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Taxer les rachats d’actions : une décision idéologique et démagogique

Face aux déficits abyssaux qu’il a créés lorsqu’il croyait benoîtement que l’Etat pouvait s’endetter ad inifinitum, le gouvernement, désemparé, cherche de nouvelles recettes tout en continuant de promettre qu’il n’y aura pas de nouveaux impôts. 

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Poussé par son allé du MODEM dont il a besoin, il ouvre néanmoins une brèche en considérant qu’il pourrait taxer les rentes, ce qui serait un impôt juste, donc pas vraiment un impôt, mais plutôt un acte de justice fiscale. Mais ce raisonnement fallacieux, qui ne trompera pas grand monde, doit encore définir de quelles rentes il s’agit.

Les sociétés qui rachètent leurs actions servent de victimes expiatoires. Déjà en mars 2023, le chef de l’Etat avait dénoncé, sans fondement, les grandes entreprises « qui font des revenus tellement exceptionnels qu’ils [sic] en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions ».  Ça n’a aucun sens mais c’est facile parce que ceux qui bénéficient de rachats d’actions sont des riches, donc des méchants que personne ne défendra. Et pourtant !

Les rachats d’actions pratiqués par les sociétés industrielles et commerciales permettent de resserrer leur capital et d’augmenter le ratio profit sur capital pour éventuellement préparer de futures augmentations de capital à un meilleur prix. C’est donc une gestion financière perspicace pour permettre aux sociétés concernées de se valoriser en bourse et d’y trouver, le cas échéant, des capitaux plus importants, dans de meilleures conditions pour leur développement. Pour les entreprises cotées, c’est aussi un moyen de mieux contrôler le capital et de parer à d’éventuelles OPA ou simplement de remercier les dirigeants et autres employés quand il s’agit de racheter les actions distribuées au personnel.

Les bénéficiaires de ces rachats d’actions n’en profitent pas plus que s’ils vendaient leur titre en bourse ou s’ils recevaient des dividendes. Dans les deux cas leurs profits seraient taxés au taux de 30%. Mais ils sont des boucs émissaires parfaits pour ceux qui peinent à comprendre le mécanisme de ces rachats d’actions. Et ils sont faciles à instrumentaliser.

Mais comment Messieurs Le Maire et Macron peuvent-ils mettre en place en début de mandat l’impôt forfaitaire unique – IFU- à 30% et vouloir peu d’années après le remettre en cause sans faire preuve d’inconséquence ? Une inconséquence d’autant plus grave que l’institution de l’IFU fin 2017 a favorisé si bien le marché des valeurs mobilières que malgré un taux d’imposition unique et plus faible qu’antérieurement, son produit fiscal a été très supérieur aux estimations.
La loi de finances 2018 avait prévu 2,88 milliards de recettes pour le PFU de 30%, mais la baisse du taux d’imposition des dividendes a suscité une forte hausse des dividendes reçus par les ménages en 2018, si bien que le PFU a rapporté cette année-là un milliard de plus que prévu au titre de l’impôt et des prélèvements sociaux. Le mouvement s’est poursuivi les années suivantes.

D’ailleurs, à l’inverse il avait été constaté une sévère contraction (de 70%) de la base d’imposition lorsqu’en 2013 le gouvernement Hollande avait supprimé le Prélèvement Forfaitaire Libératoire, PFL, pour soumettre les revenus mobiliers au barème progressif d’imposition, globalement plus élevé. Sur le papier la réforme aurait dû rapporter 425 millions d’euros supplémentaires au Trésor public. En fait la contraction de la base fiscale a conduit alors à une perte sèche pour les finances publiques de plus d’un milliard d’euros.

Ainsi que l’a prouvé l’histoire à de multiples reprises (en Angleterre au début du XIXème siècle, en Russie au début du XXème…) un impôt simple, proportionnel, modéré, incite à la création de richesses et active les ressorts de l’économie. L’Etat en profite aussi en taxant moins une base plus large. La loi de Laffer démontre qu’au-delà d’un certain niveau de taxation, variable selon les types d’impôt, les pays et les époques, l’augmentation des taux de l’impôt en abaisse le produit.
Une vieille loi que le ministre des finances d’Henri IV, Barthélémy de Laffemas, avait déjà énoncée à la fin du XVIe siècle : « les hauts taux tuent les totaux ». C’est encore vrai et l’acharnement fiscal et idéologique contre les revenus mobiliers pourrait aggraver les finances publiques plutôt que de les améliorer.

Face au gouffre de nos déficits et alors que la France détient au sein de l’OCDE le record des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, la solution n’est pas de taxer plus mais de dépenser moins. Mais le président Macron ne l’a toujours pas compris si l’on en croit son propos ((08/04/2024) : « nous n’avons pas un problème de dépenses excessives mais un problème de moindres recettes ».

Jean-Philippe Delsol
Avocat, président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales, IREF


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