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De Napoleon à Benatov

Jean-François Marchi

Durant le voyage qui nous conduisait à Pesaro, petite ville située sur l’Adriatique, pour célébrer le bicentenaire de la naissance de Gioachino Rossini, l’immortel auteur de l’opéra Le Barbier de Séville, en compagnie du génial sculpteur Leonardo Benatov, dit tout simplement « Benatov »,  afin de le différencier de son  père, le peintre russe de l’école de Paris homonyme, nos épouses  et une petite troupe d’amateurs d’art, je réfléchissais à ce point singulier des commémorations : personne ou presque ne resitue avec précision l’environnement social et politique du pays concerné à l’époque de la naissance du grand Homme que l’on célèbre.
C’était vrai pour Rossini, tandis qu’on s’apprêtait à offrir à la ville de Pesaro un buste en bronze représentant le musicien, modelé par la main puissante de Benatov. Cette oeuvre remarquable d’expressivité qui campe l’artiste  dans sa période parisienne, la dernière, celle de la petite messe solennelle et des péchés de vieillesse, était amenée  à illustrer l’intemporalité narquoise de l’époustouflant maître de la vocalise et des apogiatures, dernier baroque et premier des romantiques avec Weber.

A sa naissance, le 29 Février 1792, l’Italie était le théâtre du bouleversement que dans l’ordonnancement de L’Europe, la Révolution et  bientôt l’Empire allaient apporter au monde. En 1792, l’Italie est partagée entre le nord sous influence autrichienne et les Bourbons qui règnent à Naples, le pape et les états  pontificaux pondérant depuis la ville éternelle, Rome, la péninsule et le continent transalpin. Bientôt Napoléon passera les Alpes et créera la République Cisalpine  sur les ruines de Venise, après la déroute des armées autrichiennes, balayant sur son passage l’ordre ancien et la situation des familles, telle celle de Rossini précisément, dont le père sera transporté  d’enthousiasme par le nouvel idéal qui submerge la société de l’époque.

Rossini, qui sera l’ami et l’admirateur de Balzac, partagera avec ce dernier la vénération de la comète Napoléon, qui a illuminé et orchestré le basculement de la civilisation de l’ancien régime, avec un attachement sincère et réfléchi cependant aux monarchies conservatrices qui seront érigées en conséquence du Congrès de Vienne, qui soldera trente ans de tourmente révolutionnaire et guerrière  en Europe.

Génies paradoxaux, et l’un et l’autre, ils témoigneront leur vie durant de la plus vive admiration pour le personnage stellaire de Napoléon et se feront pourtant les artisans de la modération conservatrice, là où ils se trouveront. J’étais loin, dans ces songeries, de penser qu’un  jour le même Leonardo Benatov serait choisi pour décorer l’aéroport d’Ajaccio d’un buste de l’immortel Empereur, évènement survenu en 2002, qui s’accompagnera du changement de dénomination du lieu en « Aéroport International Napoleon Bonaparte ». Dix ans plus tard à Paris, quai de la Corse au Tribunal de commerce, sur l’invitation en grande pompe du premier Président de la cour d’Appel, Monsieur Jean-Claude Magendie, en compagnie du président du tribunal de Commerce  Mme Perette Rey, du Procureur Général et du Premier président de la cour  de Cassation, sera installé un buste monumental de Napoléon III, dû à la patte définitive de l’impérial Benatov. Grandiose apothéose !

Ces temps glorieux rappellent une moment où la France n’avait pas honte d’elle-même. L’Art nous dit tout des époques qu’il concerne, ainsi que de l’état de la société. Epoques resplendissantes que celles que j’évoque, quand aujourd’hui, la matinée du jour d’après la fête, ce ne sont que décombres, comme l’eut dit Rebatet, chaos et friches partout alentour, aussi bien à l’extérieur que dans un Paris  qui devient  le paradis des rats. Cela nous rappelle une fable de Jean de La Fontaine, Les grenouilles qui se cherchent un roi. Pour le coup elles ont trouvé une reine, et laquelle !

C’est le travail des commémorations et des honneurs dédiés aux maitres révérés de l’Histoire et de l’art que de ressusciter le bonheur.

Que vienne donc Napoléon Benatov, ce maître incontesté de la beauté et de la force. Les temps sont propices aux augures.

Par ailleurs, ce qui se passe à l’Assemblée Nationale réveille la fierté endormie d’un peuple assoupi de mensonges, qu’une descente aux enfers a conduit auprès des rives du Styx, le fleuve souterrain qui sépare le royaume des morts du monde des vivants. Il en était grand temps. A propos de Styx, il me revient en mémoire les vers de Stéphane Mallarmé :

Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx (miroir, psyché)
Aboli bibelot d’inanité sonore,
Car le Maître est allé puiser ses pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s’honore.


Eh oui, ça va de soi ! Nul besoin de regarder dans le miroir, les vampires n’ont pas de reflet. Pour autant,  que la beauté d’hier illumine le présent.

A propos des mensonges continuels prodigués par le pouvoir, qui ensommeille notre âme, cette déclaration tout simplement bébête de Mme Borne, premier ministre, après l’adoption du texte sur l’immigration.

« C’est une grande victoire de la majorité et nous avons déjoué le piège du RN puisque la loi a été adoptée sans ses voix ». Certes, certes. Cependant, la réalité est quelque peu différente. Ce texte divisait profondément les partisans de l’actuelle minorité, en charge des intérêts de la nation, minorité relative en somme. Il n’aurait probablement pas été voté par les seuls députés macronistes en l’état, mais la décision de Marine Le Pen de le voter, contre toute attente, a contraint, bon gré mal gré, les macronistes à le soutenir pour éviter l’humiliation d’un texte adopté grâce au soutien des adversaires du pouvoir.

C’eut été la catastrophe programmée et l’éclatement assuré de la minorité de gouvernement.

Le premier ministre n’a sauvé que ceux de ses meubles qui ne sont pas trop vermoulus en somme. C’est tout. C’est un joli coup d’escrime, une feinte comme on dit, une botte, qu’a utilisée le RN. Tout le contraire de ce qu’annonce avec son autorité d’institutrice, la Borne en pétard.

Bref, et pour finir, à tous ces discours de Préau, a répondu une gifle de moutards.

C’est du joli !

Jean-François Marchi


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