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La faillite des élites : plus qu’un constat, une réalité

La guerre en Ukraine et les craintes d’embrasement qu’elle suscite ont changé la donne, d’autant plus depuis que l’inflation est soudain réapparue dans un contexte financier stabilisé depuis plusieurs décennies.

Entreprendre - La faillite des élites : plus qu’un constat, une réalité

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La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS

Après avoir subi les effets de la crise sanitaire, au tout début de l’année 2022, les analystes, les journalistes et les politiques envisageaient les moyens de relancer l’activité économique, et basaient tous leurs espoirs sur la volonté entrepreneuriale des forces vives de la nation. La guerre en Ukraine et les craintes d’embrasement qu’elle suscite ont changé la donne, d’autant plus depuis que l’inflation est soudain réapparue dans un contexte financier stabilisé depuis plusieurs décennies.

Nombreux sont ceux qui pensent, dans notre pays, que l’État est en mesure de faire le nécessaire, d’apporter des solutions, d’imaginer des aides financières, de définir des stratégies de développement et de mettre en œuvre toute une série d’avantages fiscaux. Mais les Français le savent, plus ou moins consciemment, l’État ne fera rien de plus que ce qu’il a fait depuis de nombreuses années, c’est-à-dire peu de choses. Même si les décisions politiques ont parfois un peu d’influence sur les contraintes économiques, fiscales et juridiques et sur le fonctionnement administratif du pays, elles n’ont globalement que peu d’impact sur l’activité globale.

S’il pouvait y avoir, dans les mois qui viennent, une relance de l’activité, elle ne pourrait émaner que de l’initiative individuelle. La France est un pays riche, en tous cas du fait du nombre de milliardaires qui y vivent, puisqu’elle se situe au 5ème rang mondial de ce classement collectif et que le 3ème de la liste individuelle est un chef d’industrie français. On s’interroge alors sur les raisons qui font que notre pays semble malgré tout stagner et s’attend à de grandes difficultés. A quoi et à qui sert tout cet argent. Pour ne parler que de la fiscalité, les Français se demandent : que font-ils avec notre argent ?

Il faut croire que l’héritage des bienfaits de « l’État Providence » a laissé des traces dans les esprits. Il suffit d’écouter les conversations « de café du commerce » ou de lire les « posts » des réseaux sociaux, pour comprendre que les Français sont nombreux à attendre beaucoup (pour ne pas dire « tout ») de l’État ! Ils exigent qu’on leur fournisse des formations, des emplois, des rémunérations, des aides, des avantages sociaux ou des logements, sans faire quelque effort que ce soit pour les obtenir par eux-mêmes. C’est ce qui explique que près d’un million d’offres d’emploi restent en attente de candidat, alors que l’on voit qu’à tous les niveaux, les postes sont désormais occupés par des travailleurs venus d’ailleurs, médecins, chercheurs, enseignants, professionnels de santé, ingénieurs de toute spécialité, mais aussi ouvriers, artisans, et même agriculteurs.

La France ne peut envisager de se relancer économiquement qu’en s’appuyant sur ceux qui ont l’âme entrepreneuriale et qui font de l’initiative individuelle le sel de leur vie. Elle ne pourra pas compter sur la population qui attend l’assistanat de l’État en jouant sur son smartphone, comme elle ne pourra rien attendre non plus des plus riches qui ont abandonné toute référence à la valeur travail pour ne s’intéresser qu’à des placements financiers synonyme de profits déconnectés de la réalité. Elle ne pourra pas, enfin, se reposer sur l’action de l’État, dont on sait, de quinquennat en quinquennat, que les textes de loi et la fiscalité ont essentiellement favorisé les puissances d’argent.

Les élites ont failli ! Encore faudrait-il s’interroger sur ce que recouvre ce terme ! Les élites ! Il y aurait beaucoup à en dire. En tous cas, on a depuis longtemps déjà ressenti à quel point les élites politiques et l’État jacobin avaient failli !

 On peut effectivement mesurer, sur ce point, les conséquences des élections récentes sur la relance économique ! C’est l’objet central de cette chronique. La France a-t-elle deux visages, ou fonctionne-t-elle à deux vitesses ? Cette expression que l’on retrouve sous d’autres formes, comme « la justice à deux vitesses » est très éloignée de la réalité. Car il ne s’agit pas de vitesses, mais d’appauvrissements, et ceux-ci sont multiples, appauvrissements des citoyens, certes, mais également appauvrissement des débats, de la culture, des formations, des compétences, du sentiment d’appartenance à la nation et tout ce qui en découle comme le nivellement par le bas des consciences et des libertés.

Beaucoup pensent qu’il y a dans notre pays ceux qui travaillent et, de ce fait, contribuent à l’équilibre global, et ceux qui pensent que l’État leur doit quelque chose. En fait, la réalité est toute autre et plus complexe qu’il n’y parait. On pourrait imaginer, par cette phrase, que sont visées les catégories précaires de la population ou les chômeurs, mais on devrait, par souci de cohérence, y rajouter tous ceux qui vivent de l’argent public sans apporter de valeur ajoutée à la richesse nationale, puisqu’au contraire, ils l’appauvrissent.

C’est pourquoi, si l’on évoque la faillite des élites, faut-il commencer par une analyse du mode de fonctionnement de notre démocratie et évoquer, à travers les résultats des dernières élections et la montée de l’abstentionnisme, la faillite de tout un système qui se voulait pourtant moteur de la démocratie et n’en est que la caricature affaiblie.

Une situation de crise institutionnelle

Le président de la République Française, récemment réélu, pensait sans doute avoir pris conscience des risques et des enjeux qui s’imposait à lui. Il va devoir réviser les points qu’il prétendait avoir développé dans son absence de programme en tant que candidat. On n’imagine pas clairement comment l’exécutif pourra tenir les engagements pris dans le cadre du projet « France 2030 ». Une grande ambition qui était conditionnée par une inconnue : quel parlement pour voter les mesures à prendre ?

Une nouvelle fois, dans un contexte de crise annoncée, entre les non-solutions et les menaces directes émanant des extrêmes, il y a peu de chances que les solutions soient politiques. Les institutions, en l’occurrence l’exécutif et le législatif, vont jouer à « qui perd gagne » et la France laborieuse et inventive se retrouvera seule pour subir et faire face aux grands enjeux du monde actuel, la crise sanitaire qui reprend force, la guerre qui ne semble pas prête de s’éteindre, l’inflation qui va pousser les banques centrales à faire tourner la « planche à billets.

Les Français aimeraient bien retrouver confiance mais devront se débrouiller seuls pour faire vivre ou revivre les valeurs ancestrales de la démocratie, redévelopper ce qui en fait la richesse, et tenter de retrouver, pour leur France la prééminence qui était la sienne dans les décennies passées et qu’elle a perdue dans l’illusion de la course au profit de la mondialisation.

Notre démocratie est devenue misérable et les projets de sociétés ne sont plus que des « faux semblant ». Le président réélu (par près de 59 % des suffrages exprimés, contre 41% à son adversaire) n’a, de toute évidence, tiré aucune leçon des résultats réels de sa réélection, puisqu’il pense toujours que les électeurs ont approuvé son projet de société.

IntitulésPourcentages
Emmanuel Macron :38,52 %
Abstention28,01 %
Marine Le Pen27,28 %
Votes blancs4,57 %
Votes nuls1,62 %
Total100,00 %

Ce qui se traduit par un taux de 33,47 % caractérisant les électeurs qui n’ont pas voté pour l’un ou l’autre des candidats. Un tiers des Français ne se sentent plus concernés par la vie publique, et c’est pour le moins inquiétant. Après le constat qui avait été fait au 1er tour d’un pays partagé en quatre parties (le centre, deux partis extrêmes et un parti de l’abstention), le 2nd tour montre que le président a été élu par défaut, notamment avec des voix de gauche qui ne souhaitaient, ni s’abstenir, ni voter pour l’extrême droite. Il est donc assez osé de venir affirmer que les électeurs lui ont manifesté leur confiance en l’élisant. La preuve en est que les législatives qui s’en sont suivies n’ont fait que confirmer la déroute de l’ex-majorité présidentielle.

Et ceux qui pensaient que le président allait comprendre le message en sont pour leur frais. Sa déclaration du mercredi 22 juin est un summum de langue de bois. Il prend acte de la volonté des Français qui ont souhaité « bâtir des compromis nouveaux dans le dialogue, l’écoute, le respect » et il appelle au rassemblement en affirmant « qu’il est donc possible, dans le moment crucial que nous vivons, de trouver une majorité plus large et plus claire pour agir », tout en renvoyant les oppositions à leurs responsabilités : « Pour avancer utilement, il revient maintenant aux groupes politiques de dire jusqu’où ils sont prêts à aller ».

Cette forme de discours a peu de chance d’être entendue par les citoyens qui exigent de réelles réformes (et pas celle des retraites) et qui sont las de voir prendre des décisions qu’ils jugent inégalitaires et prioritairement favorables aux milieux financiers. Les citoyens risquent donc de se décider jouer leur rôle, sans les politiques, en étant acteurs et en participant, avec leur inventivité et leur esprit d’entreprise, à la refondation sociale et économique du pays.

Les élections législatives de juin 2022 sont d’abord marquées par la disparition des deux partis (droite et gauche) qui ont gouvernés la France depuis le début de la 5ème République, au profit de vagues cousins extrémistes. Mais ce qui ressort de plus inquiétant est que le nombre des abstentionnistes (plus de 26 millions) dépasse le nombre de votants (plus de 23 millions, et ce, en comptant les votes blancs et nuls), ce qui donne un taux abstention de près de 54 %.

Rappelons, pour se rendre compte de l’évolution de la conscience politique de nos concitoyens, ou pour jauger de la confiance que les électeurs accordent désormais aux politiques, que lors du referendum ratifiant la Constitution du 4 octobre 1958, le taux d’abstention s’était élevé à un peu plus de 19 %. C’était la norme dans ces années où de grands enjeux se manifestaient.

C’est d’ailleurs avec la première élection d’un président socialiste en 1981 que le taux d’abstention a été le plus bas, avec un peu plus de 14 %.

Une certaine vision de la démocratie

L’article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 dispose que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », principe repris dans le préambule du 27 octobre 1946 à notre Constitution du 4 octobre 1958.

Cet attachement à des principes fondamentaux ressortent des œuvres d’Alexis de Tocqueville (1805-1859), traitant de la démocratie. Ce grand penseur de la philosophie politique note que c’est l’égalité, et non la liberté, qui est la valeur centrale du système. Pour le philosophe, l’égalisation des conditions de vie pouvaient avoir des conséquences opposées, le conformisme et l’individualisme.

Le conformisme, dans la mesure où les individus qui ont perdu leur liberté de jugement, fondent leurs opinions sur celles de la majorité, débouche aisément sur la tyrannie avec un amoindrissement de la liberté individuelle de choix, la liberté de penser et d’agir ou le libre-arbitre. La « passion pour l’égalité » l’emporte sur le besoin de liberté.

L’individualisme, avec l’accroissement de l’indépendance, conduit à un repli sur la sphère privée. Les citoyens abandonnent aux politiques la gestion des affaires du pays, fondement classique du Contrat Social, et se désintéressent de la politique, tandis que les élus gèrent les affaires du pays en abusant souvent de leur pouvoir. C’est cette démocratie liberticide qui développe l’idée de centralisation.

Cette vision, pourtant vieille de deux siècles, traduit bien la situation actuelle de nos institutions. La centralisation est le visage du jacobinisme à la Française, cette démocratie liberticide, si critiquée et critiquable, qui dépeint assez clairement la situation actuelle et traduit bien la mentalité de citoyens finalement intéressés que par leur propre intérêt.

La Révolution Française n’a pas fait table rase du passé, elle a reconduit ou adapté de nombreuses lois et habitudes de l’Ancien Régime, et en reprenant l’appareil d’État construit au fil des siècles par l’ancienne monarchie. Effectivement, la Révolution de 1789 n’était pas une révolution du peuple, mais la prise du pouvoir par la Bourgeoisie commerçante. La Révolution de 1789 a, de ce fait, détruit ce qui faisait le lien social de l’ancien régime, les corps intermédiaires traditionnels. Elle a ainsi éliminé chez les citoyens la passion commune et le besoin mutuel d’appartenir à la nation. Elle a isolé les individus en groupes indépendants dont le plus petit est la famille et elle a encouragé la seule défense des intérêts particuliers.

Cette mentalité particulière individualiste pousse le citoyen dans une quête de richesse qui devient l’unique valeur, elle favorise leur désintérêt pour les affaires publiques. La bourgeoisie d’État a donné naissance à une nouvelle aristocratie, un nouveau centre de pouvoir, dès lors que l’État a vendu les fonctions publiques, par besoin de moyens financiers.

La relance économique est-elle encore possible ?

Le contexte n’est pas favorable pour que se réalise ce que tout le monde espère. Comme vient encore de le déclarer le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, l’État n’a pas les moyens de le faire. Sa récente déclaration est très claire à ce sujet : « Tout n’est pas possible, tout simplement parce que nous avons atteint la cote d’alerte sur les finances publiques ». Le ministre confirme ce que nous savons, à savoir que les conditions de financement ont changé et qu’aujourd’hui la France emprunte « à plus de 2 % » pour financer les dépenses publiques, quand elle le faisait encore récemment à taux négatif ou très faibles.

En rappelant que Bruno Le Maire n’est pas le premier membre d’un gouvernement à alerter sur le fait que la France était en situation de faillite (Fillon en 2008, Sapin en 2013), et au risque de caricaturer la situation, je dirais que l’État n’a pas non plus la compétence, et pas forcément la volonté, pour le faire. Quoi qu’on pense des orientations politiques des gouvernements passés, on peut faire le constat que les politiques menées par les exécutifs successifs n’ont agi qu’à la marge, sur quelques évolutions sociales ou sur des organisations nouvelles des institutions. Et l’opinion publique reste persuadée que le pouvoir politique n’a pas d’impact sur le développement économique.

Nous avons souvent eu l’occasion de voir les politiques s’émouvoir de différents rachats de sociétés par des groupes étrangers, de fermetures d’usines et d’annonces de licenciements abusifs, par exemple dans le domaine de la sidérurgie ou des pneumatiques, et annoncer avec force qu’ils ne laisseraient pas « casser » l’outil de production, se perdre le savoir-faire à la Française, pour finalement constater quelques mois plus tard que tout cela n’était que des mots et des engagements sans lendemain. Il serait pourtant nécessaire de mettre en place une politique industrielle sur le long terme au lieu de se contenter de « petites » visions à court terme (le temps d’un quinquennat) dans l’espoir d’une réélection, puisque c’est le problème perpétuel des politiques !

Il en ressort donc que l’État ne dispose pratiquement d’aucun levier d’importance pour gérer le développement économique ou pour orienter réellement la relance économique que l’on attend. Certes, le plan « France 2030 » semblerait démontrer le contraire, mais on peut se demander, compte tenu de la déclaration de Bruno Le Maire où l’État trouvera l’argent public pour investir dans ces nombreuses initiatives locales. On peut donc penser qu’il ne s’agit là que d’un plan qu’il sera difficile de mettre à exécution, et encore plus d’en contrôler la dépense.

Par ailleurs, ce qui était déjà assez incertain alors que les élections législatives dessinaient une majorité absolue à l’Assemblée Nationale risque de l’être encore plus avec la composition récente du corps législatif. Et même si le Président se satisfait à l’idée de « bâtir des compromis nouveaux dans le dialogue, l’écoute, le respect », il y a fort à parier que les majorités de circonstances risquent d’être limitées à quelques accord de partis sur des projets sans grands enjeux.

La dette publique

Avant la crise sanitaire fin 2019, la dette publique française s’élevait à 97,6 % du PIB. Entre les mesures d’urgence instaurées au cœur des restrictions pour soutenir l’économie, aider les particuliers à traverser le choc et financer le plan de relance visant à préparer le rebond des entreprises, près de 200 milliards d’euros ont été injectés ces deux dernières années. L’inflation, la guerre en Ukraine et les tensions politiques compliquent le reflux de l’endettement à partir de 2026.

La dette publique française reprend sa folle croissance. À fin mars, elle atteignait 2 902 milliards d’euros, un montant en hausse de près de 90 milliards par rapport au trimestre précédent, selon les dernières données de l’Insee. La dette représente ainsi 114,5 % du PIB, versus 112,5 % fin 2021 et un pic à 117,4 % il y a tout juste un an. Avec l’augmentation des taux d’intérêt et donc le renchérissement des charges de remboursement des emprunts, la France ne disposera pas de moyens illimités pour soutenir réellement son économie, à moins d’envisager de « battre » un peu plus monnaie, voire de quitter l’euro, ce qui ni souhaitable, ni envisageable.

Le contexte de la guerre en Ukraine, et les fortes tensions sur les marchés des matières premières créent un environnement difficile. L’inflation en France est de retour, conséquence directe de la guerre et de la spéculation, elle atteint déjà près de 6% en moyenne à fin juin 2022. Elle continuera à nous fragiliser également en 2023, entraîné principalement par les hausses hors normes des prix du gaz et du pétrole, et donc des carburants. Et il faut savoir que ce taux de 6 %, limité par le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement, n’est en fait qu’une moyenne. De nombreux biens, notamment alimentaires, huiles ou produits transformés du blé, comme les pâtes, ont fait des bonds bien supérieurs, parfois de l’ordre de 20 % ces dernières semaines.

Les économistes estiment toutefois que l’inflation totale et sa composante hors énergie et alimentation reviendra autour des 2 % à partir de 2024. Mais qui peut en être certain tant que durera la guerre aux portes de l’Europe ?

Après une année 2021 marquée par un net rebond de l’activité, les conséquences économiques de la guerre en Ukraine affaiblissent la reprise post-Covid, laquelle d’ailleurs redevient incertaine également, frappée par une remontée des taux de transmission du variant Omicron et autres.

La faillite des élites

Les élites, ou du moins ceux qui prétendent en faire partie, ont failli. Quels exemples donnent-elles ?

Les élites économiques et surtout financières dont l’objectif n’est plus de fabriquer des biens ou des services à un coût supportable pour le consommateur, ne sont motivés que par les placements financiers pouvant leur procurer des profits incommensurables. Ces responsables et ces gestionnaires d’entreprises qui, très souvent, fonctionnent grâce à de l’argent public, sans investir leurs propres capitaux, en tirent des revenus qui ne sont pas fondés sur une valeur ajoutée. Aucune direction, aucune présidence et aucune intervention à la tête d’une entreprise, en partie financée, voire très souvent subventionnée par les pouvoirs publics, ne peut justifier des revenus qui dépassent 20 fois le salaire moyen des employés.

Et que dire de la politique salariale des grands groupes détenus par des fonds financiers qui placent à la tête des « managers » avec des revenus hors norme pour les « cost killers » ! À coup sûr, on se trompe d’objectif, le fond ayant pour vocation de « remonter » un maximum de dividendes pour servir grassement « ses préteurs », les actionnaires, et financer ses « très gras » coûts de structure. Tout cela démontre, de la part de ces « profiteurs », une vision à très court terme et non pérenne.

Les élites intellectuelles, en tous cas, ce qui en reste, se taisent ou parlent sans savoir. Ceux qui savent et réfléchissent, en général des universitaires de haut niveau, chercheurs ou philosophes échangent surtout en comité restreint. Ils savent que s’exprimer trop clairement et trop fort dans la presse, mais surtout sur les réseaux sociaux, est toujours le meilleur moyen d’être critiqués, salis, traînés dans la boue et qualifier de traitres. Même si comme le disait Courteline, « passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile est une volupté de fin gourmet ».

Restent les journalistes, enfin surtout les pseudo-journalistes, et tous ceux qui déversent cette infâme bouillie qui envahit tout sur internet via les « réseaux sociaux », les sujets traités comme des faits divers, les scandales à la petite semaine, les ragots graveleux, les appels au meurtre et les anathèmes, les multiples théories du complot, sans oublier les affirmations mensongères, les vidéos détournées jusqu’à la nausée, la volonté de diffuser des scoops qui n’en sont pas mais sont vecteurs d’angoisses, ces multiples façons de flatter les bas instincts de l’homme et ses perversions, d’entretenir les peurs et de développer les fantasmes secrets des lâches qui se cachent derrière leurs alias, leurs métavers. L’appétence du public pour cette presse de caniveau s’explique sans doute par un manque d’intérêt des citoyens pour les sujets majeurs, mais surtout elle dépeint le caractère factice de la notoriété « moderne ». Il est effectivement plus facile de se faire « connaitre » (ou reconnaitre), non plus par ce qui fait la véritable identité de l’homme, le travail, mais simplement par le « post » d’un scoop lapidaire (qu’il soit vrai ou faux) sur les réseaux sociaux.

Les élites politiques, qui ont fait de l’engagement pour le bien commun une machine à vendre des illusions, pour peu qu’elles les maintiennent en haut de la pyramide du pouvoir, et ce, quel que soient les échecs cuisants qu’ils connaissent. Les politiques engagés pour la gestion humaniste de la chose publique, les héritiers de Locke, de Voltaire et de Tocqueville, ont été remplacés par des « carriéristes » de la chose politique.

Les auditeurs attentifs ont bien compris au cours des débats télévisés diffusés après la publication des résultats des dernières législatives, que le véritable enjeu des élections, notamment au sein de l’appareil des partis, c’était le montant global d’argent public qui allait leur être reversé (1,64 € par électeur).

Et ce système, qui peut paraître comme la mise en place d’une juste rétribution de la vie politique, est aussi le plus juste moyen de dépenser de l’argent public pour financer un non-travail, pour multiplier les postes de président de ceci, de secrétaire général de cela, de conseiller en mille choses sans utilité, afin d’y placer les amis, les copains et les relations, ceux à qui l’on veut faire une « fleur », que l’on veut remercier, ou que l’on veut recaser ceux qui ont été éconduit par les électeurs.

On entend souvent les populistes se plaindre de ce que coûte les fonctionnaires, mais on se garde bien de préciser de quelle fonction publique on parle. On évite de parler de ce que coûtent les élus (en plus de leurs émoluments), du nombre de leurs attachés parlementaires, de leurs dépenses de voyage et de leurs frais de représentation. On évite de parler de la fonction publique territoriale et des effectifs dithyrambiques de postes d’agents communaux ou départementaux, très souvent dévolus à différents membres des partis politiques. Et ne parlons même pas des « audits » et diverses commandes d’études sans aucun rapport avec la gestion du bien collectif !

Les élites ont failli ! Leur rôle, c’est de gérer au mieux les services de l’État, c’est de porter les idées et d’aider à les transformer en actes, c’est de travailler à cette notion qu’il faut sans cesse rappeler, améliorer le bien commun, pour l’amélioration du bien-être collectif.

Outre que les élites ne pensent qu’à leur intérêt personnel, elles vivent « bien » de l’argent public, dont une grande part provient des impôts, dont la charge, on le sait, écrase une seule et même typologie de contribuables, les salariés des classes moyennes (réputées riches) et qui échappent d’autant moins à l’impôt que celui-ci est maintenant prélevé à la source.

Histoire de faire rêver une population qui croit encore à l’ascenseur social et qui voit leur devenir et leur future aisance comme on joue au Loto les soirs de cagnotte, on dit souvent dans la presse que le nombre de millionnaires, voire de milliardaires est en constante évolution en France, et bien-sûr dans l’ensemble des démocraties capitalistes. Mais ce n’est qu’un leurre. La réalité, c’est que les riches sont de plus en plus riches tandis que les pauvres s’enfoncent peu à peu dans la précarité.

Entre 2018 et 2019, la France a enregistré une progression de 11 % du nombre de ses millionnaires, et l’Europe une progression moyenne de 8,7 %. Le chiffre atteint près de 11 % en Amérique du Nord, un peu moins que dans la zone Asie-Pacifique, où la progression n’a été que de 7,6 %.

En 2019, le monde comptait près de 20 millions de millionnaires et la France qui fait partie des pays qui enregistrent la plus forte progression, a vu leur nombre passer de 635.000 à 702.000, ce qui la place à la 5ème place, derrière les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne et la Chine.

Avec la crise sanitaire liée au COVID, la tendance n’a fait que s’accentuer. S’agissant des plus riches, le nombre de milliardaires dans le monde est passé de 2.153 en 2019 à 2.755 en 2021, statistiques qui laissent perplexes. Même si on sait que, désormais, plusieurs milliardaires contribuent à la redistribution de leurs revenus par la création de fondations œuvrant à des missions d’intérêt général sans but lucratif, un engagement fort au service du bien commun.

Mais, en dépit de telles initiatives, saluées comme il se doit, il semble malgré tout, qu’un abîme sépare les particuliers de plus en plus nombreux qui disposent des richesses de ceux qui vivent dans la pauvreté, dans la précarité voire dans la misère dans lesquelles vit une grande part de la population dans le monde, mais aussi tout simplement en France. 1 % des Français, les plus riches, détiennent un quart de la richesse de la France.

En termes de patrimoine, les inégalités sont aussi très fortes en France. Selon l’INSEE, en 2018, les 10% des Français les plus riches possédaient un tiers du patrimoine brut de l’ensemble des ménages.

La solution est toute contenue dans l’affirmation : les élites ont failli.

Il ne reste plus, comme depuis la nuit des temps, à compter que sur soi-même. Le travail personnel est la base de l’identité individuelle. L’État doit, par application des termes du Contrat Social, d’offrir aux citoyens les conditions de leur sécurité et les protéger. C’est le rôle des missions régaliennes que l’exécutif, le Parlement et les différents ministères doivent mettre en œuvre. Ce sont des missions, ce ne sont pas des métiers et il n’y a aucune raison que cela devienne des rentes de situation. Les élus sont au service du peuple et non l’inverse.

L’État doit donc réduire ses dépenses et considérablement réduire son personnel « politique » dont la valeur ajoutée n’est pas prouvée.

Le reste, la mission de recréer la richesse nationale, se trouve entre les mains des entrepreneurs qui ont le travail comme unique raison d’être.

Relancer l’activité de notre pays, c’est possible, mais avec quels investissements. Pour revenir au plan « France 2030 » et aux déclarations de Bruno Le Maire, notre Ministre de l’Economie et des Finances, (incontestablement le meilleur de cette 5e république), en sachant que la dette publique se trouve aujourd’hui à un niveau jamais atteint jusqu’alors, et que la charge des intérêts de la dette ne fait qu’augmenter avec des taux qui ont cessé d’être négatifs, où va-t-on trouver les financements nécessaires. Autrement dit, qui va racheter notre dette ?

Comme on s’en doute, ce sont les pays aux moyens excédentaires, la Chine, ou les pays du Moyen-Orient, déjà très implantés sur notre sol, qui continueront d’acquérir des pans entiers de notre patrimoine, qu’il soit agricole, industriel ou culturel. On ne peut pas assister « les bras ballants » au dépeçage de nos richesses, à la disparition de notre culture et à l’écrasement de nos valeurs ancestrales par des idéologies sectaires et anti démocratiques ! Car c’est cela qui nous guette !

Une solution globale de reprise en mains de nos finances publiques et de notre destin est possible, en associant deux sources de liquidités.

La première qui doit s’imposer, c’est une contribution des milliardaires de notre pays (et on a vu qu’ils étaient de plus en plus nombreux) aux financements nécessaires et au rachat de la dette. Il est sans aucun doute préférable que des capitalistes et capitaines d’industries français dont on ne peut que se flatter de leur réussite (les familles Arnault, Pinault, Hermès, Bettencourt, Bolloré, Montagne, Dassault, Courbit, Niel etc.) soient nos créanciers plutôt que des pays dont la seule ambition est de nous imposer leur culture et surtout de nous soumettre. Sommes-nous revenus mille ans en arrière ? serions-nous des serfs à la merci d’émirs ou de mandarins en quête de revanche sur l’histoire.

La seconde, dans une période où l’on sait que les Français ont beaucoup épargné, serait de lancer un emprunt d’État, mais, par précaution en faisant qu’il soit réservé aux seuls citoyens et résidents français.

Ce qui doit, en plus s’accompagner, enfin, d’une baisse des dépenses publiques, et tout particulièrement celles des prébendes politiques !

Bernard Chaussegros


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