Par André Perrissel
De la pandémie jusqu’à la guerre en Ukraine et le retour de l’inflation, l’économie immobilière est irrémédiablement soumise aux politiques monétaires et aux flux mondiaux. Ainsi, les prix et les ventes ont augmenté démesurément dans les pays développés après-COVID avec des taux d’intérêt historiquement bas ; puis les prix décélèrent et les ventes chutent en 2022 avec des taux d’intérêt d’un niveau record depuis 10 ans. Allons-nous vers un krach immobilier ?
Le ministre en charge du logement, Patrice Vergriete, lors d’une conférence dans le cadre du Cercle des Managers Immobiliers, lance une alerte : « En France il y a un décalage massif entre l’évolution de l’immobilier et le pouvoir d’achat des ménages. Cela fait longtemps que l’on s’inquiète de cet état comme d’une sorte de bulle. Cette bulle spéculative, le jour où elle éclate, la crise est grave et c’est ce que l’on vit aujourd’hui. » Le ministre met en exergue la possibilité d’un krach résultant d’un effondrement des prix immobiliers, ce que les américains appellent « le cygne noir ».
Mais qu’est-ce qu’une bulle spéculative ?
La bulle est nourrie par la spéculation, c’est-à-dire lorsque l’acquéreur investit dans l’espoir de réaliser un fort profit. Elle peut également survenir dans le cas d’un afflux d’offres, par exemple, une surproduction de logements, ou d’une crise de l’emploi avec des ménages qui ne font plus face aux échéances de leur prêt. La bulle éclate lorsque les valeurs sont tellement disproportionnées que tout le monde souhaite vendre.
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Ce n’est pas la situation dans laquelle nous nous trouvons : il y a certes un décalage entre les prix et le pouvoir d’achat des acquéreurs mais le marché n’est pas spéculatif.
La hausse des taux rend-elle les prix abordables ?
Selon la Banque centrale européenne (BCE), la solution pour rendre le prix des logements abordables est d’augmenter les taux hypothécaires, et raréfier la demande en diminuant le pouvoir d’achat des acquéreurs. Cela ne fonctionne pas : malgré l’augmentation des taux depuis plus d’un an, force est de constater dans le monde entier que les prix ne baissent pas en proportion.
La BCE a relevé ce 14 septembre son taux d’intérêt de référence à 4,75 %, son plus haut niveau depuis la création de l’euro. Christine Lagarde reste sur son crédo, lutter contre l’inflation, au risque d’une récession économique. En zone euro, l’inflation est certes en recul, à 5,5 % sur un an en juin, mais ce chiffre reste très au-delà de l’objectif de 2 % fixé.
La conjoncture immobilière dans le monde
Partout dans le monde, le niveau des stocks reste bas en raison du déficit de construction neuve et de l’attentisme du marché de l’achat-revente dans l’existant. Le marché global n’est pas un marché spéculatif, comme cela a pu l’être en France dans les années 1990, et les prix sont résilients. Une portion importante de propriétaires ne négocie pas le prix de mise en vente ; les mises en vente sont ralenties par les propriétaires qui ne s’engagent pas avec un crédit plus cher. Dans le même temps, la part de financement sans prêt augmente. Les locataires à revenus moyens ou les primo-accédants se voient interdire l’accès à la propriété. Plutôt qu’un effet « cygne noir », on crée les conditions idéales pour une nouvelle fracture sociale.
Les variations régionales sont plus ou moins marquées, mais les tendances en cette fin 2023 sont très similaires. Aux États-Unis, sur les cinq premiers mois de 2023, les prix moyens ont repris 10 %, certes avec une baisse de 6 % à la même époque en 2022. Le nombre de ventes y accuse -2 %, ce qui représente tout de même 8 millions de logements. En France, selon les chiffres officiels des notaires au deuxième trimestre 2023, les prix ont augmenté de 0,5 % sur un an, avec -15 % de volume de ventes dans l’existant, – 34 % dans le neuf. En Allemagne, les prix chuteront de 3,5 % en 2023. Au Royaume-Uni les valeurs devraient chuter d’environ 3 %, avec un nombre de ventes de logements finalisées au cours de 2023 inférieur de 21 % à celui de 2022, niveau le plus bas depuis 2012. Au Canada les prix ont chuté en moyenne de 4 %, avec une chute du nombre de ventes de 13 %.
Quel scénario pour 2024 ?
Le problème actuel du logement – et c’est mondial – est la pénurie d’offre. Il y a une pénurie d’environ 4 à 5 millions de logements en Amérique depuis 2019. On estime, pour la France et l’Allemagne, à 400.000 les besoins de logements neufs par an. Cet objectif est loin d’être atteint. “Cela est dû à une croissance de la population et de l’emploi qui a dépassé la construction de nouvelles maisons”, a déclaré Lawrence Yun, l’économiste de la National Association of Realtors. « Ensuite, la pénurie s’est aggravée au cours de la première année du boom immobilier dû au COVID-19, car beaucoup souhaitaient profiter des taux d’intérêt historiquement bas. La pénurie s’est intensifiée lorsque les taux hypothécaires ont grimpé en flèche en raison du refus des propriétaires de vendre et de perdre l’avantage de leurs taux bas bloqués. »
Lawrence Yun voit deux scénarios futurs se jouer en fonction de divers facteurs.
Le premier est « un certain apaisement » de l’économie et de l’inflation, qui pourrait conduire à une légère baisse des taux hypothécaires et à l’arrivée d’un plus grand nombre d’acheteurs sur le marché. Cela dépendrait également de l’intensification de la construction par les promoteurs et de la rénovation de logements existants.
Les prix de l’immobilier ne s’effondreront pas dans ce scénario”, a déclaré Yun. “La croissance des prix de l’immobilier dépendra de la capacité des constructeurs d’habitations à apporter une offre suffisante sur le marché.”
L’autre scénario est celui où une récession économique entraîne des pertes d’emplois et, par conséquent, une vente forcée de maisons et une perte de confiance des consommateurs. Cela entraînerait également des taux d’intérêt beaucoup plus bas, et environ 70 à 80 % des ménages ayant un emploi stable pourraient profiter de ces taux.
“Nous n’assisterons pas à une répétition du krach du marché immobilier de 2008 à 2012. Il n’y a pas de prêts hypothécaires à risques qui pourraient imploser, ni la combinaison d’une offre excédentaire massive et d’une surproduction de logements”, a-t-il déclaré.
Le marché immobilier actuel n’est pas spéculatif, les prix se justifient par une demande élevée avec la pénurie de biens sur le marché. La politique monétaire des banques centrales n’a qu’un effet marginal sur le prix des logements. L’ajustement se réalise sur le volume des ventes. Il s’ensuit un effet d’exclusion à la propriété immobilière d’une partie de la population à revenus moyens. A se tromper sur les causes, on se trompe sur les remèdes. Les pouvoirs publics doivent être extrêmement attentifs au soutien de la dynamique du logement et à l’investissement privé.
André Perrissel
World Property Business Club
“La politique monétaire des banques centrales n’a qu’un effet marginal sur le prix des logements.” => N’importe quoi, prenez votre calculatrice et vous verrez si cela n’a pas d’impact.
La bulle vient justement des taux à moins de 1%…
Avez vous réellement un avis objectif ?
« Le marché immobilier actuel n’est pas spéculatif » la blague. Ça sent l article tente d influencer l opinion pour préserver ses propres intérêts 😂
Quand on dit qu’un marché n’est pas spéculatif, c’est que la spéculation est marginale et non essentielle, c’est-à-dire que les achats sont principalement motivés par un besoin et non l’intention de revendre. Les délais de détention moyens en attestent (4 ans aujourd’hui).
Le marché immobilier français depuis 2000 est plus spéculatif que la décennie de fin du siècle dernier (à cause du krach de 91) mais pas plus que dans les années 80.
En France, on achetait jusqu’à présent pour se loger et on achetait avec d’autant plus d’aisance qu’on savait que c’était un marché à tendance haussière, de quoi couvrir les frais de mutation et les taxes. Le temps de détention d’un bien est passé de 11 ans en 99 à 4,5 ans en 2017, ce qui n’est pas à proprement parler spéculatif : la spéculation immobilière est régulée, la loi précise que le délai de détention doit être inférieur à 4 ans pour être fiscalement et socialement considéré comme une activité spéculative. Ce dynamisme non spéculatif sert les intérêts de beaucoup de personnes, par l’intermédiaire de l’État, qui récolte les frais de mutation et autres taxes sur les plus-values pour les redistribuer, comme chacun sait.
Cet article ne me semble pas avoir été écrit, justement, pour influencer, mais pour une fois, pour informer. Macron ne soutient pas le secteur immobilier, il le taxe de plus en plus, visant en particulier les multi-propriétaires et parmi eux ceux qui en font une exploitation “commerciale”. Il ne soutient pas non plus les promoteurs de programmes neufs, ce qui en dit long sur son rapport à la pierre. Ce sont par ailleurs les emprunts massifs de l’État, pour financer la politique de Macron, qui contribuent le plus à l’inflation et donc à l’augmentation des taux qui pénalise aujourd’hui l’investissement du particulier dans son habitation. On peut imaginer que le but paradoxal du gouvernement est de faire baisser le prix moyen du logement au bénéfice du plus grand nombre, quitte à ce que cette baisse se réalise aux dépens des propriétaires les plus fortunés. De fait, c’est ce qui est en train d’arriver.
Ce n’est donc pas un éclatement du bulle sur un marché spéculatif, comme l’explique bien cet article. C’est un mécanisme basé sur des fondamentaux qui le rendent plutôt solide et prévisible, même dans une conjoncture instable. C’est aussi la confirmation que le patrimoine immobilier français dans son ensemble a bien une valeur intrinsèque, durable, résiliente aux secousses, parce que s’il s’était agi d’un marché spéculatif, les investisseurs auraient immédiatement anticipé la baisse des valeurs et réorienté leurs fonds vers d’autres types d’actifs. Or, on voit bien ici que le frein vient non pas de l’investisseur mais du particulier qui ne trouve pas son crédit. Les faits corroborent l’analyse.
(((Je comprends que ceux qui sont frustrés par la capacité de certains à investir et s’enrichir, par comparaison, adoptent une vision accusatrice qui leur laisse espérer que leur échec vient d’une manipulation active d’acteurs économiques et politiques. C’est justement, pour une fois, ce que cet article évite, le côté populiste qui donne toutes les raisons aux plus fragiles de croire que leur fragilité ne vient pas d’eux-mêmes. Quand on accuse quelqu’un d’avoir causé sa faiblesse, comme le fait de dire que le marché immobilier est spéculatif, sous-entendu les gens qui achètent le font pour de mauvaises raisons qui nuisent à d’autres, on fabrique sur mesure une narration qui justifie l’échec de quelqu’un d’autre. Je crois qu’il faut assumer ses échecs sans les imputer aux autres si on veut éviter l’échec perpétuel. Mais c’est un autre débat.)))
Très bien vu. Excellent commentaire.
Merci Régis.
Bravo et merci pour ses explications .
L analyse et analyser ..
Merci Regis
C’est quoi cet article plein de contre-sens c’est du gloubiboulga écrit avec chat gpt? Sinon l’auteur devrait se faire relire par quelqu’un qui connait la macroéconomie….
Je trouve cet article de qualité. Pas évident pour un article sur l’immobilier où tout le monde dit à peu près les mêmes âneries.
Ici, l’analyse est équilibrée, structurée et sourcée. Ça change des idéologues qui ont l’intention de donner leur avis avant même d’avoir analysé quoi que ce soit.
Un taux bancaire à 6% par rapport au taux de 1% début 2023 change forcément un peu la valeur marché d’un bien, dans la mesure où la clientèle cible habituelle perd une part significative de sa solvabilité, les propriétaires sont amenés à faire un effort raisonnable s’ils comprennent la contrainte qui s’exerce sur leurs acheteurs. Mais sinon tout le reste est certainement vrai.
Avant de lire l’article, j’avais oublié le décalage chronique entre l’offre et la demande en France, alors que c’est un paramètre fondamental d’ajustement de tout marché. Et je n’avais pas non plus réalisé que les vendeurs étaient exposés à une augmentation de leur taux d’emprunt lorsqu’ils veulent racheter un bien, ce qui crée un effet dissuasif à mettre en vente, de quoi limiter les stocks de biens à moyen terme. Et donc de quoi limiter la casse. Bien vu.
Très bon article, vraiment.
Merci monsieur Perrissel.
les prix élevés dans le neuf viennent des nouvelles normes énergetiques , autorisons des constructions sans ces normes, laissons les pazssoires f et g se louer et se construire; sinon nous aurons certes moins de mal logés maios plus de non logé;
remettons les normes au niveau de 1960 et le marché se détendra
Allez , faut attendre que des gens perdent leurs jobs et leurs maisons pour en profiter..quel monde sympa.
Que cela soit l article ou les commentaires j ai rien appris.
L analysé me laisse sans voix plutôt sans mot.
L avenir nous donnera ses propres raisons en attendant vous ne m avez pas convaincu.
Dommage
Je m interroge. Si les prix restent du même ordre et que les taux montent, les jeunes svt primo accédant, sans héritage sont hors jeu ou achètent très petit. Comme bcp de loyers sont bloqués, la location devient plus confortable d autant que les lois DPE assomment les propriétaires qui eux auront quasi 0 aide. Donc ils ne se créent pas de patrimoine pierre sécurisé. Avec l inflation, le patrimoine liquide n est pas simple a créer., le marché de vieux va donc se concentrer sur les stations balnéaires ou montagne? Et avec le 0 artificialisation de 2050, compliqué de faire de l.accession a la propriété bref, ne construit on pas une société de locataires avec des fonds immobiliers ?
Je suis vraiment d’accord avec Denis, Remi et Laurent. Article très discutable.
Regis Maag vous maniez très bien la langue Française, néanmoins cela ne rend pas pour autant le fond de vos propos juste.
L’homme qui n’a pas vu la crise immobilière arriver 😂😂😂😂.
Et donne des conseils😂😂😂.
Ça fait 20 ans qu’on nous la sors celle là..
“Selon la banque centrale la solution pour rendre les prix abordables est d’augmenter les taux hypothécaires et de raréfier la demande en diminuant le pouvoir d’achat des acquéreurs “.
Tout est dit : il n’est absolument pas dans les projets de nos dirigeants de permettre au plus grand nombre d’accéder à la propriété.
Diminuer les prix oui, mais en excluant un maximum de personnes. Macron (et ceux de son monde) rêve d’une France de locataires avec des société hybrides public-privé dans le rôle du bailleur.
-) cf. les nouvelles formes de propriété
La crise immobilière vient surtout des lois protégeant les locataires délinquants professionnels et les squatteurs. Il y 1.000.000 de logmts vides pourquoi ? L’insécurité juridique du syndicat de la magistrature + engorgement des tribunaux = ruée vers la location meublée qui rapporte plus. Car en plus la location ne rapporte ria son propriétaire. D’ailleurs pourquoi la location d’une voiture de 30.000 € est de 120 €/Jr alors que la location d’un appartement de 300.000 € n’est que de 30 €/Jr !!!! Ça + ca +ça + ça = révolution libérale.
Trop de réglementations et de blocages ont abouti à 1789. L’histoire est un éternel recommencement de la lutte entre les actifs et les assistés ( hier la noblesse aujourd’hui ls fonctionnaires). Lepretexte ds taux d’intérêt sont une diversion politique.