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Le libéralisme est-il devenu un gros mot ?

Entreprendre - Le libéralisme est-il devenu un gros mot ?

Par Jean-Philippe Delsol, avocat, président de l’Institut de recherches Economiques et Fiscales, IREF

Tribune. L’élection présidentielle 2022 a éclipsé le libéralisme. Au nom d’un souverainisme radical et désuet ou dans l’expression d’un marxisme rebouilli, les extrêmes sont montés en puissance et se rejoignent dans leur volonté de gérer la vie des individus sous la coupe d’un Etat qui leur dicterait leur bien. Certes, M. Zemmour a manifesté, par souci électoral, de l’attention aux entreprises et aux libertés individuelles, mais sans renier son colbertisme et son jacobinisme ardents dont il a fait preuve dans tous ses ouvrages jusqu’à excuser Robespierre de la Terreur pour n’y avoir sacrifié qu’afin de consolider la République.

Les anciens grands partis traditionnels se sont effondrés d’eux-mêmes dans l’abandon de leurs racines, libérales conservatrices ou libérales-sociales selon les cas. Au centre, occupé par le président sortant, la campagne s’est faite sans trompète après que des tombereaux de mesures d’aides sociales aient été déversées depuis six mois par l’Etat au profit d’électeurs potentiels et aux frais des contribuables. Tout son mandat avait d’ailleurs été marqué par des mesures tendant à délester les individus de leurs responsabilités (transfert des cotisations chômage à l’Etat, suppression de la taxe d’habitation…) en en mettant la charge sur les générations à venir par un endettement public qui a augmenté de 35% en cinq ans.

 La campagne du second tour a été pire, comme une course à l’Etat providence et à la démagogie. Comment ne pas réformer les retraites qui coûtent déjà plus de 100Md€ par an au budget public ? Comment peut-on promettre candidement l’indexation des pensions à ceux qui en ont vu le montant en baisser de plus de 5% par an en cinq ans ?

Les mots même de liberté et responsabilité ne sont plus là que pour la parade dans les discours politiques. Parce que plus personne ne sait ce qu’ils veulent dire. Le libéralisme est devenu un gros mot. Il sert d’invective. Parce qu’on en a oublié les fondements.

Certes, le libéralisme reconnait dans la nature humaine les penchants qui dirigent les comportements des hommes. Adam Smith a bien raison : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à la recherche de leur propre intérêt. Nous ne nous en remettons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme. »

Pourtant le libéralisme ne cherche pas à satisfaire l’égoïsme, il observe que celui-ci peut contribuer au bien commun mieux que la contrainte, pour autant qu’il s’exerce dans un état de droit et dans un milieu concurrentiel. Il insiste sur le fait que les individus ne sont pas faits pour être au service de l’Etat, mais que l’Etat a pour mission première de permettre aux individus de s’accomplir dans la libre expression de leur nature personnelle et sociale, dans la recherche de leurs fins.

Ce qui suppose que soient assurés la sécurité de tous et un certain ordre social. Car l’homme est aussi un animal social, il s’épanouit dans le commerce matériel, intellectuel et moral avec ses semblables au sein de communautés où il aime à vivre. Il est soucieux d’une certaine transcendance, comme un appel à découvrir la vérité. Mais qui connait la Vérité ? Tous ceux, et notamment les Etats, qui s’en prévalent pour asservir sont des imposteurs et peuvent devenir des tyrans. Les libéraux, à l’inverse, savent que l’individu a besoin de rechercher la vérité, mais que plutôt que lui être imposée, elle doit être découverte au fond de son libre arbitre. Ils sont attachés au respect de l’individu et donnent mission à l’Etat de favoriser la maîtrise par chacun de sa propre vie, et d’y retrouver toute sa dignité.

Parce que l’homme, comme je le montre dans mon dernier ouvrage, Civilisation et libre arbitre (Desclée de Brouwer, avril 2022), se distingue précisément de l’animal par son libre arbitre. Il faut sans doute revenir aux fondements pour retrouver du sens à la politique.

Jean-Philippe Delsol, avocat, président de l’Institut de recherches Economiques et Fiscales, IREF


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