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Karting à la prison de Fresnes : quand notre société refuse de punir

Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti

par Emmanuel Jaffelin[1], philosophe, auteur d’une Apologie de la Punition (Plon, 2014)

Tribune. Avec cette affaire du Karting organisée le 27 juillet 2022 et qui a permis aux détenus de la prison de Fresnes de se distraire une journée, les médias pourraient relancer une réflexion sur la Punition : Qu’est-ce que Punir, sous la présidence de Emmanuel Macron qui a fait abolir la gifle et la fessée ? Comment punir un terroriste autrement que par la prison, la peine de mort ayant été abolie sous François Mitterrand, chaque président voulant briller politiquement par une abolition d’une peine estimée « injuste ».

Revenons à la prison: le fait que s’y développe une activité ludique et sportive n’est pas étonnant puisque la prison n’a pas été pensée initialement comme une punition. Au Moyen Age, on emprisonnait une personne pour la torturer et, si elle n’en mourrait pas, pour l’achever à la hâche ou sur un bûcher ! Tant qu’un détenu était en prison, il se savait vivant. Puis, la Monarchie fut remplacée par la Démocratie : apparemment une  bonne nouvelle. Mais c’est Louis XVI qui abolit la torture en France, notamment « La question préalable » – torture infligée aux condamnés à mort, avant l’exécution, dans le but de leur faire dénoncer leurs complices – fut abolie par la déclaration de Louis XVI le 15 février 1788, ce dont la Révolution le remercia en le guillotinant moins de 5 ans plus tard ( soit le 21 janvier 1793). Ensuite la Justice continua de s’adoucir avec l’abolition de la peine de mort ( 18 septembre 1981) et de s’amollir avec l’interdiction de la gifle et de la fessée faites aux enfants par les parents (loi du 10 juillet 2019), faisant sombrer la France dans la confusion de la punition et de la maltraitance.

Résumons : la torture n’est plus pratiquée, la peine de mort non plus et gifle et fessée sont interdites. Un beau monde s’annonce où les terroristes se retrouvent peu punis et où les enfants (en voie de disparition vue la natalité en chute libre) sont pris pour des rois ! Alors, en quoi le karting dans une prison (celle de Fresnes, au sud de Paris) pourrait-il gêner les français ? N’est-ce pas le but d’une logique judiciaire  qui veut tellement peu punir qu’elle peut amuser les condamnés ! Au fond la justice n’est plus qu’un nom qui prime le pénal[2], voire souhaite s’en détacher : le Ministre actuel de la Justice s’oppose, certes après coup, dans les médias,  au fait qu’un tel événement de  Kartings ait lieu dans une prison ! Une société qui ne veut plus châtier n’est-elle pas une société châtrée ? Voire, au bord de sa disparition ?


[1]– Philosophe qui animé un atelier philo une fois par mois de 2012 à 2014 dans la prison de Sequedin (près de Lille), auprès des détenus  volontaires ayant chacun commis au moins deux crimes,

[2]– Pénal vient du latin poenalis issu du grec poena qui signifie le châtiment, la réparation.


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