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Qui est vraiment Patrick Pouyanné (TotalEnergies), le patron le plus puissant de France ?

Patrick Pouyanne (Nasser Berzane/ABACAPRESS.COM)

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TotalEnergies ambitionne de devenir l’un des leaders mondiaux de l’énergie verte sous la houlette de Patrick Pouyanné. Pdg depuis 7 ans, cet X Mines de Paris de 58 ans, conduit à marche forcée la transformation éco-responsable du géant français de l’énergie.

Rien n’était pourtant gagné en ce mois d’octobre 2014 où Christophe de Margerie disparaissait tragiquement et soudainement. L’homme avait marqué la vie du groupe de sa personnalité et son successeur de 51 ans, Patrick Pouyanné, déjà directeur général, a dû sentir tout le poids qui pesait soudain sur ses épaules en ces circonstances très particulières.

Une succession précipitée

Patrick Pouyanné a su prendre d’emblée la mesure du poste, qui l’a transformé du jour au lendemain en homme public et interlocuteur de chefs d’État. Pas de quoi impressionner ce diplômé de Polytechnique et ingénieur des Mines qui connait le sérail politique et adore les cultures étrangères. De sensibilité centre droit, ce natif de Petit-Quevilly est en effet passé par les cabinets d’Édouard Balladur et de François Fillon avant de rejoindre Elf en 1997. Le monde pétrolier deviendra le sien.

Manager la transition

Sa haute taille (1,91m) n’est pas synonyme de lenteur ou de maladresse, bien au contraire, l’homme est plutôt d’un tempérament sanguin. Patrick Pouyanné est un homme pressé, parlant et captant ce qu’on lui dit à toute vitesse, doté d’une capacité de travail énorme. Il n’est pas totalement dans la lignée du précédent dirigeant dans le sens où il ne mâche pas ses mots. Son rythme de travail étant très élevé, son exigence l’est également, il porte une grande attention aux grandes lignes comme aux détails d’une opération.

Un caractère vif donc, aux antipodes de l’hypocrisie, frappé du coin du bon sens pragmatique, sûr de lui mais qui peut changer d’avis si les contre-arguments qu’on ose lui opposer sont cohérents.  Il lui a fallu aller vite lors de cette succession précipitée. Avoir fait ses preuves en tant que patron de la branche raffinage-chimie ne suffisait pas pour que ce groupe de plus 100 000 salariés adhère immédiatement à cette nouvelle personnalité.

L’après-pétrole en ligne de mire

Son entourage l’affirme, depuis sa nomination, Patrick Pouyanné se préoccupe de préparer le groupe sous un horizon de dix à vingt ans. Dans un premier temps, il a surtout veillé à réduire les coûts, diminuer les investissements, tout en réussissant à étendre son activité à de nouveaux territoires pétroliers et gaziers. Total est d’ailleurs devenu le n°2 mondial en gaz naturel liquéfié.

La démarche la plus complexe à réussir aujourd’hui consiste à transférer une partie des énergies fossiles vers les renouvelables. Plusieurs investissements ont été réalisés, d’abord dans le photovoltaïque, puis dans l’éolien. Mais c’est la façon de produire l’électricité qui est le « game changer ».

Selon Patrick Pouyanné, cela irait beaucoup plus vite avec une vision mondiale du problème, permettant d’allouer les moyens là où ils pourraient avoir le plus d’impact. Or, tout se fait à l’échelle nationale, chacun agissant pour son propre camp, diluant ainsi l’efficacité des actions.

2020, l’année du tournant

Le dirigeant l’a annoncé en pleine pandémie l’an dernier, TotalEnergies sera parmi les leaders mondiaux de l’énergie verte. Le groupe en a les moyens financiers et humains. L’entreprise doit continuer à maîtriser ses coûts afin de pouvoir disposer des moyens suffisants pour assumer une transformation indispensable, étant donné les défis climatiques, soulignés récemment encore par le GIEC. 

Patrick Pouyanné avoue que sur ce sujet, septembre 2019 a été une date clé. Il assistait alors au sommet des Nations-Unis sur le climat et rentre convaincu de l’urgence des changements à faire. Sans doute le fait d’être père de quatre enfants lui permet une plus grande perméabilité à ces enjeux, tout comme les campagnes de pétro-bashing.

Des décisions stratégiques

Deux décisions stratégiques ont découlé de cette prise de conscience. En premier lieu, la décarbonation maximale des procédés de production des énergies fossiles, qui ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Chaque investissement pétrolier inclut dorénavant des coûts de production bas, inférieurs à 20 dollars, et des émissions de gaz à effet de serre réduits par rapport à la moyenne actuelle du groupe.

En second lieu, accélérer fortement sur les opportunités à saisir en matière de renouvelable, en interne et externe. Patrick Pouyanné l’a avoué, il a fallu presque un quinquennat pour que Total décide d’aller franchement dans cette direction qui bouleverse toute l’organisation et les paramètres de rentabilité. Total, devenu TotalEnergies en mai 2021, investit trois milliards par an depuis deux ans dans le renouvelable, soit un quart des investissements totaux. En 2022, ce chiffre devrait atteindre 7 milliards.

Des atouts exceptionnels

« Vouloir, c’est pouvoir », une phrase souvent utilisée par Patrick Pouyanné. Voici le moment de le prouver. TotalEnergies dispose en effet d’atouts hors normes par rapport à certaines entreprises vertes.

Grâce à son réseau mondial, les opportunités sont nombreuses d’aller sur des projets solaires ou éoliens. Cela passe aussi par des réorganisations. Ainsi, une seule division, OneTech, travaille dorénavant sur les trois énergies, noire avec le pétrole, grise avec le gaz et verte. 3300 ingénieurs et chercheurs au total peuvent ainsi partager leur savoir-faire. Patrick Pouyanné est resté impatient, pour lui 2050 est bien loin, d’autant que les technologies évoluent vite.

Il doit agir ici et maintenant et pour la décennie qui vient. Les objectifs ont été donnés : réduire les ventes de produits pétroliers de 30% en Europe et construire 100 GW en énergie électrique renouvelable en 2030.

Le défi de la décarbonation

On peut se douter que passer du pétrole au renouvelable soit une révolution pour tout le personnel d’un groupe comme TotalEnergies, y compris pour son PDG.  La plupart des ONG peuvent crier leur incrédulité, la stratégie du groupe va inexorablement vers la décarbonation.

La question reste posée quant au rythme des avancées.  Pour Patrick Pouyanné, le gaz, plus particulièrement le biogaz, permettra une transition supportable économiquement. L’objectif est que l’électricité passe de 5% du mix énergétique du groupe à plus de 50% en 2050. Dans le même temps, la prévision pour le pétrole est de 55% à 15 ou 20%. Le personnel est parfois inquiet de ces évolutions, mais convaincu par le bien-fondé d’un tournant nécessaire.

Un changement d’image

Le major du pétrole veut transformer son image. Alors grand coup de peinture verte ? Non, non et non, Patrick Pouyanné, du haut du 44e étage de la tour du groupe, peut d’ailleurs mettre en avant que le dernier classement Universum des étudiants bac +4/5 met TotalEnergies à la dixième place sur le thème RSE, sur les thèmes directement environnementaux, sur le côté bien-être au travail, égalité, mais aussi sur le côté économique, investissements durables, redistribution…

De quoi continuer à avancer, et rapidement si possible, avec une totale énergie. Comme Patrick Pouyanné.

Anne Florin


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