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Les défis de Delphine d’Amarzit, la nouvelle patronne de la Bourse de Paris

Entreprendre - Les défis de Delphine d’Amarzit, la nouvelle patronne de la Bourse de Paris

Difficile de faire mieux : Sciences Po, l’ENA, puis Inspection Générale des Finances, la nouvelle patronne d’Euronext Paris cumule les diplômes. Après une carrière au Trésor et quelques années chez Orange Bank, cette dirigeante représentative de l’élite à la française nous dévoile à 49 ans  son plan d’attaque pour Euronext.

Comment une inspectrice des finances peut-elle se retrouver à la tête de la Bourse de Paris ?

Delphine d’Amarzit : J’ai retrouvé le monde du financement des entreprises en mars 2021 en prenant la tête d’Euronext Paris. Juste avant, j’ai passé presque cinq ans dans le projet de Orange Bank dont j’étais le n°2, un pari et une aventure opérationnelle après 20 ans dans l’administration, au Trésor, où j’étais particulièrement impliquée dans le financement des entreprises et la négociation internationale.

J’ai commencé dans l’administration, ce fut passionnant d’accompagner les entreprises pour créer le meilleur environnement possible, trouver les meilleurs leviers de croissance et de financement, comme en participant à la création de Bpifrance par exemple. A cette époque-là, en 2014 en particulier, j’ai travaillé avec Euronext en tant que chef de service au Trésor, au moment du nouveau départ sur une dimension européenne, lors de la revente par le groupe américain propriétaire.

Avec Orange, mon expérience a été axée sur le digital et le B2C dans le domaine de la banque en ligne. C’est donc un retour aux sources, le terrain ne m’est pas inconnu, mais je découvre le métier d’infrastructure de marché de l’intérieur avec les équipes. Je suis également la gestionnaire du siège opérationnel de Paris pour le compte du groupe. La Bourse est au centre des financements de marché, la place s’appuie sur Euronext comme un endroit un peu plus neutre que d’autres, où l’on échange sur les questions d’attractivité, de développement, un lieu de rencontre. Euronext est un acteur qui fédère sept bourses européennes, dirigé par Stéphane Boujnah, également président du directoire du groupe.

Vous avez connu la crise des « subprimes » en 2008, en tant que conseillère finances de François Fillon, alors premier ministre. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Ce fut un moment à la fois déstabilisant, un certain monde s’écroulait, avec un changement de logiciel. Certains ont vite compris que c’était une vraie crise systémique, j’étais assez jeune et ce fut un vrai apprentissage. Ce qui m’a frappé c’est qu’en France, nous avons eu la chance d’avoir une équipe très soudée au sein de l’État sur le dossier de la crise économique, nous avons bien travaillé avec la place, en communiquant beaucoup.

L’action fut rapide et fluide, à la différence de ce qui se passait à Londres à l’époque. Très contrasté par rapport à ce qui s’est passé à Londres. Notre intervention en 2008 a permis de ramener la confiance et n’a pas été coûteuse. En 2011, la situation était plus complexe avec des tensions bancaires. Mais la confiance et la confidentialité étaient au rendez-vous entre les acteurs, ce qui était indispensable dans une crise qui impliquait les liquidités, et qui aurait pu facilement dévier en panique.

Il a fallu trouver les instruments non perturbateurs et porteurs de solutions. J’ai appris de cette expérience qu’il fallait savoir s’adapter quand les choses changent, en ressuscitant de vieux modèles pour les transformer et innover, avec des mises à disposition de financement sous des formes très intéressantes, sans aller jusqu’à provoquer des nationalisations non nécessaires. J’ai compris l’importance de la confiance, construite sur la crédibilité.

Et cette arrivée à la tête d’Euronext en mars 2021, cela a dû vous changer ?

Vécu de l’intérieur, je retiens que je suis dans une entreprise extraordinaire, avec un croisement entre un ancrage historique très profond, mais qui pense et vit européen. Ici au siège opérationnel, de nombreuses nationalités travaillent, et nous sommes tous en synergie sur les mêmes plateformes technologiques. C’est un milieu hyper motivant et passionnant.

L’autre chose qui m’a frappée, c’est un environnement d’entreprises candidates à la cotation qui s’est beaucoup renouvelé, avec des profils plus matures. En 2021, ce fut une année record avec 64 introductions avec des profils d’entreprises tech intéressants. Cela s’est poursuivi en 2022, de façon un peu moins intense avec 31 cotations, en légère progression par rapport à 2020 et 2019. Mais depuis que je suis arrivée, je suis en relation avec un vrai vivier d’entreprises mid et large cap du secteur de la tech, un sillon qui nous
permet ensuite de labourer fortement le terrain.

Ensuite, chez Euronext, il y a aussi des idées nouvelles avec des débats profonds de politique publique. Ce qui est très frappant, c’est notre capacité à nous adapter, à résister, les bourses ont tenu à travers ces événements, les ajustements de prix s’opèrent avec un retour des augmentations de capital. Enfin, toutes les catégories d’entreprises sont représentées à Paris, les leaders, mais aussi les large, mid et small caps (large cap : 1 milliard d’euros de capitalisation, ex. Deezer, EuroApi). 58% de ces entreprises ont leurs sièges basés en province. La cote est très variée.

Quel est votre défi pour 2023 ?

La bourse constitue un indicateur avancé, qui fait les corrections en amont, les marchés privés les font dans un second temps.Pour l’instant, nous nous préparons à la réouverture des fenêtres de marché, on voit un nombre significatif de sociétés être déjà prêtes pour ce moment.

Nos objectifs sont de continuer à préparer l’avenir, d’aider les entreprises en financement secondaire, notamment à travers notre initiative Euronext Tech Leaders lancée en juin 2022. Dans cet objectif, nous avons salué la mise en place du « Listing Act » européen, qui a pour but de stimuler l’attractivité en accentuant sur la simplification des règles d’introduction en bourse.

La place de Paris doit s’inscrire dans ce mouvement dynamique. Nous allons également accélérer dans le domaine de l’ESG, où nous sommes leaders. Euronext prévoit dès à présent le lancement d’une série d’indices ESG et E3, plus spécialisés sur les questions climatiques. Autre grand objectif, au niveau du groupe, nous intégrons Borsa Italiana depuis sa première étape d’adhésion en avril 2021, elle va basculer sur notre plateforme de négociation en mars après le transfert du centre de données Londres à Bergame en 2022. Un timing très rapide pour des projets informatiques très ambitieux…

Comment voyez-vous Euronext d’ici 5 ans ?

Un Euronext qui va développer le bon mix autour de ses différents métiers, les données de marché, les produits dérivés, les activités non réglementées, etc., et poursuivre sa diversification. Nous avons pour mission de façonner les marchés de capitaux pour les futures générations. À Bergame par exemple, le data center Euronext flambant neuf est alimenté par une centrale hydroélectrique et des panneaux solaires en passant. Cette politique va nous faire évoluer vers de l’épargne orientée vers des produits ESG. Nous sommes aux premières loges sur ce sujet avec une montée en puissance des clean tech (Lhyfe, Glass to Power…). Il ne faut pas oublier que nous opérons le marché, nous ne l’influençons pas…

Propos recueillis par Anne Florin


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