L’ancien PDG d’EDF (2009-2014) a aussi présidé Véolia Environnement (2003-2009) et a été administrateur de Thales de décembre 2014 à mai 2015. Notre partenaire Tom Benoit, directeur de Géostratégie magazine, a pu interroger l’ancien dirigeant d’EDF, dans un long entretien à revoir sur la chaîne YouTube de Sud Radio ou sur EntreprendreTV.
Quelle a été la responsabilité de l’Europe dans le déclin d’EDF ?
Henri Proglio : Je me suis permis de le dire très explicitement lors de la Commission d’enquête qui a eu lieu à ce sujet. Il y a deux responsables : l’Europe d’un côté, et le gouvernement français. L’Europe, pourquoi ? L’Allemagne et la Grande-Bretagne sont les deux grands pays, rappelons-le, qui ont principalement participé à la création de cette technocratie européenne… à laquelle la France participe aussi bien sûr, mais avec trop de zèle et pas suffisamment de patriotisme.
Vous dites régulièrement que les Allemands défendent leurs intérêts…
On ne peut pas leur reprocher cela. De surcroît, ils ont une histoire particulière. (…) l’Ost politique allemand et leur vocation industrielle ont dessiné le paysage allemand à la fin des années 40, et puis au début du XXIe siècle, en raison d’événements politiques, l’émergence des partis écologistes, une doctrine a évolué avec un fil directeur qui était l’anti-nucléaire.
Vous faites une confidence de temps à autre, lors d’un dîner en Allemagne, au détour d’une discussion, Angela Merkel vous dit : “Je suis une Allemande de l’Est et je suis pour le nucléaire”…Absolument ! Cette anecdote est intéressante et assez évocatrice. C’est lors de l’inauguration de la foire de Hanovre en 2011 que cet événement a eu lieu. Nous sommes en petit comité, la chancelière, le premier ministre français… À cette époque-là, je venais de vendre notre filiale allemande, on avait 40 % de cette société. Juste avant que l’Allemagne ne se retire du nucléaire sous prétexte de Fukushima et sous la pression des verts.
Donc, Angela Merkel s’adresse à moi en me disant : Vous avez fait une très belle opération ; sous-entendu : Vous nous avez bien eus. Il y a d’ailleurs eu un procès, que j’ai gagné. Je lui ai répondu : C’est grâce à vous, madame la Chancelière. Elle l’a assez mal pris, naturellement. Je disais cela parce qu’elle venait de prendre la décision de sortir du nucléaire, et cette société avait deux réacteurs nucléaires…
Nous l’avions vendue 7 milliards d’euros, donc forcément, ils (la société) se retrouvaient un peu tendus. C’est à ce moment-là qu’elle me répond : “Monsieur Proglio, je suis une scientifique d’Allemagne de l’Est, je crois en le nucléaire, et j’ai pris cette décision pour des raisons éminemment politiques”.
Propos recueillis par Tom Benoit pour Géostratégie magazine.
pour l »allemagne il faut toujours s’en mefier