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La dé-dollarisation du monde, un mouvement qui s’amplifie

dollar

Tribune. Comme souvent et bientôt depuis plus de 3/4 de siècle, des papiers sont publiés, annonçant l’imminente dé-dollarisation de la planète. Le dernier papier affirme que cette dé-dollarisation s’accélèrerait. Mouvement que je suis depuis longtemps, étant entré, en tant qu’étudiant en 1954 – et oui, le temps passe – dans une contestation contre 1) le dollar, 2) les institutions « internationales » mais très américaines que sont le FMI et la Banque mondiale. Éléments issus des accords de Bretton Woods signés en juillet 1944.

En 1954, des articles de Paul Fabra, journaliste spécialisé, dénonçaient la suprématie de l’empire monétaire américain. Il dénonçait aussi, et avec juste raison, la dérive des déficits publics et la faiblesse des fonds propres dans le capital des grosses sociétés. Il avançait, comme d’autres experts, la nécessité de fixer la valeur des monnaies par rapport à celles des biens qu’elles devaient acheter. Il avait raison : que des instances nationales ou internationales puissent improviser à leur gré sans contrôle et sans limites la masse de la monnaie, nous fait obligatoirement verser soit vers une pénurie de moyens de paiement, soit vers une explosion de la masse monétaire. Ce qu’il n’avait pas envisagé : la réalité d’aujourd’hui, une masse monétaire monstrueuse, kidnappée par quelques-uns, souvent des fonds de pension, financés par des cotisations versées par des gens qui veulent uniquement se constituer une retraite complémentaire. Ces derniers ne savent pas ou peu qu’ils participent à la constitution d’une sphère spéculative qui les privera sans doute de l’objet qu’ils recherchent.

Pour Paul Fabra, premier responsable : le dollar (issu du thaler prussien). Pierre Mendès France reprendra le thème et s’opposera à ce qu’une monnaie nationale, gérée par des autorités nationales à des fins nationales, serve d’étalon monétaire international. Lui aussi avait raison : la monnaie étant le signe fondamental de la souveraineté d’un pays, la domination d’une monnaie étrangère sur notre monnaie nationale nous prive de cette souveraineté.

Par deux fois notre franc a été exécuté : créé le 5 décembre 1360 à Compiègne pour libérer le roi, le souverain, pour le rendre franc (libre), il a été condamné en juillet 1944 à Bretton Woods, par la prise de pouvoir du dollar, sauf que notre franc avait pu conserver le costume de la souveraineté. Puis, il fut exécuté le 10 décembre 1991 à Maastricht. Depuis, la nation France est nue, protégée de rien, ni par personne, le « pouvoir » politique s’est laissé déposséder du pouvoir monétaire, budgétaire, c’est-à-dire du pouvoir.

Juillet 1944, des États se réunissent à Bretton Woods et acceptent :
1) que le dollar devienne la monnaie internationale (elle reste la seule à être convertible en Or),
2) que le FMI et la Banque mondiale définissent la politique financière mondiale, qui sera américaine.

Pourtant, nous avions reçu un avertissement. En juin de la même année, le Général de Gaulle avait sauvé la France de l’AMGOT qui voulait nous imposer le dollar comme monnaie. Le Général a ainsi réussi à rétablir la souveraineté monétaire, ou tout du moins, son apparence. Il fera, plus tard, revenir notre Trésor constitué de l’Or que nous avions déposé pour le sauver des nazis aux USA. Mais Bretton Woods, qui a permis le Plan Marshall, était le ver qui avait pénétré le fruit, le dollar deviendra et restera le maître en dominant jusqu’à ce jour le monde libre.

Bien évidemment, cette situation suscite des pleurs et des grincements de dents de la part des ex-PVD qui représentent désormais près de la moitié de la puissance économique mondiale et la grande majorité en ce qui concerne la population mondiale.

1954 : PMF arrive au pouvoir, comme nombre de jeunes de mon époque, je pense que c’est la fin de la domination du billet vert. Nous nous trompons, P. Mendès France, pas plus que le Général, ne possède les moyens de changer la donne.

1958 : retour du Général de Gaulle, pour nous, c’est la fin programmée du dollar. Erreur une fois encore, si le Général réussira à récupérer l’or français déposé dans les banques américaines, le dollar reste toujours dominant.

15 août 1971, Nixon commet le premier coup d’État « mondial » financier en décidant SEUL de l’arrêt de la convertibilité du dollar en Or. Il est vrai que la masse des dollars ne permettait plus cette convertibilité. Est-ce la fin de Bretton Woods et de la domination du dollar ? Que non, le dollar perd sa couronne mais conserve son spectre. Car à cause du besoin qu’en ont les autres : États, banques et entreprises. IL sert toujours d’étalon monétaire.

Énorme problème transformé en piège : un dollar qui quitte le sol américain est une dette des USA. Or la masse de dollars, détenue par les États, banques, entreprises et même particuliers, fait que cette dette n’est plus remboursable et ne pourra jamais être remboursée.

Les banques centrales détiennent des milliards de dollars en « réserve de change ». Premier problème majeur à la dé-dollarisation du monde : la Chine, par exemple, première créancière des USA, pourrait-elle se permettre de perdre les milliers de milliards de dollars qu’elle détient ? Bien sûr que non et comme les États-Unis se sont protégés : impossible d’acheter des entreprises dites stratégiques, que faire ?

Regardons les choses : le dollar est un empêcheur de tourner en rond VRAI, il nous fait perdre des marchés VRAI, il décide de tout VRAI, lorsqu’il tousse toutes les monnaies s’enrhument VRAI. Mais il n’est pas la seule raison de nos ennuis :

Évoquons l’extraterritorialité américaine qui fait qu’une loi nationale qui sert des intérêts nationaux est devenue et acceptée comme texte international. Plus grave peut-être : la libéralisation des mouvements de capitaux, qui a supprimé certains pouvoirs aux États et offert la souveraineté mondiale aux marchés financiers. Le Roi ne règne plus en son royaume, c’est l’argent, souvent le dollar, qui désormais assume ce rôle.

Georges Pompidou avait réussi l’exploit de retarder d’une année la libéralisation des mouvements des capitaux, mais sa disparition permet à VGE de signer les accords de la Jamaïque qui assoient la domination de la devise américaine et ma promenade sans contrainte du dollar. S’avance aussi la modification du système des changes fixes. Les USA savent qu’une forme d’opposition va voir le jour, aussi mettent-ils en place l’extraterritorialité américaine qui défend et le dollar et les intérêts de l’économie américaine. La défense de nos intérêts nationaux qui est légitime est devenue compliquée.

Dé-dollarisation, il est vrai qu’elle est inéluctable, mais il faudra deux choses : un SMI qui tienne la route. Chacun semble l’oublier, mais il existe un étalon monétaire : le DTS, système créé par le FMI en 1979, dont très peu se servent sauf pour ajouter de la monnaie à la masse monétaire. La seconde chose, la plus importante : LA CONFIANCE et là ce n’est pas gagné.

Un expert écrivait un article : la dé-dollarisation (remplacement du dollar par une monnaie inventée par le groupe de Shanghai) est en marche et ne s’arrêtera plus. Et pourtant, il suffit d’imaginer le même expert faisant un gros héritage et voulant le transformer en monnaie. Va-t-il acheter du rouble ? Du yuan ? Du yen ? De l’euro ? Rien de tout cela. Alors, que reste-t-il ? Le dollar, preuve que pour la confiance, tout est à faire.

OUI à la dé-dollarisation du monde, mais travail à effectuer en amont sur un système monétaire international, qui ne peut être basé sur un élément rigide : la monnaie qui sert à oxygéner l’économie doit être basée sur une élément souple, qui ne peut non plus être basé sur un panier de monnaies, tel le DTS, toutes les monnaies sont fausses. ALORS ? Bien oui, basé sur le prix de produits les plus utilisés en provenance de la production et de la consommation. Sauf qu’il va falloir trouver des Hommes de l’art.

Henri Fouquereau


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4 commentaires sur « La dé-dollarisation du monde, un mouvement qui s’amplifie »

  1. La dé-dollarisation ne signifie pas la disparition du dollar en tant monnaie de réserve. Mais plutôt l’amorce d’un processus qu’il convient de voir dans le sillage de la multi-polarisation. En somme, une nouvelle version 3.0 du mouvement des non-allignés, version économique.

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