A quelque 30 km au nord-ouest du centre-ville de Beijing, dans la commune de Shangzhuan (上庄镇), la toponymie locale révèle l’histoire de cette contrée : le Lac au parfum du riz (Daoxiang Hu, 稻香湖), le Lac vert (Cui Hu, 翠湖) ou la Route de la récolte éternelle ( Yongfeng Lu, 永丰路) sont des exemples patents. La plantation du riz dans cette région bénéficie du soutien des autorités étatiques depuis l’antiquité.
Selon Min Qingwen, chercheur en écologie à l’Académie des Sciences de Chine, les empereurs de la dynastie des Qing (entre 1616 et 1912) ont personnellement pris part à la sélection et à la formation des semences de riz et soutenu la construction des travaux hydrauliques dans cette région. Teintes d’une couleur royale, les rizières constituent une parcelle agricole de démonstration du plus haut niveau pour la dynastie des Qing et mettent en valeur le concept de gouvernance d’Etat centré sur l’agriculture de l’époque.
En fonction de la localisation géographique, le riz cultivé et récolté en Shangzhuang a été baptisé « riz Jingxi » (京西稻), soit le riz grandi à l’ouest de Beijing littéralement en chinois. Aujourd’hui, quelque 133 hectares de riz Jingxi sont cultivés dans la commune de Shangzhuang. Dans la région de Beijing, où l’agriculture est dominée par les cultures sèches, les rizières de Jingxi créent un rare paysage écologique et aquatique dans une région qui ne reçoit pas suffisamment de précipitations. Grâce aux jardins impériaux aux alentours dont le plus célèbre est sans doute le Palais d’été, la zone des rizières abrite de sources et de lacs, de fossés et de canaux, de vastes rizières ainsi que de diverses plantes aquatiques.
« Transportées par des canaux, des eaux provenant de la Montagne Yuquanshan sont usées pour nourrir les plants de riz Jingxi. La qualité de l’eau est primordiale, parce qu’elle garantit ensuite la qualité du riz mûr », a expliqué à CGTN Français Wang Pei, directeur du marketing d’une entité agricole gérée par la commune de Shangzhuang, laquelle assure la culture du riz Jingxi et se charge de l’exploitation du marché.
Selon Wang Pei, la plantation des semis de riz débute en général vers la fin du mois de mai, tandis que la récolte des épis se fait en octobre. Une récolte par an, sans usage d’engrais chimique ainsi que des eaux d’irrigation excellente, tous ces éléments assurent une bonne qualité du riz Jingxi.
En 2015, le riz Jingxi a été identifié par le gouvenrement chinois, comme « Systèmes ingénieux du patrimoine agricole » au niveau national. A noter que les « Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial » (SIPAM) sont une initiative lancée par l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture des Nations-Unies (FAO) en 2002, dans le but de protéger les anciens modes de production agricoles et de mettre en valeur la durabilité, la biodiversité et la résilience de ce patrimoine agricole, qui est toujours profitable à la société contemporaine.
A la fin du mois de septembre, les rizières prennent une couleur dorée et mûre (Photo crédit : CGTN Français)
Pour Wang Pei, le système de la culture du riz Jingxi revêt aujoud’hui une signification culturelle, « forme un paysage agro-écologique à l’ouest de la capitale chinoise, ajoute de la verdure à Beijing, et est devenu une zone humide agricole indispensable dans la ville. »
En 2014, afin de mieux protéger le patrimoine agricole et de garder la dernière parcelle de rizière dans la ville de Beijing, la commune de Shangzhuang a fondé une coopérative en charge de la culture et du marketing du riz Jingxi. Cette dernière a amélioré la situation d’emploi locale avec 90% d’employés en provenance des villages locaux.
Actuellement, la production annuelle du riz mûr s’élève à environ 350.000 kg. « Ce chiffre n’est pas énorme, mais nous tentons d’améliorer peu à peu les variétés afin d’augmenter le rendement », a souligné Wang Pei.
Pour sensibilier le public urbain sur l’agriculture, la commune de Shangzhuang a organisé de multiples activités. « Au début du juin, les parents et leurs enfants pourraient transplanter des semis de riz. En octobre, nos champs sont ouverts aux petits pour appréhender la récolte du riz. Nous invitons aussi des fins connaisseurs de l’agriculture pour expliquer toutes les 24 étapes à observer avant d’avoir du riz mûr, pour que les élèves puissent mieux savoir d’où vient le riz », a expliqué Wang Pei. Prochainement, de multiples produits et denrées liés au riz seront exploités, dans le but de mettre en valeur du riz Jingxi.
A ce jour, 19 sites chinois ont été inscrits sur la liste des systèmes du patrimoine agricole mondial. « De nombreux sites chinois ont une très longue histoire de civilisation agricole et témoignent de la sagesse des agriculteurs qui ont surmonté les difficultés pour s’adapter aux conditions et spécificités souvent difficiles », a salué Yoshihide Endo, coordinateur du programme SIPAM et haut responsable de la FAO.
Au niveau national, le gouvernemnet chinois a identifié 188 sites comme patrimoine agricole du pays. La Chine se réjouit d’une longue histoire de labourage. Cette histoire liée au riz Jingxi est une miniature de l’agriculture chinoise qui essaie de transmettre la tradition et de s’orienter vers demain.
Etienne Tang