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- Les outrances à la TV
- Rôle social des chaînes de télévisions
- Vie d’une chaîne de télévision : entre modernité et identité
- Je pointe, encore à décharge, l’accélération de réalisations du travail des chaînes de télévision
- S’ajoute l’impact des réseaux sociaux et de l’IA dans la vitesse de production des émissions
- En conclusion
L’Assemblée nationale a largement diffusé les auditions de la commission d’enquête présidée, par l’appliqué et sérieux député Quentin Bataillon, des dirigeants du groupe Canal dont l’emblématique Vincent Bolloré.
Les premières auditions ont été passionnantes et intellectuellement très intéressantes.
Elles se poursuivent jusqu’à la fin mars 2024.
J’ai toujours été une avocate du pluralisme de l’information et de sa qualité. Quand LCI était menacée de fermeture, il a quelques années, j’avais écrit une tribune intitulée :
« A 20 Ans, c’est trop jeune pour mourir ! » et je m’étais rendue au CSA. Nous avions sauvé LCI de la guillotine ! Certains l’ont oublié-moi pas.
En 2024, je réitère mon plaidoyer.
Le sujet n’est pas binaire : les méchants/les gentils.
Monter une chaîne est une aventure risquée, ardue, explosive et où tout peut arriver et évidemment les dérapages.
Les outrances à la TV
Je souhaite plaider pour la vie pérenne de ces chaînes quels que soient les boulettes, les bêtises, les propos outranciers, tout en comprenant, naturellement, les légitimes sanctions.
Sur C8, Cyril Hanouna utilise parfois un vocabulaire imagé et vulgaire tels que « fermer sa gueule » et « chasser les rats la nuit au lieu de dire des conneries » et encore « bande d’abrutis » ou nous fais pas chier», réitérant l’expression « ferme ta gueule », lors d’une édition de « Touche pas à mon poste ». Récemment, cela a valu des amendes de 300.000 euros à la chaîne C8.
Tout cela, je le mesure parfaitement.
Je suis aussi indulgente.
Je pardonne même.
Un : parce que les gens banalisent, à terme, ces écarts de langage. De même que les accusations de manipulation me laissent toujours pensive. En 2024 , pensez-vous que l’on puisse encore et « durablement »abuser l’opinion ? Existe une maturité informationnelle dans une opinion publique ultra-informée. Bouillonnante, réactive, inattendue, l’opinion publique s’est renforcée et s’exprime à tout va.
C’est pourquoi, les outrances d’Hanouna sur C8 : c’est choquant mais pas longtemps.
Le tout est pour le Sieur Hanouna de ne pas faire de la vulgarité, un fond de commerce, au futur, en guise d’identité.
À décharge aussi, de préciser aussi que le relationnel entre les politiques et C8 est complexe : certains élus refusent aujourd’hui et systématiquement leurs invitations, dont LFI, d’où les déséquilibres politiques, in fine…
Deux : parce-que je me positionne sur les enjeux globaux et notamment leur utilité
« sociétale ».
Rôle social des chaînes de télévisions
Si la télévision est, sans cesse commentée ou critiquée, et parfois réprimandée, elle reste un lien social indispensable pour une très grande partie de la population. Il faut la soutenir, au pluriel !
Elle joue un rôle, de ce que je qualifie de « baromètre sociétal »
En même temps, les chaînes de télévision fabriquent un imaginaire collectif.
Elles sensibilisent les individus.
Elles provoquent des indignations, des adhésions, bref des conversations, des implications collectives.
J’aime cela.
Il y a de la vie dans tout cela .
Au creux de notre panorama audiovisuel français, tout comme la presse écrite et les radios, toutes ces chaînes d’infos en continu contribuent à combattre une certaine déculturation qui reste tapie au coin de la rue. D’autant plus que les jeunes générations sont rivées sur leur smartphone. Tous nos médias nous accompagnent dans notre vie. Pendant le Covid, cahin-caha, ils ont été une lucarne de soutien, de tous les instants dans tous les foyers de France. À l’heure de l’individualisme, ils comblent souvent les solitudes des êtres.
Plus que jamais, nos chaînes de télévision remplissent un rôle précieux au « vivre-ensemble ». Globalement, elles véhiculent, au quotidien et entre autres, un aspect positif sur la vie de tous les jours avec une quantité d’informations inouïe.
Vie d’une chaîne de télévision : entre modernité et identité
Depuis son apparition, aux Etats-Unis, avant la seconde guerre mondiale, la télévision n’a cessé de connaître des succès fulgurants, des transformations et d’incarner la modernité.
Et le nombre des chaînes n’a cessé d’augmenter pour le plus grand plaisir des téléspectateurs qui ont, désormais un choix considérable, 7 jours sur 7 et 24 H sur 24.
Le direct de télévision : ce n’est pas rien.
Le quotidien : c’est de l’adrénaline 24 H sur 24.
Les horaires de travail sont fous, stressants, exaltants et la fabrication des émissions : sujets de passion et de colère. Leur réel est tout à la fois, excitant, fatiguant, singulier et étonnant. Ça pète, ça hurle, ça pleure, ça vibre, ça vocifère.
Nous sommes dans l’univers de la création et de la télévision. Et par ricochet, le relationnel professionnel est différent et volcanique.
Monter une émission, créer un succès, construire une alchimie audiovisuelle est avant tout, un tango de femmes et d’hommes. Cela ne relève pas, non plus, de l’intelligence livresque et comptable.
Ces émissions télévisuelles sont des hybrides vivants. Chaque chaîne de télévision a une « âme » en quelque sorte, un capital image qui s’est cristallisé et la définit. Chacune sculpte sa différence avec plus ou moins de brio, ce que je nomme le «positionnement stratégie identitaire ».
Les télévisions émeuvent aussi quand elles diffusent un excellent film ou documentaire…
Elles fidélisent grâce à leurs programmes, leurs signatures journalistiques et leurs calques sociologiques les plus exacts possible. Ulysse Gosset reste la vedette de BFM, Marc Menant s’est brillamment singularisé avec talent sur Cnews, Frédéric Delpech affiche, en constance, son professionnalisme sur LCI … et tant d’autres.
Les chaînes oscillent entre succès et autres. Mais, elles sont ultra-concurrentes. Cnews est en tête des gondoles depuis 3 mois malgré ses écarts.
LCI pionnière de référence, a bizarrement, au nom d’une pseudo audience, changé sa ligne éditoriale, en ne privilégiant que l’international et en diminuant ou supprimant presque tous les débats et rendez-vous de politique nationale. Quelle idée. Quel déséquilibre. Quel chagrin. Un des ADN de la France reste un amour/détestation du politique… BFM TV scrute le scoop et privilégie le terrain et la vitesse. France infos tente de trouver son identité et subit, de guerre lasse, les injonctions de changement pas toujours très heureuses et de bon sens.
Les télévisions ne sont pas des entreprises comme les autres, même si elles ont d’importantes retombées économiques, publicitaires et financières.
C’est un monde à part, d’artistes, de créateurs, de journalistes qui vivent et vibrent beaucoup plus qu’on le croit pour leur métier.
Et notre panorama audiovisuel français n’est pas si mal que cela quand on voyage et observe à l’étranger !
Et Dieu que notre télévision nous ressemble étrangement !
Je pointe, encore à décharge, l’accélération de réalisations du travail des chaînes de télévision
Simultanément, le rythme de vie s’est accéléré. Les chaînes travaillent de plus en plus vite. Les infos valsent au son d’une étourdissante symphonie de l’audience. L’information galope, court, se superpose et s’enchevêtre. A l’évidence, un consumérisme informationnel grandissant règne : une info en chasse une autre. Toujours plus vite… Évidemment, les journalistes le déplorent.
Nous sommes les témoins contemporains d’une époque transformée par « le court-termisme » permanent, axé sur l’événement immédiat.
Les journalistes doivent, depuis des années doivent s’adapter à cette rapidité, avec, en prime, les sanctions des scores d’audience. L’audience continue de jouer un rôle d’arbitre qui a nivelé souvent par le « facile », si ce n’est pas, par le bas. Trop souvent, aimantée par l’actualité immédiate, nous avons un stupéfiant mimétisme : les mêmes infos au même moment, quelle que soit la chaîne d’infos. Toutes rivalisent dans une course effrénée du direct, du scoop de l’actualité. Et ça donne ce mimétisme lassant.
S’ajoute l’impact des réseaux sociaux et de l’IA dans la vitesse de production des émissions
Le contexte audiovisuel (tout comme la presse écrite et les radios), est également frappé par les micro-acteurs sociaux, dans le panorama audiovisuel :
les hashtags, les tweets à l’antenne, les intox, les applications avec contenus spécifiques sur Smartphone, les « conversations-gazouillis » sur Twitter…
J ai déjà appelé les réseaux sociaux , « les égouts de Paris ». Ils favorisent tour à tour, l’intox, le populisme et le communautarisme. S’ils peuvent être, parfois, le meilleur, ils incarnent souvent le pire. Ils sont là. Et faut faire avec. Ils accélèrent la course de la production du contenu journalistique. Les réseaux sociaux ont durablement envahi les émissions de télé et « l’Internatisation » de la télévision pousse les portes des chaînes avec un Internet omniprésent et une « télé connectée »…
Au bal du contemporain, l’intelligence artificielle est sur toutes les bouches. Une chaîne TV d’information dont les images et les présentateurs seront générés intégralement par l’intelligence artificielle : est-ce pour aujourd’hui ? Raison de plus pour soutenir les journalistes en 2024.
Chacun comprend que ces mouvements sociaux, l’intelligence artificielle déjà, impactent irrémédiablement sur tous les processus de création et de réalisation concrète des programmes audiovisuels et des autres médias, indispensables.
En conclusion
S’il est naturel de stopper le mieux possible des dérapages outranciers et mensongers, il est, aussi, nécessaire que l’Arcom, autorité indépendante, incarnée par l’aguerri Roch-Olivier Maistre, ne soit pas seulement être dans le répressif et le juridique mais montrer son excellence compréhension de la vie des chaînes et son attachement à leur diversité. C’est leur pluriel qui en constitue la valeur.
La décision du renouvellement des fréquences de certaines chaînes de télévision, in fine, appartient à l’Arcom, le 6 mai 2024.
Dans notre univers de la TNT, il est plus que jamais nécessaire que les chaînes d’info en continu jouent à armes égales… À côté des radios, de notre chère presse écrite, nos chaînes de télévision doivent rester des médias de masse créatifs,parfois audacieux et insolents, diverse, émotifs et formidablement vivants.
Elles vitalisent le pluralisme de l’information, à côté de l’indispensable presse écrite et de nos excellentes et plus libres radios ! Et, au-delà des « querelles » trop simplistes, souhaitons que la création, la qualité priment sur la technique, les sanctions, les audiences.
Que le compréhensif et l’indulgence soient les bienvenus quand on statue sur leur devenir et cahier des charges. Je défends ce pluralisme des chaînes et leur survie. À toutes ! Vous le savez si bien : prendre la défense des médias, c’est revendiquer la pérennité de notre démocratie, enviée de part le monde.
L’information restera, espérons le, notre reflet démocratique parce-qu’ensemble, elle respire notre présent…
Longue vie à toutes nos chaînes de télévision.
Ghyslaine Pierrat
Directrice parlementaire
Docteur en communication politique et économique, Spin doctor
Auteur de 3 ouvrages : « La communication n’est pas un jeu », « Macron et les autres », « Qui sont les acteurs et les influenceurs de la vie politique française ? », aux éditions de l’Harmattan-Paris.
