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Réformons la France et son marché du travail comme l’ont  fait l’Allemagne et Gerhard Schröder

Entreprendre - Réformons la France et son marché du travail comme l’ont  fait l’Allemagne et Gerhard Schröder

Tribune. Il est peut être utile en cette période troublée de rappeler aux Français ce qui s’est passé en Allemagne à la fin des années 90 à l’époque où cette dernière a confié les commandes à Schröder.

Elle était alors le pays malade de l’Europe. Chaque Allemands avait peur de perdre son travail. L’effort de rapprochement avec l’Est avait à vrai dire conduit le pays à de gigantesques investissements. On parle de 1500 milliards d’€ ce qui avait fait monter la sphère publique au niveau de ce qu’était la France avant la crise Covid soit 57 % du PIB .

Cette explosion de la dépense publique avait épuisé la puissante économie allemande. L’illustration la plus frappante du dommage créé par une dépense publique et des impôts excessifs se voyait dans le fait que Volkswagen, emblème national et coleader mondial dans son métier était en perte ; on parlait même de 30 000 licenciements sur 80 000 personnes dans l’usine emblématique de Wolfsburg.

Peter Hartz, le DRH de Volkswagen s’était alors illustré en proposant aux ouvriers un contrat de travail de type nouveau, un CDI à temps variable. Voici ce dont il s’agit :on décide au début de chaque année quel sera le temps de travail . Il peut varier d’un minimum de quatre fois 7 heures soit 28 heures par semaine (kurzarbeit) à un maximum 5 × 9 soit 45 heures ; en échange de ce changement qui conduit à une évolution très significatives  des conditions de travail pour les ouvriers l’entreprise promet un  très important intéressement qui peut atteindre  12 000 € par ouvrier dans les années prospères.

Il est clé de rappeler que les syndicats ont été très coopératifs dans toute cette affaire et ont permis que ces propositions de réforme entrent dans les faits; il faut aussi dire que quelques années avant , lors du congrès de Bad Godesberg , ils avaient pris leurs distances avec le communisme et la lutte des classes.

Retombée de la gouvernance allemande qui veut que les hommes politiques portent à la fois des mandats nationaux et régionaux,  Schroeder en tant que président de la région Baden Wurtenberg était au conseil de Volkswagen, il avait repéré Harz et lui avait confié un travail de prospective.

Il s’agissait d’une commission , une sorte d’ancêtre de la commission ATTALI avec plusieurs différences puisque le responsable venait de l’entreprise et n’avait pas de couleur politique ; elle comportait  quatre fois moins de membres et disposa de quatre fois plus de temps pour travailler.

Le but de la mission qui s’est appelée par la suite « agenda 2010 » n’était pas de recommander des actions ponctuelles mais de réfléchir à des principes de gouvernement. La commission s’est centrée fondamentalement sur le problème du chômage partant de l’idée qu’il détruisait la société.

Schroeder de son côté adopta une position très ferme en matière financière en expliquant qu’un endettement hors de contrôle était insupportable et mettait en cause l’intégrité nationale . Il était à l’époque de 70 % du PIB une paille par rapport à notre 120%. il expliqua dans la foulée aux organisations syndicales et au patronat qu’il ne pouvait plus en tant qu’État combler les caisses sociales alors en perte à cause de l’explosion du chômage et de l’allongement de la durée de vie. Les syndicats et le patronat se sont, sans intervention l’État , mis à discuter. Il en résultat deux décisions fondamentales : allonger significativement la durée de travail à 67 ans et créer un ticket modérateur à 25 € pour toutes les dépenses de santé ; inutile de dire que les comptes se sont redressés très rapidement.

Parallèlement Harz et Schroeder ont défini un concept fondamental qui allait guider toutes les politiques sociales le « fördern und fordern » la société est prête à vous aider mais elle demande que vous prenez en main ; on est solidaire mais dans la responsabilité c’était le fameux concept de solidarité exigeante.

Le drame (et ceci m’a été explicitement rapporté par Hartz lui-même) c’était aussi le travail au noir consécutif à des impôts spoliateurs et des charges sociales trop élevées : il réduisait considérablement les recettes publiques. Hartz proposa un contrat de travail adapté au temps partiel de 15 heures par semaine avec une imposition minimale (aucune charge pour l’employé 20 % de charge pour l’employeur). Nos syndicats n’eurent que du mépris pour lui et le qualifièrent de mini job. C’était bien mal connaître les choses il eut un effet considérable puisqu’il s’en créa 9 millions , 3 millions de personnes en avait deux. C’était fondamentalement une façon de remettre les gens dans le système économique avec l’idée qu’une fois qu’une personne est employée elle est mise en piste pour grimper dans l’entreprise. Cette mesure effondra le travail au noir , facilita  la décrue du chômage et permis de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État.

Il y eut un phénomène très intéressant avec les médias ; le frère de Shroeder (rappelons à cette occasion que Schroeder, orphelin, avait eu jeunesse très difficile et avait vécu très durement) qui n’avait pas connu sa réussite , faisait des papiers toutes les semaines dans le journal Bild pour dénigrer cette  politique. Le groupe concurrent Bertelsman prit un point de vue exactement inverse . Considérant que la situation était grave et qu’il fallait soutenir la politique Schroeder il aida  à faire passer  l’idée qu’ « il vaut mieux un job pas tout à fait satisfaisant que l’horreur du chômage, même bien payé, à la maison » (Ce qui fut explicitement le choix français sous Jospin) .

Hartz encouragea des modifications importantes au système des indemnités de chômage en les coupant à qui refusait systématiquement toute proposition. On demandait par ailleurs au récipiendaire des assurances chômage d’assurer des travaux d’intérêt général notamment auprès des mairies. Là encore les syndicats allemands comprirent que le destin l’Allemagne était en jeu et accompagnèrent l’idée.

C’est pas la peine d’être un grand économiste pour comprendre que l’économie ne demanda rien d’autre pour repartir, que le chômage passa de 12% à 4% en 10 ans et que la part des l’Etat dans les dépenses publique redescendit sous les 45%, niveau permettant de combiner solidarité et efficacité économique. Schroeder ne fut pas réélu mais Angela Merkel eut la sagesse de poursuivre son œuvre. La prospérité de l’Allemagne est la conséquence des innovations que Peter Hartz a imaginées, du courage de Schroeder, de la sagesse des syndicats allemands et du bons sens  d’Angela Merkel.

Cette période de réformes en Allemagne est  riche d’enseignements. C’est la valeur de l’Europe d’avoir en elle ces expériences réussies.

Les suédois ne s’y sont pas trompés et s’en sont inspirés avec la réussite que l’on sait. Les Allemands ont raison d’être fiers de l’effort qu’ils ont produits.  Les discours de la plus part de nos économistes et de ceux de nos politiques qui passent leur temps à expliquer que la dette n’est pas un problème tant que les taux d’intérêt sont nuls, entachent le prestige et la crédibilité de notre pays surtout dans le Nord de l’Europe.

Celle-ci est une équipe . Une équipe ne marche pas  si certains font des régimes pour être performants et les autres pas . L’histoire de Schroeder , battu malgré l’efficacité de ses réformes,  montre malheureusement que les qualités qui permettent de faire des réformes ne sont pas celles qui permettent d’accéder au pouvoir. On risque donc de ne pas de parler de cette exigence d’efforts dans l’année électorale qui vient . il faudra  pourtant que la France  se décide  à passer par ce régime jockey qui a fait ses preuves, une décision qui contribuera à cimenter l’Europe.

Xavier Fontanet a dirigé de 1991 à 2010 le groupe Essilor, qui connaît sous sa direction une croissance sans précédent. Depuis 2012, il est professeur associé de stratégie à HEC Paris et auteur de plusieurs essais où il partage son expérience et sa passion de l’entreprise. Il est également l’auteur de « Pourquoi pas nous« , paru aux éditions Les Belles Lettres.


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