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Le paradoxe écologique du vélo électrique

Entreprendre - Le paradoxe écologique du vélo électrique

Par Emmanuel JAFFELIN, philosophe, motard et cycliste, auteur d’une Archéologie du Rond-Point (Amazon)

Le vélo a un chic et un atout rarement mentionnés : Il remplace le cheval. Comme on « monte » sur un cheval, on « monte » sur un vélo (et pas forcément le sien puisque la location existe, location que les cavaliers n’ont pas connue en ville autrefois) qui ni n’hennit ni ne mange de foin ni ne largue de crottins. A dire vrai, la moto est peut-être la plus logique héritière du cheval, ne serait-ce que par les jambes du motard serrant le corps de son véhicule, notamment dans les vitesses équivalentes au trot et au galop. Alors que la danseuse dans les côtes rapproche plus le vélo d’un art (la danse) que d’un sport (l’équitation). Pour Mémoire, la roue fut inventée en -3000 av JC en Mésopotamie et le vélo en France au XIXe siècle alors même que les chevaux était encore en ville le principal moyen de transport.

En 1817, le baron allemand Drais présente sa première « draisienne », un véhicule à deux roues reliées par une traverse en bois sur laquelle se trouve un siège. Le « draisien » devait s’y asseoir à califourchon et avançait en donnant des impulsions sur le sol avec les pieds. La roue avant se tournait avec un « dirigeoir », préambule du guidon ! Il s’agissait de marcher vite… avec l’aide des roues !

En 1839, c’est le forgeron écossais, Kirckpatrick Mac Millan, qui invente le système des pédales permettant de rouler sans toucher le sol.

En 1867 sont vendus les premiers « Vélocipèdes » à pédales inventés par le serrurier parisien Michaux. Sur ces premiers vélocipèdes, les pédales sont fixées directement sur la très grande roue avant (1 mètre de diamètre). Le Grand Bi eut une roue avant qui mesurait 1,50 mètre de diamètre, permettant d’aller plus vite, mais devenant dangereux car il fallait être un acrobate pour se hisser à la selle et s’y tenir

En 1877, Starley fabrique les premiers cadres du vélo en tube d’acier et, en 1880, naît la bicyclette de Lawson, équipée d’un système de transmission par chaîne, du pédalier vers la roue. Désormais, c’est la roue arrière (via le pignon) qui fait « avancer » le vélo !

En 1900, les frères Gauthier inventent « la bicyclette hirondelle », avec 2 roues de même taille, une transmission par chaîne et des pneumatiques gonflés à l’air : un premier moyen de locomotion si rapide qu’il était utilisé par les policiers !

La moto est légèrement postérieure au vélo, mais peut être vue comme son perfectionnement. Inventée par l’ingénieur mécanicien français Louis Guillaume Perreaux qui dépose son brevet d’invention en 1868, elle est nommée par son inventeur « vélocipède à grande vitesse » qu’on appellera en 1885 « la moto Perreaux » dotée d’un moteur à vapeur placé sous la selle. Quitter le rendement du vélo optimisé par le mouvement du corps (via les pédales ou le mouvement des pieds au sol) au profit d’un moteur entraînant une vitesse fait rivaliser la moto, du point de vue la vitesse, non avec le vélo, mais avec le cheval. La moto est un nouveau bourrin que n’a jamais été le vélo. D’où le fait de « se tirer la bourre » entre motards (même si l’expression vient de la chasse, selon ceux qui « pondent » les dicos, mais qui ne conduisent visiblement pas de moto !).

Mais alors, qu’est-ce qui justifie cet essor au XXIe siècle du vélo électrique ? L’intelligence ? Peu probable ? Le goût de pédaler ? Encore moins, dans la mesure où le moteur électrique transforme le pédalage en un emballage idéologique puisqu’il faut mollement pédaler pour déclencher le moteur électrique ! A dire vrai, le vélo électrique est le fruit d’un projet politique et sociétal visant à réduire le nombre des voitures supposées occuper trop d’espace en ville tout en prétendant les remplacer par un véhicule non polluant au cœur de la cité (polis, en grec ancien).

Il est vrai que vélo électrique pollue directement moins qu’un solex, qu’une mobylette ou qu’une moto ! Mais directement seulement, car l’électricité de ce vélo repose en grande partie sur sa source : à l’heure actuelle, la batterie de ce vélo se recharge un peu en roulant, mais elle doit être rechargée la plupart du temps dans un chargeur branché au système électrique qui ne vient pas de l’énergie pétrolière, mais la plupart du temps, d’une centrale nucléaire !

Le vélo électrique est donc le vecteur discret de l’énergie nucléaire.

Pensons alors à l’Allemagne qui chercha à fermer, suite à l’accident nucléaire de Fukushima au Japon en mars 2011, la totalité de ses centrales nucléaires en les remplaçant par des énergies renouvelables (éoliennes, centrales solaires, etc.) ainsi qu’avec des turbines à combustion entrainant la hausse de la production de charbon et donc la pollution ! Il s’agit là d’un tournant énergétique réalisé par le parti politique, les Verts (Die Grünen) voulant faire sortir l’Allemagne du nucléaire, ce pays s’avérant le premier au monde à avoir arrêté ses centrales nucléaires de manière prématurée sans motif économique ou technique ! Résultats : les émissions allemandes de carbone sont supérieures à la moyenne européenne atteignant 294 g CO2/KWh. L’ère du vélo électrique et de la fermeture des centrales nucléaires se caractérise du coup par ce fait paradoxal : il y a en Allemagne plus de carbone produit que celui issu de tout l’aérien (les avions) en France ! Et pourtant 720.000 vélos électriques ont été vendus en 2017 en Allemagne ! Et près d’un million par an dans les années 2000 ! Vélo électrique oblige !

Le vélo électrique est donc un véhicule extrêmement paradoxal : parti d’un mode de véhicule qui muscle et suppose un effort physique, il est devenu le véhicule le plus ridicule par son paraître. Sa propagation est similaire à celle d’un gouvernement qui, dans un film non encore sorti, montrerait qu’il faut encourager les personnes non handicapées à se déplacer en chaise roulante  électrique !! Chassons l’effort et le goût du sport au profit du confort !

Rappelons que ce pseudo vélo qui vole au vrai vélo son usage pour en garder l’image s’appelle aussi un pedelec (terme issu de l’anglais : pedal electric cycle qu’il faudrait traduire non comme un pédalo électric, mais par un V.A.E : vélo à assistance électrique, syntagme et appellation plus objective que pedelec qui trahit la faiblesse, voire la décadence de cette civilisation encourageant les citoyens à devenir des êtres assistés, et, dans ce cas, apprivoisant un animal rationnel musclé en lui faisant accepter de se dé-muscler !

Toujours en anglais, ce pseudo vélo est aussi appelé un « e-bike », vélo avec une assistance électrique ou un  « EPAC » (Electronically Power Assisted Cycles). Le vélo s’envole à travers ce bidouillage électro-mécanique tandis que son utilisateur s’enrobe dans la fainéantise en délaissant « le vélo musculaire ». Une question me vient qui ne concerne pas les allemands : que feront les utilisateurs de ce nouveau vélo si explose la centrale nucléaire qui alimente sa batterie : partiront-ils pour fuir la contamination nucléaire, en pédalant fort leur pedelec non rechargé, par fidélité à leur écologisme, ou prendront-ils leur vélo préhistorico-musculaire ou leur vieille bagnole pourrie pleine d’essence ou de diesel ? Peut-être la réponse est-elle saine, mais pas verte ?


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1 commentaires sur « Le paradoxe écologique du vélo électrique »

  1. Petites erreurs historiques dans votre texte, par ailleurs très juste dans l’ensemble (en particulier la dépendance à l’électricité des VAE, pas très écologique). Ce n’est pas les frères Gauthier qui ont inventé les hirondelles. Ils ont copié une bicyclette anglais de marque anglaise (Rudge) en 1886 à Saint-Etienne. Et ensuite, c’est la Manufacture française d’armes et de cycles, création d’Etienne Mimard et Pierre Blachon en 1885, qui lancera en 1888, les vélos, tandems, vélomoteurs et motos de marque Hirondelle, objets vendus dans le fameux catalogue Manufrance, entreprise disparue en 1985.

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