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Paris : une capitale qui capitule ou capitale décapitée ?

Tour Eiffel

Par Emmanuel Jaffelin, philosophe, auteur de l’Eloge de la Gentillesse (Editions Pocket), Apothéose du Rond-Point (Amazon) Célébrations du Bonheur (Michel Lafon éditeur)

Paris va mal : « Paris est l’une des capitales les plus denses du monde, devant New York et New Delhi. Ses habitants commencent à se sentir à l’étroit et sont, depuis 2012, de plus en plus nombreux à partir[1] ». Cependant, rappelons que toutes les villes ont une naissance, une vie et une mort. Disons, optimisme oblige, que Paris n’est ni morte ni moribonde, mais qu’elle se retrouve sur le chemin qui lui fera perdre son statut de capitale, ce qui ne l’empêchera pas de retrouver un charme qu’elle a perdu et une force politico-sociale qui, actuellement, s’avère en régulier retrait. Il semble que Paris perde régulièrement des habitants depuis 1936 et, d’après l’INSEE, qu’entre 2013 et 2017, 120.000 personnes quittèrent Paris chaque année ! Ce qui semble ne pas s’améliorer !

Rappelons que Rio de Janeiro, ne fut pas la première capitale du Brésil, mais la deuxième, après Salvador de Bahia, qui obtint le statut de « Capitale » au Nord d’un Brésil colonial en 1549, statut qu’elle garda jusqu’en 1763, année lors de laquelle Rio de Janeiro devint la nouvelle Capitale au sud du pays et le resta jusqu’en 1960. Salvador fut cette Capitale durant 214 années, Rio durant moins de deux siècles, soit 180 ans. Et, en 1960 naquit une ville nouvelle, ville bâtie pour être la nouvelle et troisième capitale d’un pays-continent : Brasilia, ville située plus au centre du pays et non en bordure de la mer comme les deux précédentes capitales. Cette Capitale fut inaugurée par le président Kubitschek le 21 avril 1960 pour commémorer, d’une part la Fondation de Rome, d’autre part l’exécution injuste du premier héros de l’indépendance brésilienne en 1792, le célèbre Tiradentes. Pour autant, et vue l’augmentation du changement, Brasilia restera-t-elle la Capitale du Brésil aussi longtemps que le furent Salvador et Rio ?

Quant à Paris ! Comparaison n’est pas raison. La France, comme hexagone, est un pays 15 fois plus petit que le Brésil, mais beaucoup plus vieux en tant que nation ! L’histoire des capitales du Brésil ressemble peu à celle de la France. Pourtant, la France n’eut pas non plus qu’une seule capitale ! Rappelons d’abord que la France s’appelait la Gaule dans l’Antiquité, pays qui correspondait à une partie de l’hexagone actuel sous la domination de l’Empire romain, aujourd’hui cet hexagone est sous la domination de l’Union Européenne : Bruxelles succède à Rome. La ville représentative de cette Gaule s’appelait Lutétia, ville gallo-romaine qui occupait une partie de l’actuelle ville de Paris dont Jules César disait, dans sa Guerre des Gaules (BG VII,57), que la place des Parisii « était située sur une île de la Seine ». Puis la ville appelée Lutetia par les romains fut appelée Lutèce par les gaulois.

Ensuite Lutétia et la Gaule changèrent de nom : la première devenant Paris, par abréviation des mots latins qui composaient le syntagme « civitas parisiorum », inspiré par le nom du peuple gaulois (parisiorum) qui occupait le site depuis le IIIe siècle. C’est ainsi que, vers 310 ap J.C, Lutèce prit le nom de Paris et la Gaule devint beaucoup plus tard la France.

Ainsi, il importe de rappeler que ce n’est pas parce que Lutèce fut l’ancêtre de Paris qu’elle fut la capitale de la Gaule. Plus précisément, il faut rappeler que Lyon, appelée à cette époque antique Lugdunum, était surnommée « la Capitale des trois Gaules ». Ce titre « Caput galliarum » qu’elle porta et assuma de 12 ap JC jusqu’à 297 (soit durant 285 ans, c’est-à-dire presque 3 siècles), année où elle ne fut pas remplacée par Paris mais par une ville dite aujourd’hui « allemande » puisqu’il s’agissait de Trèves (Trier, en allemand) ! Pour mémoire, la Gaule ne fut appelée la France qu’en 843 sous Charlemagne. Et la France doit son nom à l’invasion des francs en 481, soit 15 ans après la chute de l’Empire romain. Donc Astérix et Obélix ne sont pas français puisque pas francs : ils sont gaulois ! Et en 481, Clovis devint le roi des francs, non de la France. Il faut attendre l’époque mérovingienne (639-751) et carolingienne (751-987) pour que l’usage du mot « Francia » se généralise ; et, c’est seulement en 1204 que le roi Philippe Auguste signa un texte avec la mention « rex Franciae » (roi de France). Et, accroche-toi lect-rice/eur, la première capitale de la France ne fut ni Lyon, ni Paris, ni Versailles ! Ce rôle revenait à Tournai, première capitale française choisie par Childéric et Clovis : Tournai est aujourd’hui une des plus vieilles villes (environ 2000 ans !) de la Belgique !

Et Paris dans tout ça ? Il fallut attendre les capétiens et le XIe siècle pour que Paris devienne le centre administratif, économique et intellectuel de la France ; Paris était, en outre, la ville la plus peuplée de ce pays ! Mais son rôle capital (qui n’en faisait pas encore La Capitale) fut interrompu à plusieurs reprises par la guerre, puis par l’installation de Louis XIV à Versailles. Concernant la guerre de Cent ans, les rois, qui bougeaient déjà beaucoup, durent bouger davantage. C’est ainsi que Charles VII déplaça le gouvernement royal à Bourges. Durant ces Guerres, Troyes et Tours furent aussi les villes refuges des rois, devenant les « résidences royales » plus que les « capitales » quoique Tours devint effectivement la capitale de 1588 à 1594 puisqu’Henri III se retrouva chassé de Paris par la Ligue Catholique!

Une historienne, Isabelle Bernier, explique qu’« historiquement parlant, Paris n’a jamais été décrétée « capitale » mais elle l’est devenue lorsque la monarchie l’a choisie comme lieu de résidence et qu’elle y a progressivement rassemblé les institutions administratives et gouvernementales. Dès le XIIIe siècle, Paris devient le centre politique du royaume grâce à la permanence des rois de France jusqu’au choix de Louis XIV de transférer sa résidence à Versailles »[2]. « Centre politique » mais nullement appelée La Capitale !

Finalement, il fallut attendre 1792 pour que Paris devienne de manière plus pérenne et déclarée la capitale de la France ! Paris, une ville devenue vraiment Capitale sous la Révolution, donc Paris est une ville révolutionnaire ! Pas plus stable pour autant que les villes où s’installaient les rois, puisqu’en 1870, la France, en guerre contre la Prusse, vit Gambetta s’enfuir en Montgolfière et se réfugier d’abord à Tours, puis à Bordeaux ; et un conflit en suivant un autre, la première guerre mondiale conduisit Bordeaux à devenir une Capitale provisoire de la France en septembre 1914, et la seconde guerre mondiale refit à nouveau de Bordeaux en juin 1940, la capitale provisoire de la France !

Ces 4 villes (Bourges, Troyes, Tours et Bordeaux) ne furent toutefois pas les seules à devenir des « capitales provisoires » puisqu’après la Commune de Paris en 1870, Versailles redevint la capitale pendant 8 ans (1871-1879) et, cette fois, sans roi ! Versailles avait bien sûr déjà été une « quasi capitale », à savoir celle du royaume de France de 1682 à 1789, « quasi » car lorsqu’elle devint le centre du royaume  Paris ne perdit jamais son statut de centre administratif.

Et de nouveau lors de la seconde guerre mondiale, notons, qu’après Bordeaux, le président Pétain fit de Vichy, la ville du siège du gouvernement pendant que Brazzaville, au Congo, devint la capitale de la France libre jusqu’en 1943 ! Et, depuis la France libre et la Libération, Paris redevint La Capitale de la France avec une concentration des pouvoirs politiques et administratifs !

Notons que, si le Brésil connut 3 capitales, la France en connut 9 (« capitale »au sens large, si l’on inclut la Gaule dans la France et si l’on reconnaît un sens variable du mot « capitale ») : Tournai, Bourges, Troyes, Tours, Bordeaux, Versailles, Paris, Vichy, Brazzaville). Et pourtant, moins d’un siècle après la récupération de Paris (1945) comme Capitale de la France, force est de constater que cette ville s’effrite. La raison de cet effritement tient essentiellement à la politique municipale qui est menée à Paris par le rôle tyrannique de l’idéologie écologiste : le fait de limiter l’intrusion des véhicules, dits pollueurs, dans cette ville revient à une volonté de barrer la circulation : des rues sont ainsi transformées en voies piétonnes et le vélo y est survalorisé comme véhicule, via la surabondance de pistes cyclables. Résultat : le nombre de rues pour les voitures diminue au profit de celles des bus, des pistes cyclables et des voies piétonnes. Et les batteries des vélos électriques – appelons-les des cyclomoteurs – sont rechargées grâce à nos usines nucléaires qui ne défrisent pas ces écolos ! Une telle politique, nucléaire mis à part, vaut retour au Moyen Age – vélo en plus et cheval en moins – mais ce retour s’effectue d’une manière hypocrite. Dans cette perspective néo-médiévale, il serait plus « franc » de reconstruire les murailles et d’en équiper les entrées de Pont-levis : Paris deviendrait alors une ville à l’extérieur de laquelle il faudrait acheter un ticket – un demi-louis d’or ou un bitcoin ! – pour y entrer sans son véhicule pollueur ! Ecologie oblige !

Et si Paris s’effrite, peut-être serait-il bon, alors, de choisir une autre ville comme capitale de la France : peut-être moins Vichy, trop notée « collabo », que Lyon, ex gauloise ! Mais pourquoi ne pas s’inspirer du Brésil, pays génial, qui recentra sa capitale en créant une nouvelle ville ? Je propose aux futurs hommes politiques de soumettre au peuple français, par le biais d’un Référendum, le choix d’un lieu central en France, lieu sur lequel serait construit une nouvelle ville, comme ce fut le cas de Brasilia, mais selon des critères urbanistes et architecturaux qui prendraient en compte le phénomène du Réchauffement naturel. Cette ville ne verrait plus les touristes y défiler pour monter sur la tour Eiffel et descendre » les Champs-Elysées, mais pour y chercher une inspiration afin de construire une ville post-moderne dans des pays également atteints par le Réchauffement Climatique.

Ne dé-capitons pas Paris, mais faisons-lui perdre la tête du pays pour que cette ville retrouve son âme ! Et N’oublions pas ce qu’écrivit Napoléon 1er, depuis Sainte-Hélène en 1821 :« J’aurais voulu avoir ma capitale à Lyon, mais tout y était à créer ». Donc créons une ville post-macron, post-Hidalgo, mais pro-Napoléon puisqu’il y aurait « tout à créer » ! Hue!


[1] – Le Parisien : https://www.leparisien.fr/paris-75/123-000-parisiens-en-moins-depuis-dix-ans-la-capitale-condamnee-a-linterminable-fuite-de-ses-habitants-05-02-2023-MVC2XJ7HAFHI7HZOCAVYQVT2CQ.php

[2]– https://www.futura-sciences.com/sciences/questions-reponses/histoire-histoire-naissance-paris-capitale-royaume-



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