurs immédiatement redéfinir les missions régaliennes de l’Etat où il faut garder le statut de fonction publique. Pour les autres missions publiques, il faut mettre fin à ce statut. L’Etat n’est pas une entreprise, mais ce n’est pas une raison pour faire tout et n’importe quoi !

Qu’est-ce que la crise sanitaire a changé selon vous ?

S.d.M. : Cette pandémie a accéléré la digitalisation de notre économie – ce qui est une bonne chose – et elle a donné l’envie aux gens de travailler autrement, c’est-à-dire « où je veux, quand je veux », alors qu’ils ne sont que 20% à pouvoir télétravailler. Mais le vrai problème est ailleurs. Nous venons de lancer un sondage sur « J’aime ma boîte ». Les sondés sont 65% à aimer leur entreprise, plus de 70% à avoir confiance en elle. Ça, c’est super. Mais ils sont 30% à vouloir travailler moins depuis la pandémie.

Alors quand 30% des Français veulent travailler moins, je ne vais pas m’extasier. Car là, ça veut dire qu’on n’est pas sorti de l’auberge !

Quel est le candidat à la présidentielle le plus en capacité de redresser l’économie de la France ?

S.d.M. : Dans notre sondage, nous avons posé la question suivante : « En dehors de vos positions politiques, quel est le candidat selon vous qui aime le plus l’entreprise ? » Résultat : 1er Emmanuel Macron, 2ème Marine Le Pen et 3ème Arnaud Montebourg. Plus généralement, j’ai l’impression que les chefs d’entreprises sont plutôt très contents du coup de pied dans la fourmilière d’Eric Zemmour, mais ils n’envisagent pas une seconde qu’il puisse être favorable au monde de l’entreprise. Il est clair que si on faisait un sondage, 80% des chefs d’entreprise seraient favorables à Macron, car il a été indéniablement le premier président pro-entreprises.

Et il faut avouer qu’il ne s’est pas trop mal débrouillé. Globalement, les entrepreneurs aiment bien Xavier Bertrand aussi. Ils fuient la gauche comme la peste. Les écolos n’en parlons pas, parce qu’ils détestent l’entreprise.

En tant que présidente d’un mouvement patronal, si vous aviez un message à adresser aux entrepreneurs qui nous lisent ?

S.d.M. : Soyez les entrepreneurs de vous-mêmes ! N’attendez rien des autres. Arrêtez d’avoir peur, d’attendre des autorisations ou que l’Etat fasse des choses pour vous… Osez vous lancer, faites-vous confiance. Il faut être entrepreneur de soi-même et tout ira mieux, nos familles, nos entreprises et notre pays tout entier.

Propos recueillis par Valérie Loctin


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