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Immobilier : Monsieur le Ministre, ne retropédalez pas !

Bruno Le Maire

Par Michel Platero, Président Institut Janus

Bruno Le Maire s’est prononcé mardi 26 septembre dans un entretien au Parisien en faveur du report des dates butoirs de l’interdiction de louer les passoires thermiques : « il faut être très pragmatique et regarder si on peut décaler les calendriers ». Mais il ne tient plus le même discours dès le lendemain, en conférence de presse le 27 septembre : « il s’agit simplement de réfléchir à la manière dont on peut être plus simple et plus clair pour nos compatriotes. ». Un vrai couac puisque les deux ministres du logement successifs se sont prononcés pour le maintien du calendrier.

Dans quel contexte est-il indispensable de reporter les délais d’interdiction de louer les logements d’étiquette énergétique F et G ?

La Loi Climat et Résilience interdit à la location les logements avec une étiquette énergétique G, au 1er janvier 2025, et pour les logements F, l’interdiction est prévue au 1er janvier 2028. Les logements « G+ » sont d’ores et déjà interdits à la location.

Plusieurs conséquences sont induites :

– ces biens inlouables à terme arrivent en masse sur le marché de la transaction, mais ne trouvent plus preneurs ;

– la réduction induite de l’offre de logements à louer, en particulier dans les zones denses, ajoute à la pénurie du marché de la location ;

– le cout des travaux de rénovation pour un bailleur est beaucoup trop élevé et la plupart ne peuvent financer les travaux. ;

– les travaux d’amélioration ne dépendent souvent pas du seul propriétaire, mais aussi de la copropriété ;

– on estime à 7 millions le nombre de logements « passoires énergétiques » à rénover, soit 20 % des logements en France. Sur la durée imposée, il est matériellement impossible aux entreprises, pour autant que les propriétaires et bailleurs s’’y engageraient, de réaliser ces travaux.

Leur pouvoir d’achat des propriétaires est déjà amputé par l’augmentation du prix du panier de la ménagère, du prix de l’essence ou du prix de l’énergie. Les travaux pour rendre les logements habitables sont estimés de 200 € à 450 €/m2. La rentabilité locative est loin de permettre dans les circonstances actuelles un tel investissement, pour autant que les entreprises soient au rendez-vous de ce calendrier.

Que dit l’Europe ?

La France, dans cette affaire, est allée au-delà des directives européennes. L’objectif européen est de moderniser 15 % des bâtiments les moins performants. L’objectif pour passer de la classe G à F pour les bâtiments résidentiels est 2030. Les certificats de diagnostics de performances énergétiques doivent être harmonisés d’ici 2025. Par exemple, le label A néerlandais équivaut à un C en France ou à un B en Wallonie.

Quelles solutions pour sortir de l’impasse ?

Le Ministre des Finances n’est pas à court de solutions :

– les crédits dédiés à la rénovation des logements augmentent de 1,6 milliards d’euros dans le budget 2024 ;

– il suggère d’améliorer la méthode de calcul des DPE, et il est urgent d’attendre une norme européenne uniforme assouplie par rapport à la norme française.

Ce ne sera pas suffisant pour relancer l’investissement et la mise sur le marché de logements moins énergivores.

Il faut aussi encourager l’acquisition de logements classés F ou G, sous conditions de travaux :

– assortis d’un Prêt à taux Zéro pour les primo-accédants, jusqu’à 10 % de la valeur de l’acquisition ;

– d’un prêt à taux bonifié par l’Etat pour les acquéreurs d’une résidence principale avec la déductibilité des intérêts d’emprunt de l’impôt sur le revenu ;

– pour les acquéreurs de résidences secondaires avec la déductibilité des intérêts d’emprunt ;

– et pour les bailleurs privés l’amortissement de leur investissement à concurrence de 10.000 €.

Monsieur Bruno Lemaire, ne rétropédalez pas, vous êtes dans la logique et la raison. Nos concitoyens attendent des signes forts de la part du Ministre des Finances et du Gouvernement en matière de soutien à la rénovation énergétique et de politique du logement. Mais une communication caractérisée par des revirements déconcertants sème la confusion. Il est essentiel que vous adoptiez une approche cohérente mettant en œuvre une politique du logement efficace et stable. Nos concitoyens sont prêts à surmonter les défis, mais le cap doit être réaliste et clair.

Michel Platero
Président Institut Janus


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