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Pluralisme de la presse : la France est-elle devenue le pays de la liberté perdue ?

En résumé, les médias en France jouent un rôle crucial pour la promotion des droits de l’homme et de la démocratie, mais des défis persistent, notamment en matière de liberté d'expression, de protection des journalistes, d’accès à l’information pluraliste et de respect de la vie privée.

Suite à un recours déposé par l’ONG « Reporters sans frontières » contre la chaîne d’information CNews, le Conseil d’État a sommé le régulateur des médias de mieux contrôler cette dernière.

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La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS

La liberté de la presse, un peu d’histoire

En application de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, « Tout journal ou écrit périodique peut être publié sans déclaration ni autorisation préalable, ni dépôt de cautionnement. Toute publication de presse doit avoir un directeur de la publication ».

En son article 2, la loi stipule que « Le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public » et précise qu’est « considérée comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public ».

La presse écrite, on le sait, est une presse généraliste souvent quotidienne, mais aussi d’opinion. Chacun sait y trouver ses propres valeurs, philosophiques et politiques, sans qu’il soit besoin de les identifier et de les préciser. On savait autrefois quel titre défendait sa propre opinion politique (pris au sens étymologique du terme).

Les groupes ayant la plus large diffusion sont, dans l’ordre alphabétique, EBRA (Le Progrès, Le Dauphiné Libéré, le Bien Public, Le Journal de Saône et Loire, Le Républicain Lorrain, L’est Républicain, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, etc.), Le Figaro (avec l’ensemble des titres dérivés), LVMH (Le Parisien/Aujourd’hui en France), le Groupe Hersant Média (La Provence, Nice Matin, Var Matin, Corse Matin, France Antilles Martinique, France Antilles Guadeloupe, etc.), Sud-Ouest (Sud-Ouest, La Charente Libre et La Dordogne Libre), Lagardère (Le Journal du Dimanche), Le Monde (avec son titre phare) et SIPA Ouest France (Ouest France, La Presse de la Manche, Le Courrier de l’Ouest, Presse Océan, etc.).

Depuis le développement des médias audiovisuels, plusieurs chaînes de télévision font profession de diffuser de l’information, certaines en continu, de proposer des débats faisant appel à des « experts », plus ou moins reconnus et des reportages divers et variés. Le ton des journalistes, le choix des articles évoqués et les fondements des lignes électorales ne cachent pas, en général l’inspiration politique des groupes qui les dirigent. À cela rien de bien différent de ce qui se pratique dans la presse écrite.

Le pluralisme en matière de médias

Le pluralisme en matière de médias en France est un principe fondamental qui vise à garantir une diversité d’opinions, de points de vue et de contenus dans le paysage médiatique. Ce pluralisme est considéré comme essentiel pour assurer la liberté d’expression, encourager le débat démocratique et permettre aux citoyens d’accéder à une information variée et équilibrée.

En France, le paysage médiatique est en effet caractérisé par une diversité de médias, y compris donc des journaux, des chaînes de télévision, des stations de radio, des sites web et des plateformes en ligne. Cette diversité se traduit par la présence de médias publics, privés, commerciaux et associatifs, chacun ayant ses propres orientations éditoriales et ses audiences spécifiques. Les médias publics jouent un rôle important dans le pluralisme médiatique en France.

 Parmi eux, on retrouve plusieurs chaînes de télévision publiques, des radios publiques, l’Agence France-Presse (AFP) qui fournit des informations à de nombreux médias en France et dans le monde, censés offrir une couverture équilibrée et impartiale de l’actualité, en respectant les principes du pluralisme et de l’indépendance éditoriale. Il existe également de nombreux médias privés, nationaux, régionaux ou locaux, détenus par des groupes de communication ou des entreprises privées, et qui ont donc des orientations éditoriales variées, allant du journalisme d’investigation au divertissement en passant par l’information généraliste ou spécialisée.

La régulation du pluralisme des médias en France est assurée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), autorité publique indépendante qui veille au respect des principes déontologiques, à la diversité des contenus et à l’équilibre des points de vue dans les médias audiovisuels et écrits.

Malgré la diversité des médias en France, nombreux sont ceux qui s’interrogent et qui s’inquiètent de la concentration des médias entre les mains de quelques grands groupes de communication, ainsi que de la montée en puissance des plateformes numériques qui peuvent influencer la diffusion de l’information et la diversité des opinions. Ces questions soulignent l’importance continue de protéger et de promouvoir le pluralisme des médias pour garantir une information libre, diversifiée et accessible à tous les citoyens.

Le Conseil d’État somme L’ARCOM de mieux contrôler la chaîne CNews

Il y a donc lieu de s’interroger sur les récentes velléités de contrôle accru des pouvoirs publics sur la planète médiatique, lorsqu’on apprend que, suite à un recours déposé par l’ONG « Reporters sans frontières » contre la chaîne d’information CNews, le Conseil d’État a sommé le régulateur des médias de mieux contrôler cette dernière.

Pour le secrétaire général de l’ONG, « C’est une grande victoire (…), mais surtout une décision historique pour la démocratie [sic] et le journalisme ». On peut s’interroger sur cette décision de justice qui semble aller à l’encontre du principe de pluralité de la presse.

Le Conseil d’État juge que, « pour apprécier le respect par une chaîne de télévision, quelle qu’elle soit, du pluralisme de l’information, l’ARCOM doit prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques ».

Le Conseil d’État a ainsi « enjoint à l’ARCOM de réexaminer dans un délai de six mois le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information ».

Les journalistes de la chaîne ont immédiatement fustigé cette décision ! Jusqu’à présent, seuls les temps de parole des hommes politiques étaient pris en compte. Le Conseil d’État entend modifier cette jurisprudence ou semble la modifier puisque les paroles des chroniqueurs, animateurs et invités seraient pris en compte. Selon les journalistes de la chaîne, « C’est une déflagration ce qui se passe dans le PAF ! » Ils ajoutent que, sans doute,le succès de CNews « irrite, dérange et bouscule les bien-pensants ».

La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication impose aux chaînes de télévision d’assurer l’honnêteté, le pluralisme et l’indépendance de l’information et fait de l’Autorité de régulation de l’ARCOM la garante du respect par les chaînes de ces obligations.

Dans le cadre de ce dossier qui défraie la chronique, l’ARCOM avait refusé de prononcer une mise en demeure à l’encontre de la chaîne, et RSF avait saisi le Conseil d’État par suite de ce refus.

Le Conseil d’État en France joue effectivement un rôle important en ce qui concerne les médias, en assurant notamment le respect de la liberté d’expression et en régulant le secteur audiovisuel. Il contrôle la légalité des décisions administratives (ce qui inclut les décisions de régulation émanant de l’ARCOM), il est compétent pour examiner les recours formés contre les décisions de l’ARCOM en matière d’octroi d’autorisations ou de sanctions à l’égard des médias, il peut être consulté par le gouvernement sur des questions relatives à la réglementation des médias et à l’interprétation de la législation en vigueur dans ce domaine et il est le gardien des libertés publiques, dans le respect des principes fondamentaux de la liberté d’expression, tels que garantis par la Constitution française et les conventions internationales.

En résumé, le Conseil d’État exerce un contrôle juridictionnel sur les décisions administratives concernant les médias en France, tout en jouant un rôle consultatif et en contribuant à la protection de la liberté d’expression et à la régulation du secteur audiovisuel.

On peut donc légitimement s’étonner de cette interprétation du principe de pluralisme dans les médias et de cette remise en question de la liberté fondamentale de la presse. Est-ce en effet l’avenir de la liberté d’expression que d’obliger tous les médias audiovisuels à s’aligner sur une même ligne éditoriale, propre à ne choquer personne, propre à éviter toute contestation dans l’interprétation donnée de la vie publique et propre à transformer les médias audiovisuels en un relais unique de la pensée majoritaire souhaitée par la mouvance « wokiste »?

Pourquoi ne sanctionner que CNews et non certains diffuseurs publics (radios en particularité) dont la ligne éditoriale ressemble étrangement à la « nouvelle pensée unique » ? Peut-être devrions-nous parler de la pensée « inique », ou nous inquiéter de ces comportements liberticides qui font irrésistiblement penser à ceux de « Big Brother » le héros insidieux de George Orwell dans « 1984 » ?

Bienvenue en France, le pays des droits de l’Homme qui s’enlise de plus en plus dans les délices du « non droit » !

Quelques valeurs fondamentales

Les médias et les droits de l’homme en France sont des sujets d’une grande importance et souvent entremêlés. Il y a donc réellement lieu de rappeler quelques valeurs fondamentales.

La France a toujours accordé une grande importance à la liberté d’expression, notamment pour les médias. Cette liberté n’est pas absolue et peut être restreinte dans certaines circonstances, telles que la diffamation, l’incitation à la haine ou la violence. Les journalistes en France doivent bénéficier d’une protection juridique pour exercer leur métier, et pourtant ils sont souvent l’objet de menaces et d’attaques, en particulier lorsqu’ils enquêtent sur des sujets sensibles comme les abus de pouvoir, la corruption ou le terrorisme.

La France a mis en place des lois pour garantir le droit d’accès à l’information publique, mais des défis subsistent en ce qui concerne la transparence gouvernementale et l’accès des médias à certaines informations sensibles. Les médias jouent un rôle essentiel dans la protection et la promotion des droits de l’homme en France, en sensibilisant le public aux questions telles que celle qui concerne la présente tribune, le pluralisme des idées, mais aussi des questions aussi cruciales pour la démocratie que sont les corruptions, les discriminations, les violences physiques et sexuelles dont sont victimes les femmes et les enfants, l’insécurité et les atteintes à l’ordre républicain, etc.

Les médias doivent équilibrer le droit des citoyens à être totalement et clairement informés, sans langue de bois, et ce, dans le respect de la vie privée des individus. La loi encadre la collecte et la diffusion des informations personnelles par les médias, et on doit à toutes forces s’inquiéter de la surveillance gouvernementale et de la protection de la vie privée dans le contexte numérique.

En résumé, les médias en France jouent un rôle crucial pour la promotion des droits de l’homme et de la démocratie, mais des défis persistent, notamment en matière de liberté d’expression, de protection des journalistes, d’accès à l’information pluraliste et de respect de la vie privée.

Bernard Chaussegros


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