Ne laissons plus partir nos pépites industrielles vers d’autres cieux ou dans les mains de fonds internationaux opportunistes. De ce point de vue, le parcours de l’ex-Photonis Group (devenu Exosens) semble particulièrement illustratif de ce qu’il faut entreprendre à tous les niveaux de décision.
Cette vénérable ETI d’exception, de 500 collaborateurs, fondée en 1937 à Brive-la-Gaillarde en Corrèze, devenue leader mondial de la technologie d’intensification de la lumière, de la détection et de l’imagerie, allait pourtant devoir, faute de financements suffisants, finir par tomber dans le giron du groupe américain Teledyne qui devait la racheter. Jusqu’à ce qu’une levée de boucliers orchestrée par les milieux militaires et souverainistes ne conduise le gouvernement et Bruno Le Maire à s’y opposer en faisant jouer son droit de veto conformément à une loi de protection imaginée en son temps par Arnaud Montebourg.
Les milieux militaires considérant aussi les activités d’Exosens comme particulièrement critiques pour nos armées, l’entreprise fut dès lors acquise en 2021 par HLD, le holding d’investissement industriel fondé en 2010 par Jean-Bernard Lafonta, X Mines de 62 ans, l’ancien président de Wendel, qui vient également d’investir dans le capital (25 %) des maisons de retraite Clariane (ex-Korian).
Au-delà de ses activités militaires (qui représentent 65 % de son CA de 320 millions d’euros en 2023), Exosens s’est positionné sur le prometteur nouveau marché des technologies d’intensification de la lumière équipant notamment les jumelles de vision nocturne, mais avec aussi des débouchés dans le secteur maritime, les sciences de la vie, le transport, le contrôle industriel ou la surveillance du nucléaire.
Laissant entrevoir de belles perspectives de développement (30 % de croissance en 3 ans), l’introduction en bourse d’Exosens sur Euronext Paris s’est avérée être un beau succès avec une levée de fonds de 350 millions d’euros souscrite dès le premier jour de cotation, le 7 juin dernier. Valorisée plus d’un milliard d’euros, Exosens se positionne déjà comme un pôle fédérateur de l’imagerie électronique.
Et il aurait été vraiment dommage de laisser s’envoler un opérateur industriel d’autant qu’il est bien d’origine française. Bpifrance ne s’y est pas trompé et prend 4,5 % du capital en participant pour 48 M€ à l’augmentation de capital. Une opération à démultiplier dans tous les secteurs. La réindustrialisation du pays est à ce prix !
Robert Lafont