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En Italie, la tentation du monopole d’État inquiète les consommateurs

Plus que d’autres pays européens, l’Italie a souffert de la faiblesse structurelle de son réseau internet pendant les différents épisodes de Covid-19. Une fragilité révélée par l’Index DESI 2020, l’outil de la Commission européenne mesurant la maturité numérique des États membres de l’Union européenne.

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Plus que d’autres pays européens, l’Italie a souffert de la faiblesse structurelle de son réseau internet pendant les différents épisodes de Covid-19. Une fragilité révélée par l’Index DESI 2020, l’outil de la Commission européenne mesurant la maturité numérique des États membres de l’Union européenne. Pour y remédier, l’Italie souhaite mettre en œuvre un complexe réseau de fibre optique unifié, par le truchement d’un rapprochement entre différents acteurs. De quoi déclencher l’ire de Bruxelles, souvent hostile aux mouvements de concentration sectorielle ?

Selon l’Index DESI, l’Italie se place parmi les pires élèves européens, en termes de couverture internet fixe à très haut débit, avec environ 30 % des foyers couverts, et à peine 3 % en milieu rural. De même, seuls 60 % des foyers italiens bénéficient d’un abonnement fixe à haut débit et à peine plus de 15 % d’entre eux souscrivent à un abonnement d’au moins 100 Mbps. Bien en-deçà de la moyenne européenne, l’Italie ne brille donc pas par la qualité de son réseau, avec des impacts négatifs sur la vie économique du pays, alors qu’une grande partie du secteur tertiaire s’est convertie, de gré ou de force, au travail à distance.

Le risque du veto de la Commission européenne

Un problème, dont les acteurs des télécommunications ont pleinement conscience. Telecom Italia (TIM), héritier de l’opérateur public historique, souhaite ainsi se lancer dans le projet ambitieux du déploiement, sur l’ensemble du territoire, d’un unique réseau de fibre optique. Projet en discussion depuis plus d’un an qui, selon TIM, ne peut advenir que grâce à la fusion entre Open Fiber, filiale de l’électricien Enel, et Fibercop, qui regroupe les réseaux TIM et Fastweb. Un mouvement de concentration sectorielle qui, en toute logique, ne devrait pas plaire à Bruxelles. La Commission européenne avait déjà, en 2016, refusé le projet de rachat du britannique O2 par le conglomérat asiatique Hutchison Whampoa. D’autant que la danoise Margrethe Vestager, Commissaire européenne à la concurrence, est connue pour dire un « Nej » catégorique aux projets de fusion, dans la plus pure tradition bruxelloise de déconstruction des monopoles nationaux.

Dans les télécoms, cette approche est contestée par de nombreux spécialistes, qui affirment que la faiblesse structurelle du marché des télécoms européen est largement liée à sa fragmentation. L’Union européenne compte en effet une centaine d’opérateurs, contre quatre aux États-Unis et trois en Chine. Avec des conséquences néfastes sur les capacités d’investissements des acteurs du secteur dans certains domaines très stratégiques, comme la 5G. Un accord de l’Union européenne sur le rapprochement italien reviendrait donc à briser la tendance historique européenne à soutenir, envers et contre tout, la concurrence sectorielle.

A terme, une structure contrôlée par l’Etat italien ?

Le gouvernement de coalition Parti Démocrate – Mouvement 5 étoiles (M5S) ne s’oppose pas à cette fusion. Bien au contraire, il semble même y voir une potentielle remonopolisation vertueuse du secteur des télécoms. Du côté de la principale force de coalition gouvernementale (M5S), on souhaite en effet mettre fin à « l’absurde dualisme entre TIM et Open Fiber », avec un nouveau réseau dominé par « la Caisse des Dépôts, qui en aura le contrôle ». Si la Caisse des Dépôts italienne possède déjà 50 % d’Open Fiber, elle est minoritaire chez TIM, ne détenant que 10 % des parts du groupe. Beppe Grillo, chef de file du mouvement 5 étoiles, souhaite que la CDC atteigne au moins une part égale à celle du français Vivendi, soit 23,94 %, le seuil minimal fixé pour une OPA étant de 30%. Mais, une partie de la coalition, sous l’égide du Parti Démocrate, tente de freiner les ardeurs du Mouvement 5 étoiles : « Il faut une vraie discussion sur le sujet qui ne peut être l’objet d’un simple post sur internet ».

Inquiétudes des associations de consommateur

Au-delà des atteintes à la règle sacrée de la concurrence, la perspective d’une telle fusion inquiète les consommateurs et le gendarme des télécoms pour d’autres raisons. Elle entraînerait, de facto, le retour d’un monopole sur le secteur des lignes fixes. Ce qui pourrait porter préjudice aux consommateurs, qui ont vu les coûts de leurs abonnements baisser avec l’entrée sur le marché d’Open Fiber. L’arrivée d’Open Fiber, en 2015, s’est même conjuguée avec une amélioration de la connectivité des populations italiennes, stagnante pendant la période de monopole. D’autant, qu’en mars 2020, Telecom Italia avait déjà été condamné à 116 millions d’euros d’amende pour avoir entravé le développement de la fibre optique dans le pays, cherchant à faire obstacle à l’entrée de nouveaux opérateurs dans certaines zones blanches isolées. Peu étonnant que le géant historique, peu à l’aise avec les nouveaux entrants, souhaite mettre la main sur la concurrence…

Vent debout contre ce projet, le gendarme des télécoms italien, par la voix de son directeur Angelo Cardani, avait affirmé, dès juillet 2019, qu’une telle fusion réalisée sous l’égide de la TIM serait un « pas en arrière ». Du côté de deux grandes associations de consommateurs, Euroconsumers et Altroconsumo, on s’inquiète dans une lettre ouverte de « la création d’un opérateur verticalement intégré, presque monopolistique », soulignant aussi le risque qu’une telle fusion ferait courir aux consommateurs d’autres pays européens, dans lesquels des projets similaires pourraient voir le jour.

Certes, une décision favorable à cette re-monopolisation pourrait créer une jurisprudence en capacité de bouleverser le marché des télécoms européens mais à quel prix pour les consommateurs ?


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