Parmi ses poèmes s’imposent évidemment ceux qui relatent et exaltent l’oeuvre de l’oncle de sa tête de turc, lui-même empereur, Napoléon 1er. Pour ce personnage il professa une admiration plus qu’absolue.
Je viens de parler de tête de Turc, ça nous ramène à la réalité. A cette époque la guerre greco-turque et les massacres qui y furent commis par les turcs épouvanta l’Europe. De Byron à Rossini qui remixa pour cette occasion son opéra Mahometto II pour en faire le génial Siège de Corinthe, l’Europe, pendant l’époque qui va de Charles X au second Empire s’indigna d’un même choeur en faveur des victimes de la barbarie turque. C’est à cette occasion que Hugo composa le sublime poème dont la conclusion est si actuelle et prémonitoire.
L’île grecque de Chio a été dévasté par les armées sanguinaires du sultan.
Le poète s’adresse à un enfant rescapé du carnage.
Que veux tu? Fleur, beau fruit ou l’oiseau merveilleux?
– Ami, dit l’enfant grec, dit l’enfant aux yeux bleus,
– je veux de la poudre et des balles.
C’est bien que le poète fasse taire les raseurs, raconteurs de morale et prêchi-pêcheurs de toutes sortes qui sont à la réflexion et à l’action concertée ce que la tisane au bromure est au Chambertin de l’Empereur. Ne châtrons pas la juste aspiration à l’ordre souverain de la remise en ordre au nom d’une modération qui en l’occurence n’est plus de mise.
La parole est au poète Gerard de Nerval :
Tu demandes pourquoi j’ai tant de rage au coeur
Et sur un col flexible une tête indomptée ;
C’est que je suis issu de la race d’Antée,
Je retourne les dards contre le dieu vainqueur.
Oui, je suis de ceux-là qu’inspire le Vengeur,
Il m’a marqué le front de sa lèvre irritée,
Sous la pâleur d’Abel, hélas ! ensanglantée,
J’ai parfois de Caïn l’implacable rougeur !
Jéhovah ! le dernier, vaincu par ton génie,
Qui, du fond des enfers, criait : » Ô tyrannie ! «
C’est mon aïeul Bélus ou mon père Dagon…
Ils m’ont plongé trois fois dans les eaux du Cocyte,
Et, protégeant tout seul ma mère Amalécyte,
Je ressème à ses pieds les dents du vieux dragon.
En bref, c’est le moment de penser ferme. Sans chichis.
J’ai voulu en citant ces poèmes illustrer la juste colère des citoyens ulcérés par le glissement sémantique qu’organise la vileté d’être, quand la lâcheté se pare des vertus de la prudence et de la précaution. Nulle prudence, nulle habileté ne prémunissent contre la folie destructrice des exaltés, sinon la modération obligée qu’assure la « neutralisation » sans merci des forcenés.
Ce n’est pas le moment de laisser s’épanouir ce que les criminologues nomment le syndrome de Stockholm qui est, dans le cas des prises d’otages, la contamination des victimes par la folie homicide de leurs agresseurs. Dans le cas d’une entreprise terrifiante d’extermination, le monde entier des spectateurs en est une des victimes collatérale par la sidération qu’elle impose . Il faut refuser toute attitude permissive dite de « compréhension » , qui ne serait en l’espèce pas autre chose que l’antichambre de son acceptation.
La seule manière de « comprendre » qui s’en prend à des familles et à des enfants, est de s’assurer qu’il disparaisse du champ des dangers potentiels : l’arrêter et le juger, et si c’est impossible, le détruire.
Le blablabla, prenons en bien conscience, n’est que l’engrais qui permet le développement et la croissance de la fleur hideuse du fanatisme.
Pensons à l’enfant grec du poème de Victor Hugo, rescapé du massacre de Chio, et respectons son désir.
Se prémunir et prévenir, ce n’est pas se venger.
Jean-François Marchi