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Guillaume Richard (Groupe O2) : Nous avons besoin de politiques qui comprennent les entrepreneurs.

À 40 ans, l'entrepreneur Guillaume Richard est le premier créateur d’emplois en France ! Avec son groupe O2, numéro un des services à domicile (100M€ CA), il a créé 6000 emplois net sur les cinq dernières années. Les recettes d’un extra-terrestre.

Entreprendre - Guillaume Richard (Groupe O2) : Nous avons besoin de politiques qui comprennent les entrepreneurs.

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À 40 ans, l’entrepreneur Guillaume Richard est le premier créateur d’emplois en France ! Avec son groupe O2, numéro un des services à domicile (100M€ CA), il a créé 6000 emplois net sur les cinq dernières années. Les recettes d’un extra-terrestre.

Entreprendre : Comment êtes-vous devenu entrepreneur ?

Guillaume Richard :

La rupture se fait en 1999. À l’époque, travaillais à la Française des Jeux en tant que salarié et j’ai pris la décision de créer mon entreprise. En 1999, j’ai créé la société At Home à Paris dédiée aux services à la personne. La marque O2 a véritablement vu le jour en 2000, elle résulte de la fusion des sociétés At home et Unipôles. Cette fusion permettait l’alliance d’un projet web. Le temps que les choses se mettent en place et que nous définissions le business plan, nous sommes arrivés sur le marché le 15 avril 2000, quelques jours après l’explosion de la bulle internet. Nous étions nombreux sur le projet, deux ont définitivement quitté l’aventure. J’ai dû reprendre pendant trois années une activité de salarié en qualité d’adjoint au Directeur d’exploitation chez Relais H. C’était mon job « officiel » dans la journée et le soir, le week-end et durant mes congés, je travaillais en parallèle sur O2. A partir de 2004, l’entreprise ayant trouvé son modèle et étant rentable, j’ai décidé de démissionner, de quitter Paris pour m’installer au Mans et de me consacrer à 100% au développement d’O2.

Entreprendre :  Comment est né votre désir d’entreprendre ?

Guillaume Richard :

Je ne suis pas issu d’une famille d’entrepreneurs. Lorsque j’avais une petite dizaine d’années, j’ai lu Le roi vert de  Paul Loup Sullitzer et je me suis que suis dit que lorsque je serai plus grand, je ferai la même chose. J’avais entendu affirmer autour de moi que les romans de Paul Loup Sullitzer ne servaient qu’à remplir les armoires normandes mais Le roi vert a suscité en moi une vocation d’entrepreneur. Je souhaitais créer de la richesse et partager des valeurs avec mes collaborateurs. J’ai donc poursuivi un cursus afin d’y arriver et intégré une école de Commerce. Ma volonté d’entreprendre était déjà très claire durant mes études. En tant que salarié, j’aspirais à accumuler des expériences et à mettre de côté de l’argent afin de créer ma boite, mon objectif était clairement défini.  

Entreprendre :  Quelle est l’histoire d’O2, sa philosophie ? A quoi tient sa croissance vertigineuse ?

 

Guillaume Richard :  

 Il y a une volonté forte de croissance de la part des dirigeants et nos équipes sont extraordinaires. Cette volonté de croissance ne peut se réaliser que si nos salariés sont de grande qualité. Nous sommes dans un métier centré exclusivement sur l’humain, il consiste en effet à rendre service à des femmes et des hommes. Nous sommes dans une logique de femmes et d’hommes qui rendent service à d’autres femmes et hommes. C’est à la fois passionnant car l’humain est fascinant mais aussi extrêmement complexe car l’humain est ce qu’il y a de plus imparfait, de plus singulier, chaque situation étant donc unique. La prestation est toute autre chose que la production, une machine peut fabriquer cent fois le même produit en garantissant une standardisation.

Dans notre métier, même si nous réalisons cent fois la même prestation avec le même salarié, la prestation peut être perçue de façon différente ne serait-ce qu’en fonction de l’humeur et de la disposition du client. La complexité liée à la relation humaine fait à sa fois la richesse et la difficulté.  L’humain semble placé au coeur du projet de l’entreprise… La phrase clé « un salarié satisfait, c’est à 99,9% d’assurance d’un client satisfait » illustre parfaitement cette philosophie d’entreprise. C’est essentiel. Si vous recrutez des personnes compétentes et qui s’épanouissent dans leur travail, vous avez gagné.

Le premier job de mes managers est de faire en sorte que nos collaborateurs se réalisent dans leur travail, soient heureux et se sentent utiles. C’est un métier où l’on rend service aux personnes, où on améliore leur qualité de vie en contribuant à l’éveil et au développement de leur enfant, au maintien à domicile des personnes âgées, à la conciliation de la vie personnelle et professionnelle, etc…. Nous avons un métier qui a du sens, nous rendons un service au sens noble du terme. L’aspect humain est la pierre angulaire de l’entreprise que l’on traduit par le respect de nos clients, de nos salariés et de leur diversité. Nous cherchons avant tout à trouver des compétences, l’envie de travailler ensemble et non des éléments superficiels aberrants tels que l’âge, le sexe oo la couleur de peau. C’est ce qu’il y a de plus efficace et qui a surtout le plus de sens.  

Entreprendre : Comment expliquez-vous votre capacité à créer des emplois, existe-t-il une « recette magique »  ?

 

Guillaume Richard :

il faut avant tout avoir des clients car c’est l’activité qui crée l’emploi, point important que l’on oublie souvent. Un chef d’entreprise n’a pas vocation à créer des emplois mais à créer de la valeur ajoutée pour l’ensemble des parties prenantes (les actionnaires, les clients, les salariés, la collectivité). L’emploi n’est qu’une résultante, il ne peut être l’objectif en tant que tel. L’entreprise crée de la valeur dont l’une des conséquences est la création d’emplois. Notre capacité à créer des emplois s’explique par notre capacité à apporter une valeur ajoutée suffisante à nos clients. C’est en quelque sorte l’histoire de la poule et de l’oeuf. Si je veux que mes clients soient satisfaits, il faut que mes salariés le soient aussi, il faut donc travailler tant sur les aspects RH que sur les aspects marketing et commerciaux.

Entreprendre : Comment le groupe 02 parvient-il à se démarquer dans un univers devenu très concurrentiel ?

 

Guillaume Richard :

Nous avons imaginé des gammes et personnalisé les offres. Typiquement, votre besoin n’est pas celui d’un jeune couple qui habite dans un meublé ou celui d’un préfet qui habite dans les ors de la république. C’est pourquoi nous proposons des prestations différentes qui répondent chacune à un besoin spécifique. Prestations Classic, Confort, Prestige, Gouvernante pour l’entretien de la maison. En matière de garde d’enfants, nous offrons des prestations sortie de crèche, sortie d’école mais aussi d’éveil et de développement et de gardes d’enfants en langue étrangère ou chez les grands-parents. Nous offrons une personnalisation complète de la relation client et donc de l’offre. Nous nous déplaçons systématiquement chez le client, nous rédigeons une fiche de mission complète avec l’analyse du besoin.

Entreprendre : Dans votre métier le contrôle de la qualité semble essentiel…

 

Guillaume Richard :

Nous assurons à nos clients une garantie « satisfait, refait ou remboursé. » Nos agences ont très rapidement été certifiées pour l’ensemble de nos activités. Aujourd’hui, nous avons la certification NF qui est une garantie réelle pour nos clients. Notre valeur centrale est le respect auxquelles s’ajoutent trois valeurs complémentaires dont l’excellente qui est la vanité de vouloir être le meilleur. Nous mettons tout en oeuvre afin d’être les meilleurs. En même temps et surtout, nous cultivons l’humilité de reconnaître notre marge de progression.

Tout ce que je vous décris est vrai dans 94/95% des cas : nous avons 94% de nos salariés qui se disent épanouis et satisfaits et un peu plus de 95% de nos clients qui se déclarent satisfaits de nos services. Cela signifie que nous avons 5 à 6% pour lesquels nous n’arrivons pas à tenir nos promesses et qui constituent un vrai levier de progression. On a le sentiment que d’avoir 94% de ses salariés satisfaits est un excellent résultat mais lorsque l’on a 10000 salariés, les 6% d’insatisfaits représentent 600 personnes, ce qui est énorme.

Je sais pertinemment que je ne parviendrai jamais à satisfaire tout le monde ; il y a des personnes qui dès le départ ne sont pas faites pour ce métier et des éternels insatisfaits mais nous devons pouvoir faire mieux et travailler sur ces points d’amélioration. C’est la même logique pour les clients, un taux de satisfaction de 96% semble très bon, mais sur la base de 40 000 clients, on dénombre 2000 clients mécontents, c’est beaucoup trop.

Entreprendre : Pourquoi recruter autant de Seniors ? (les + de 50 ans représentent 18% des effectifs et les plus de 55 ans 5,1%)

 

Guillaume Richard :

En matière de ressources humaines, nous avons pour stratégie d’aller chercher les personnes les meilleures et les plus adaptées pour nos postes. Cela signifie que nous ne faisons aucune discrimination, nous recrutons les personnes en fonction de leurs compétences. Nous n’avons pas forcément cherché à recruter des seniors, nous avons seulement cherché à recruter des personnes compétentes. C’est la même chose pour les personnes handicapées. Nous avons beaucoup d’handicapés au sein du groupe O2, mais, là aussi, leur recrutement résulte avant tout de la recherche de compétences. Nous trouvons les compétences quelque soit l’âge, la couleur de peau, la religion, etc…

Les emplois de service (fortement développés par l’action de Jean-Louis Borloo) ont été malmenés par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, dès son arrivée, avant d’être relancés recemment ? Les associations, à titre d’exemple, sont très fortement subventionnées, est-ce logique ? Je n’en suis pas certain. Trop souvent, on nous dit que nous sommes un secteur aidé grâce au 50% de réduction de crédit d’impôt, cette affirmation très fréquente est le point fondamental. A quoi correspondent les 50% de réduction de crédit d’impôt ? Est-ce une niche fiscale ou un dispositif pour lutter contre le travail au noir ? Déclarez- vous les prestations de services à la personne pour optimiser votre fiscalité ?

Non, vous avez une nécessité ou une consommation et vous avez ensuite le choix de le faire de façon déclarée où non. Lorsque vous le faites de façon déclarée, nous sommes bien dans le cadre d’un dispositif de lutte contre le travail au noir, il ne s’agit pas d’autre chose. Par ailleurs, de nombreuses études ont été réalisées : elles montrent de façon objective, factuelle, non polémique et indiscutable que si les services à la personne coûtent 6,6 milliards d’euros à l’État, ils lui rapportent 8,9 milliards d’euros (chiffre publiés par un cabinet indépendant). Nous sommes tous capables au niveau des entreprises de faire la même démonstration. Cela rapporte des cotisations, de la TVA lorsque ce sont les entreprises qui le gèrent, cela permet également des économies de charges car dans 90% des cas la personne que vous embauchez étaient au chômage ou au RSA. Vous avez donc non seulement une économie de charges mais aussi un gain.

Entreprendre : À vous écouter, les emplois de service rapportent énormément au budget de l’État…

 

Guillaume Richard :

Lorsque l’on déclare « vous avez besoin d’aides et vous êtes aidés », je réponds non, c’est nous qui aidons. Aujourd’hui, je rapporte à l’État et, collectivement, nous rapportons 2,2 milliards, nous créons de l’emploi et aidons donc des Français, qui seraient sans emploi, à en avoir un déclaré et qualifié avec des perspectives d’évolutions professionnelles. Nous participons également à la qualité de vie de tous les Français, nous aidons en accompagnant le développement de jeunes enfants, en soutenant les personnes âgées et les handicapés. Nous avons une utilité sociale à travers la création d’emplois, sociétale en accompagnant toutes les familles françaises et économique.

Nous ne sommes pas aidés, c’est nous qui aidons et créons de la valeur ajoutée. A partir du moment où nous ne sommes pas dans la configuration d’une niche fiscale, ce que je viens précédemment de démontrer de façon extrêmement claire, pourquoi est-ce plafonné ? Pourquoi le crédit d’impôt n’est accessible qu’aux personnes imposables ? Pourquoi fait-on le choix du travail au noir dans ce cadre-là ? Nous assistons à l’explosion du « travail gris » : les gens déclarent jusqu’à hauteur du plafond, puis au-delà, ils ne déclarent plus. Il en va de même pour les salariés. De multiples études indépendantes et même gouvernementales ont démontré que le système de crédit d’impôt est pertinent d’un point de vue social, économique et sociétal. S’il a un sens, pourquoi le plafonner ?

Entreprendre : Quelles mesures le gouvernement doitil prendre pour relancer l’économie et favoriser l’esprit d’entreprendre ?

 

Guillaume Richard :

Il faut s’interroger sur le fond : soit le système de crédit impôt est pertinent et utile, il convient alors de déplafonner ; soit c’est idiot et non rentable et il est préférable de supprimer la mesure. C’est comme si vous créiez une entreprise mais que sa croissance soit limitée à 5% ou son chiffre d’affaires limité à 1 million d’euros. Cette mesure me semble essentielle.

Entreprendre : D’autres mesures essentielles ?

 

Guillaume Richard :

S’il pouvait prendre des mesures spécifiques aux entreprises de services à la personne en reconnaissant nos spécificités d’intervention à domicile et notre contribution à la création d’emplois à la base peu qualifiés et que nous qualifions ensuite (vrai rôle d’insertion économique), cela serait parfait. A minima, il est indispensable de cesser de changer les règles tous les quatre matins, ces changements successifs nous tuent.

Prenons une image que j ’affectionne pour illustrer le propos. L’entrepreneur est un homme. Vous trouvez des hommes sous tous les climats de la planète, dans les déserts glacés ou les déserts très chauds, il est évident que l’on vit mieux dans une zone tempérée et que l’on s’y développe plus facilement. La pénibilité n’est pas d’habiter dans un désert très chaud ou très froid mais de passer de l’un vers l’autre très vite et souvent (sic). L’instabilité permanente est notre principal ennemi, vous ne pouvez pas mettre en place et développer une stratégie d’entreprise si les règles du jeu ne cessent de changer. Il faut à la fois une stabilité dans la règle et par ailleurs une application uniforme de la règle sur le territoire.

Entreprendre : Le maquis règlementaire et le code du travail, ne sont-ils pas un frein majeur ?

 

Guillaume Richard :

Une même application de la règle est interprétée de façon différente par les différents représentants et les fonctionnaires locaux qui vous contrôlent. Un inspecteur du travail peut vous dire blanc à Toulouse et un autre noir à Nîmes, l’interprétation de la loi souffre de différences. En tant qu’entreprise, vous appliquez partout les mêmes règles et le fait d’être certifié vous impose d’appliquer les choses partout de la même façon.

Vous vous heurtez à des interlocuteurs (inspecteurs du travail, URSSAF, Fisc, DPPM, etc…) qui tiennent un discours différent en fonction des régions. Rendez-vous compte, dans mon activité, j’ai 150 entités juridiques Sarl. A chaque création de Sarl, j’ai procédé de la même manière avec les mêmes statuts. Une greffière m’a indiqué que les statuts ne lui convenaient pas sur un point. Il s’agissait d’une loi votée par l’Assemblée nationale sur laquelle elle était en désaccord. Son discours fut clair : soit j’acceptais de changer ce point, soit nous nous retrouvions au Tribunal administratif. Ce cas se reproduit partout avec tous les fonctionnaires : sur la base d’une même loi, vous avez des interprétations très différentes. Il est indispensable d’avoir une même analyse sur le territoire quelque soit le fonctionnaire qui contrôle, on ne peut sans cesse faire l’objet d’interprétations différentes, il faut un seule et même règle. La discordance entre les discours est insupportable.

Entreprendre : Allez-vous vous envisager en politique avec Denis Payre par exemple ?

 

Guillaume Richard :

Pour ma part, je soigne ma mégalomanie en étant entrepreneur (sic). Je pense qu’aujourd’hui, je suis incroyablement plus utile en étant entrepreneur, en créant de l’emploi et de la valeur ajoutée pour l’ensemble des parties prenantes qu’en étant un homme politique. La politique a de très beaux côtés et des aspects plus malsains. Est-il nécessaire que les entrepreneurs fassent de la politique ou a-t-on besoin de politiques qui comprennent les entrepreneurs et qui puissent mettre en place des choses qui soient bonnes pour l’ensemble du pays ? Nous avons surtout besoin de politiques qui comprennent. Ma participation à l’émission Patron incognito fut une excellente expérience : faire le métier des nos intervenants pour comprendre le vécu et les difficultés de nos salariés est essentiel.

Entreprendre : Les entreprises françaises sont-elles suffisamment défendues ?

 

Guillaume Richard :

Les problématiques de l’artisan qui travaille seul ne sont pas celles du commerçant qui a des salariés, pas plus que celles du patron de PME ou d’un dirigeant d’une grande entreprise du CAC 40. Si on est un tout petit peu objectif, les mesures complètement déconnantes prises ces dernières années ou en train d’être prises – je parle de l’ANI avec la mise en place d’une mutuelle obligatoire pour tous, les plans de formation professionnelle, le compte pénibilité, etc… – n’ont pas été mises en place par le gouvernement : c’est le patronat qui les a négociées. Je sens aujourd’hui de façon très distincte une fracture énorme entre cette part représentante du Medef, la base et les entrepreneurs. Cette scission est monstrueuse car certains patrons de grosses structures disposent de ressources RH pléthoriques dont ils se moquent complètement, d’autant qu’ils ont 5% de leur effectif en France et le reste à l’international. En France, ils souhaitent la paix sociale qu’ils sont prêts à acheter dans la mesure où ils ont définitivement abandonné l’idée de faire des profits sur le territoire. C’est typiquement le cas de Total. Qui apporte l’argent au Medef et qui négocie ?[FIN]


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