Sanofi, Air Liquide et Schneider Electric… De plus en plus de dirigeants français de très grands groupes s’expatrient. Pire : de grosses sociétés se délocalisent. Au nom de la mondialisation, de la pression fiscale ou sociale. Révélations sur quelques exilés moins médiatiques qu’Arthur ou Gérard Depardieu.
Air Liquide : Francfort, Houston et Shangaï
Air Liquide est un poids moyen du CAC 40, avec un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros en 2013. Véritablement plébiscité par les actionnaires individuels (propriétaires du tiers du capital) et considéré comme le placement idéal pour père de famille, le groupe Air Liquide est présent dans 80 pays.
En dépit de ses excellents résultats, l’entreprise a changé son organisation en se structurant autour de 3 pôles tout en conservant une place principale parisienne : à Francfort (en Allemagne), à Houston (aux USA) et à Shangaï, en Chine. Avec les objectifs officiels de se rapprocher des marchés et des clients ou d’accélérer les décisions avec une gestion moins centralisée.
Sur les 14 membres du comité exécutif, 5 vivent désormais à l’étranger dont deux Français : le directeur de la zone Asie-Pacifique est installé à Shangaï (ce qui peut sembler logique) tandis que le responsable des activités internationales est expatrié à Francfort. Le Canadien Pierre Dufour, directeur général délégué, ne jouit plus d’un contrat français depuis le 31 décembre 2013 et se trouve en Allemagne d’où il gère aussi la filiale germanique.
Sanofi : en route vers Boston
Sanofi est le premier laboratoire pharmaceutique français et l’un des leaders mondiaux dans ce secteur d’activités. Depuis le mois de décembre 2013, son directeur général Chris Viehbacher, un germanocanadien, a choisi de s’installer près de Boston, aux USA. Á la tête de ce géant de la pharmacie depuis la fin 2008, Viehbacher bénéficiait d’un régime fiscal très intéressant, celui de l’impatriation.
Grâce à ce système, le grand patron voyait une partie de sa rémunération échapper à l’impôt tout comme il lui permettait de ne pas payer l’ISF. Pour le PDG de Sanofi, salarié à 3 millions d’euros par an sans compter les actions et les stock-options, la fin de ce dispositif au bout de 5 années ne présentait que des désavantages d’où son départ outre-Atlantique.
Mais pour Serge Weinberg, Président du conseil d’administration de Sanofi et proche de Laurent Fabius, cet exil doré de Viehbacher ne pouvait pas durer. Comme le notait notre consoeur Valérie Lion dans les colonnes de « L’Express » du 19 novembre dernier, « pour Weinberg, la seule parade est de s’assurer que le déménagement du directeur général n’aura pas de conséquences sur son mode de gestion et sur la localisation des centres de décision. Sans illusion. L’éloignement physique ne facilite pas les relations, déjà tendues, entre les deux hommes… »
Il est vrai que la « délocalisation » d’un chef d’entreprise ne favorise pas les rencontres avec les décideurs politiques, les institutions financières ou l’organisation de réunions stratégiques avec l’état-major de la compagnie. Finalement, Chris Viehbacher a été remercié le 29 octobre dernier mais cet épisode est la preuve que les big boss songent de plus en plus souvent à vivre et exercer leurs responsabilités en dehors de l’hexagone.
Schneider Electric : entre les Etats-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Russie, le Brésil ou la Chine.
Schneider Electric réalise plus de 90 % de ses activités à l’étranger et affiche un chiffre d’affaires de 23,5 milliards d’euros pour 2013. Depuis 2011, le PDG du groupe, Jean-Pascal Tricoire vit à Hong Kong et le numéro 2, Emmanuel Babeau est expatrié à Londres depuis le mois de juillet 2014. Près de la moitié du comité exécutif est constituée de personnalités étrangères et le conseil d’administration a décidé d’adopter, en juin, le statut de « société européenne ».
Dans le genre « expatriation à tout va », Schneider Electric fait très fort : un seul membre de la direction générale se trouve aujourd’hui à Paris ! Tous les grands directeurs vivent désormais entre les Etats-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Russie, le Brésil ou la Chine. Du jamais vu pour une entreprise made in France et qui pourrait donner des idées à d’autres patrons.