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Gabon : libérer le président Ali Bongo

Cette capture d'écran vidéo montre le président gabonais Ali Bongo prononçant un discours le 30 août 2023. (Xinhua)

Tribune. Les gabonais se sont réveillés ce mercredi 30 août avec deux annonces qui ont fait basculer leur pays. La première est intervenue tardivement dans la nuit du mardi, quand Ali Bongo a été déclaré vainqueur de la présidentielle du 26 août avec 64.27% des voix, son principal rival Albert Ondo Ossa, recueillant 30.77% des voix. La deuxième est presque immédiatement tombée, quand un groupe d’une douzaine de militaires est apparu sur les écrans de la chaîne de télévision Gabon 24, abritée au sein même de la présidence pour annoncer avoir mis « fin au régime en place » et placé en « résidence surveillée » le président Ali Bongo, 14 ans au pourvoir.

Aujourd’hui, la question de la confiance se pose. Quatrième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne, et deuxième producteur mondial de manganèse, le Gabon a été marqué par la crise sanitaire mondiale, le pays est en effet entré en récession en 2020, affichant un taux de croissance de -1.8%. Soit bien en deçà des chiffres de 2019, à 3.9% , d’après la Banque mondiale. Mais la mise en place, des janvier 2021, du Plan d’accélération de la transformation (PAT) 2021-2023 a porté ses fruits. Selon les projections du Fonds monétaire international (FMI), le taux de croissance du Gabon s’est établi à 2.7% en 2022 et à 3.4% en 2023.

Pourtant, près de 40 % de la population gabonaise vit en dessous du seuil de pauvreté car le Gabon est confronté à de graves problèmes de corruption et de mauvaise gestion des fonds publics. Ce qui limite les investissements dans les infrastructures, les services publics, l’éducation et la santé. Cela a un impact négatif sur la stimulation du marché de l’emploi et rend difficile, voire impossible, pour les personnes en situation d’exclusion, de sortir de la pauvreté. La corruption dans le pays demeure endémique, en témoigne la 124e place du pays sur 180 économies dans le classement de Transparency Internation sur l’indice de Perception de la corruption. Les inquiétudes des populations sur l’étendue de la corruption dans le pays sont grandissantes. Les Gabonais déplorent la hausse du niveau de corruption mais craignent des représailles en cas de dénonciation.

Ainsi, c’est dans ce contexte qu’une large majorité des Gabonais s’est mobilisé dans la rue pour applaudir les militaires et le général auteur de la tentative du coup d’Etat.   Mais peut-on s’attendre à un réel changement de système dans le pays, alors que le putschiste est un cousin d’Ali Bongo et une très proche du régime ?

Il me semble que non et des nombreux signaux sont plus tôt inquiétants pour le paysage politique gabonais. Tout d’abord, le discours du général putschiste. Jamais il ne mentionne la durée de transition, sa posture autour des soldats, on croirait voir une bande des potes ; étonnant pour un général. Aucun message envers l’opposant Albert Ondo Essa qui reste à mes yeux le véritable acteur de cette présidentielle. Et ensuite, il n’a pas affirmé vouloir quitter le pouvoir après l’organisation d’élections. Comment pourrait-il changer le système quand on connait la puissance du PDG (parti au pouvoir) dans l’administration ? La dissolution des institutions n’est-il pas été une échappatoire juridique pour rétablir la vérité des urnes ? d’autant plus que depuis 2009 des nombreux acteurs politiques notamment français dénoncent le manque de transparence des élections présidentielles au Gabon. Tout le monde se souvient des propos d’un ministre français tenus un samedi soir sur France 2 dans l’émission « on est pas couché » affirmant que le président gabonais n’avait pas été élu démocratiquement « au sens où on l’entend ». Au lendemain de cette sortie médiatique, le Gabon avait annoncé son intention de rappeler son ambassadeur en France.

Il est vraiment trop tôt pour dire si le système va changer, surtout après tant d’années d’un système qui à créer une ambiance délétère surtout après la mort des nombreux jeunes en 2016. La population gabonaise espère une démocratisation, une ouverture, un partage des ressources. Cette revendication est forte en Afrique subsaharienne mais encore plus forte au Gabon. Quand nous parlons de « l’élection », les gabonais entendent « magouille » Les solutions proposées après les accords de paris n’ont jamais portées leurs fruits dans le paysage politique Gabonais. Les instances africaines notamment l’union africaine et la France auraient pu jouer un rôle pertinent mais la politique du « en même temps » du président Emmanuel Macron est difficile à suivre en Afrique. Puisque d’un côté on condamne le coup d’état au Niger et de l’autre cote on suit le coup d’état au Gabon. Les militaires de la région se frottent les mains et les populations sont perdues. Cette posture, facilite la montée du panafricanisme sauvage dans les anciennes colonies françaises, précipite certains pays dans les bras des organisations criminelles s internationales et renforce le rejet de la politique africaine de la France qui existe aussi au Gabon.

La France n’a pas intérêt à ce désastre. Elle ne doit pas renoncer à soutenir toute la dynamique populaire de la jeunesse Gabonaise qui rêve de faire de leur pays exemple de démocratie. Le président Emmanuel Macron ne doit pas céder à la peur d’être accusé d’ingérence par ceux qui ne souhaitent que piller et manipuler pour leurs comptes personnels les ressources du Gabon.

Pour des raisons de transparence et afin d’accroître la crédibilité de leur tentative de coup d’état mais également pour éviter ce qui ressemble de plus en plus à Kidnapping électoral, les putschistes doivent rétablir les institutions et faire recompter les bulletins.

Cédric Leboussi


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