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Serge Bitboul (GECI international), l’épopée d’un passionné d’aviation


À l'origine d'un formidable projet industriel d'avion tout-terrain, Serge Bitboul est porté par un élan qui dépasse le simple esprit d'entreprendre. Audacieux et visionnaire, cet industriel est à l'origine du Skylander, un projet aéronautique qui aurait dû se faire en Lorraine...

© Studio Jean Cavaillon

D’où tenez-vous cette curiosité d’esprit et cette volonté de faire progresser l’humanité, propres aux très grands entrepreneurs ?

Serge Bitboul : Fasciné dès mon plus jeune âge par l’histoire des empires, des grands navigateurs et des explorateurs, j’ai nourri des rêves de voyages et de découvertes. Mon imagination était habitée par le désir de retrouver des civilisations disparues et de découvrir le trésor d’Alexandre le Grand. Ma passion s’est étendue également à des domaines tels que l’anthropologie, l’ethnologie, la linguistique, la philosophie, l’astrophysique… Mon plus grand rêve était d’explorer le monde et de comprendre les diverses cultures qui le peuplent.

À 17 ans, vous quittez Marseille pour vivre une parenthèse hors du commun en Israël. Qu’attendiez-vous de cette expérience ?

Serge Bitboul : Le voyage a toujours été une passion. Cela me permettait de pénétrer de nouvelles cultures et de découvrir d’autres manières de penser. En 1969, j’ai décidé de quitter Marseille pour rejoindre un kibboutz, où j’ai eu l’occasion de rencontrer des volontaires venant des quatre coins du monde, de Scandinavie, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, d’Amérique du Sud, du Japon…

Je serais volontiers parti à Katmandou, mais mon jeune âge rendait le projet difficilement réalisable. En partant pour cette aventure, j’ai eu la chance de découvrir une culture différente et de vivre dans une communauté axée sur le partage et l’échange. Ce fut une expérience très enrichissante et forte de sens qui m’a permis de me familiariser avec de nombreuses cultures et qui a renforcé ma capacité à interagir avec des personnes de divers horizons. Cette compétence précieuse m’a accompagné tout au long de mon parcours professionnel.

Comment vous êtes-vous découvert une fibre entrepreneuriale ?

Serge Bitboul : Après quelques mois passés dans un kibboutz, j’ai décidé de poursuivre des études supérieures. J’ai réussi le concours d’entrée au Technion (Institut de technologie d’Israël, ndlr) à Haïfa, où j’ai suivi un cursus en ingénierie aéronautique et spatiale. Dès la première conférence du doyen de la faculté, j’ai intégré l’intégrité, la rigueur et la sécurité comme des valeurs fondamentales. Cette université était irriguée par un formidable esprit entrepreneurial qui m’a très largement inspiré.

Quel était votre premier projet d’entrepreneur ?

Serge Bitboul : Je suis rentré en France peu après mes études où j’ai acquis une première expérience industrielle dans le domaine aérospatial. Animé par un fort esprit d’indépendance, j’avais envie de vivre l’aventure entrepreneuriale, ce qui m’a amené à créer, à Paris, en 1980, un bureau d’ingénierie et de conseil. Je me suis lancé dans cette aventure en créant une petite SARL au capital de 20 000 francs. Rapidement, j’ai étendu mes activités à l’international en couvrant l’Europe, l’Afrique, l’Asie, l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud. Au fil du temps, nous avons élargi notre offre en passant du conseil en ingénierie et du calcul de structures à l’élaboration de concepts d’avions et d’autres aéronefs. Nous avons travaillé sur différents types d’avions, sur des hélicoptères, des ballons dirigeables, des drones, des missiles, des satellites, des lanceurs…

En 20 ans, votre société a connu une formidable croissance. Quelle est la base de cette réussite ?

Serge Bitboul : La clé de notre succès réside dans le talent de nos collaborateurs. J’ai toujours exigé la plus haute compétence et intégrité de leur part. Entre 1980 et 2000, notre équipe s’est très largement étoffée pour atteindre près de 1 000 collaborateurs. Nous avons développé une expertise à forte valeur ajoutée dans le domaine de l’aéronautique et d’autres secteurs. Nous avons réalisé les premières simulations de crash dans le secteur automobile, renforçant ainsi considérablement la sécurité en cas d’accident.

Nous avons par ailleurs assuré tous les calculs de trajectoires pour les lanceurs Ariane et simulé la signature acoustique de navires et de sous-marins. Nous avons réalisé des projets dans une vingtaine de pays et nous avons créé une quinzaine de filiales et de bureaux de représentation à travers le monde, ce qui nous a permis de collaborer sur des programmes d’avions avec les principaux constructeurs mondiaux…

À quels projets significatifs avez-vous participé ?

Serge Bitboul : Nous avons contribué très activement au projet de développement de l’hélicoptère Rooivalk pour l’Afrique du Sud, toujours en opération. Nous avons par ailleurs apporté notre expertise pour le développement de l’avion bi-turbopropulseur indonésien de 50 places, le N250. Nous avons également travaillé sur une nouvelle conception du KT1 pour la Corée du Sud, un avion d’entraînement qui a rencontré un brillant succès commercial à l’échelle internationale. Nous avons aussi développé un avion agricole dans le contexte du développement de l’industrie aéronautique turque et participé à de nombreux développements d’avions pour des acteurs majeurs de l’industrie aérospatiale tels que Bombardier, Embraer, Dassault ou encore Airbus.

Que retenez-vous de cette période effervescente ?

Serge Bitboul : Nos ingénieurs étaient très motivés et faisaient preuve d’un esprit d’innovation remarquable pour résoudre des problèmes complexes sur certains programmes. Nous avons réussi, par exemple, la conversion du Boeing 747 d’avion passagers en avion-cargo, et ce malgré l’absence de données constructeur. Cette réalisation s’est avérée être un grand succès et a généré énormément de valeur pour notre client. Nous sommes également intervenus sur d’autres sujets tels la réduction de masse des avions, problème bien évidemment très critique dans l’aéronautique ou encore la certification de structures complexes.

Quels enseignements tirez-vous de l’international ?

Serge Bitboul : Notre expérience dans de nombreux pays et régions du globe (Indonésie, Australie, Turquie, Afrique australe, Amérique du Sud) nous a offert une opportunité unique de mieux les connaître. Nous avons pu établir des liens plus étroits avec les institutions et acquérir une compréhension approfondie de ces pays de l’intérieur. Cette immersion nous a permis d’identifier un besoin généralisé en matière d’infrastructures de transport, que ce soit en Afrique, en Russie, en Indonésie, en Amérique du Sud ou dans de nombreux autres pays. Ces zones sont paralysées par l’incapacité d’échanger et de communiquer avec les grands centres urbains et de se désenclaver. De nombreux habitants d’Afrique, d’Indonésie ou d’autres régions isolées, installés dans des régions reculées, n’ont pas la capacité de participer au développement économique.

Par exemple, au sud du Chili, on cultive des fleurs qui mettent environ 12 heures à être acheminées par camion jusqu’à Santiago. Ensuite, elles sont expédiées par la compagnie Lan Chile à Miami, puis elles transitent par Chicago, où elles sont réacheminées par divers moyens de transport. À leur arrivée, les fleurs ont naturellement perdu leur fraîcheur. Je me suis intéressé à l’agriculture à l’échelle mondiale. Force a été de constater qu’une grande partie des paysans et des agriculteurs à travers le monde se heurtent à des difficultés pour acheminer leur production vers les centres commerciaux…

Quelle est votre méthode pour rester à la pointe de l’innovation ?

Serge Bitboul : En intervenant sur de nombreux programmes d’avions, nous avons pris conscience que nous avions accumulé suffisamment d’expérience et de savoir-faire pour nous engager dans une nouvelle phase de notre développement. Nous avons ainsi développé une unité d’intelligence économique et de prospective chargée d’anticiper les besoins et les évolutions du transport aérien. Nous avons entrepris des démarches pour identifier les marchés potentiels et établi de nombreux contacts avec les opérateurs et les institutions dans le but de nourrir notre offre future.

Comment en êtes-vous venu à imaginer un petit avion capable d’atterrir n’importe où ?

Serge Bitboul : L’aviation civile a commencé à se développer dans les années 1940-1950 avec des avions extrêmement simples. Par la suite, le secteur a évolué vers des projets de plus grande envergure, sophistiqués et nécessitant de solides infrastructures. Les constructeurs s’étaient lancés dans des produits plus technologiques, et ont délaissé le créneau de l’avion de brousse. On peut établir un parallèle avec l’histoire de l’iconique Vespa.

Conçue après la Seconde Guerre mondiale, elle a connu un essor phénoménal dans les années 50-60 avant d’être délaissée, puis de retrouver sa popularité dans les années 90. Les premières études conduites nous ont orientés vers un avion de transport tout terrain, à atterrissage et décollage court, doté d’une grande autonomie, capable d’opérations en conditions extrêmes et multiusage (passagers, fret, denrées périssables, évacuation sanitaire…).

Quels sont les avantages de l’avion polyvalent que vous avez imaginé ?

Serge Bitboul : L’idée sous-jacente était de concevoir un avion capable de s’affranchir d’infrastructures aéroportuaires avec la possibilité d’atterrir sur des pistes rudimentaires, de quelques centaines de mètres. Ce devait être un avion polyvalent, qui puisse disposer d’une grande autonomie pour effectuer du cabotage. Cet avion devait également être capable de changer rapidement de configuration pour le transport de passagers, les évacuations sanitaires, le transport de marchandises, etc…

Le marché est-il porteur ?

Serge Bitboul : Nous avons identifié environ 1 800 opérateurs de ce type d’avions, avec une moyenne d’âge de la flotte supérieure à 30 ans. La croissance démographique, le e-commerce, la multiplication des échanges mondiaux viennent démontrer une croissance des nouveaux marchés ainsi qu’un besoin de remplacement des avions vieillissants existants. Il est surprenant de constater que, malgré le doublement de la population mondiale au cours des 30 dernières années, aucun nouvel avion de cette catégorie n’a été créé.

À qui avez-vous confié la tâche délicate de concevoir cet avion unique et disruptif ?

Serge Bitboul : Au début des années 2000, j’ai rencontré Desmond Norman, le créateur des avions Islander et Trislander, qui se sont vendus à 1 500 exemplaires sous la bannière de la société Britten-Norman. Ces avions sont encore utilisés aujourd’hui dans de nombreuses régions, telles que les Antilles, la Polynésie, l’Australie et bien d’autres… Je lui ai exposé le projet du Skylander, un avion légèrement plus volumineux que ce qu’il avait conçu auparavant. Nous avons collaboré et défini précisément les spécifications de l’avion, en mettant l’accent sur la simplicité et le respect des contraintes environnementales…

Vous aviez la certitude que le Skylander allait marcher…

Serge Bitboul : Oui, nous étions pleinement conscients de l’ampleur du marché. Notre objectif était de produire 1 800 avions sur une période de 20 ans. Nous étions déterminés à aller de l’avant et à aboutir à un avion extrêmement compétitif aussi bien en matière de performance, que de coût d’acquisition et de maintenance. Sur le plan industriel, nous avons diminué par cinq le nombre de pièces mécaniques de l’avion, passant d’environ 25 000 pièces pour un avion équivalent d’une génération antérieure à seulement 5 000 pièces.

Nous nous sommes concentrés sur un assemblage final très abouti demandant 2000 heures par avion, et nous avons fait appel à de nombreux sous-traitants, équipés des machines-outils les plus modernes dont nombre de PME françaises. Nous avons estimé être en mesure de proposer au marché mondial un avion performant, compétitif et peu coûteux en entretien.

Au plan commercial, en plus, vous disposiez de solides appuis…

Serge Bitboul : Dès le début du projet, il nous est apparu stratégique de disposer d’un client de lancement majeur. FedEx, une des plus importantes sociétés de logistique, qui possédait la plus grande flotte au monde (environ 650 avions, dont 300 à hélice), avait commandé 200 avions à la société américaine Ayres. Suite à un partenariat conflictuel avec un autre industriel, Ayres a dû mettre un terme à son activité pour des raisons financières. Cette défaillance nous a encouragés à approcher directement la société FedEx. FedEx disposait d’une flotte diversifiée de petits avions, d’âges divers ayant des coûts d’entretien très élevés. Pour remédier à cette situation, FedEx souhaitait adopter un modèle d’avion unique.

Nous avons passé beaucoup de temps avec eux à Memphis pour préciser et spécifier leurs besoins. Nous avons ensuite adapté notre concept d’avion pour répondre à leurs besoins spécifiques, tout en le rendant également adapté au marché du reste du monde. FedEx nous a alors confirmé leur souhait de commander, dès la certification, une première tranche de 100 avions sur une commande globale envisagée de 200 avions…

L’accueil du Skylander a été plutôt réussi…

Serge Bitboul : Notre prospection a remporté un franc succès. C’est à cette époque que nous avons rencontré Steve Udvar-Hazy, le président de la société ALC (Air Lease Corporation), la première société mondiale de leasing d’avions, également fondateur de la société ILFC (International Lease Finance Corporation). Séduit et convaincu par le programme Skylander, il nous a réservé une centaine d’avions. Lors de sa visite au Salon du Bourget 2011, Steve Udvar-Hazy a posé sa main sur mon épaule et a déclaré devant une délégation française en parlant de moi : « Ce jeune homme vendra des milliers d’avions. »

D’autres opérateurs, qu’ils soient basés en Russie, au Japon, en Indonésie, au Brésil, en Afrique ou dans d’autres pays, ont également exprimé leur intérêt pour notre projet. En France, nous avons constaté un engouement pour ce projet en Nouvelle-Calédonie, aux Antilles et en Polynésie, ainsi que du côté de l’armée française…

En plus, dès 2008, votre projet industriel était une formidable opportunité pour la Lorraine.

Serge Bitboul : Victime de la désindustrialisation et de la démilitarisation, la Lorraine était extrêmement motivée pour développer une industrie high tech sur ses terres de tradition plus industrielles (charbon et acier, ndlr). Je n’étais pas préoccupé par le fait que la Lorraine soit inexpérimentée dans le domaine aéronautique, car nous avions déjà réussi ce type de challenge à Johannesburg en Afrique du Sud, à Ankara en Turquie ainsi qu’à Séoul en Corée du Sud. Nous avions démontré notre capacité à susciter la motivation et à réussir. Nous avons réalisé quelque chose d’exceptionnel sur l’ancienne base militaire de Chambley, située à 30 kilomètres de Metz (Meurthe-et-Moselle).

Nous avons mobilisé autour de ce projet des compétences lorraines ainsi que les compétences de nos divers bureaux d’études en Indonésie, en Roumanie, en Allemagne, en Afrique du Sud, à Toulouse. Nous avons réussi à constituer une équipe talentueuse, comprenant d’anciens employés de Dassault, notamment Joseph Maestratti, l’expert en aérodynamique derrière le Rafale et les Falcon, ainsi que Pierre-Louis Cambefort, ancien directeur technique de Dassault, notre effectif passant à près de 200 personnes.

Pourquoi avoir racheté la société Reims Aviation Industries dans le même temps ?

Serge Bitboul : Cette entreprise avait produit une centaine d’avions de 14 places, le F406, notamment utilisés dans des missions de patrouille maritime pour la détection de trafics de drogue, la surveillance des côtes, la lutte contre la pollution en mer, et bien d’autres missions. Les compétences industrielles et d’installation de systèmes venaient compléter celles des équipes du Skylander.

La Champagne-Ardenne et la Lorraine étant séparées de seulement 200 kilomètres, cela s’inscrivait parfaitement dans notre stratégie. Nous avons ainsi été en mesure de pénétrer le secteur de la surveillance aérienne, cette acquisition permettant au groupe de renforcer ses compétences dans les domaines de l’industrie et de la maintenance, tout en approfondissant sa connaissance des marchés de la surveillance.

Et les experts ? Qu’est-ce qu’ils pensaient du Skylander ?

Serge Bitboul : Les évaluations des experts étaient unanimes sur la qualité exceptionnelle de sa conception. Notre expérience de près de 30 ans dans de nombreux programmes nous a permis de tirer des leçons des erreurs observées chez de grands constructeurs. Nous avons particulièrement soigné l’aérodynamique. Je tiens à ce propos à rendre hommage à un géant de l’aérodynamique, Joseph Maestratti, aujourd’hui décédé, qui était extrêmement fier de cet avion à vocation humanitaire…

Au départ, le projet d’implantation en Lorraine faisait l’unanimité…

Serge Bitboul : Absolument. Nous avons reçu les premières aides financières d’Oséo et de la Région Lorraine. L’engouement autour du projet était incroyable. Les équipes réalisent un travail magnifique avec des ingénieurs seniors qui coachent les plus jeunes, ceux-ci progressant de manière spectaculaire en participant au programme.

La Région Lorraine se montre très satisfaite car nous respectons nos engagements de développement d’un emploi qualifié de haut niveau, les universités lorraines contribuant également à former des spécialistes dans les métiers qui nous intéressent. Malgré l’isolement de la base et le manque de personnel qualifié en aéronautique en Lorraine, nous réussissons à créer une équipe formidable composée d’ingénieurs d’une douzaine de pays qui nous ont rejoints avec la motivation exceptionnelle…

Pourquoi la situation s’est-elle inversée à partir de 2012 ?

Serge Bitboul : Tout se déroulait relativement bien jusqu’en 2012, date à laquelle nous n’avons pas réussi à boucler le financement du programme en temps voulu, malgré l’intérêt d’un fonds américain. Cette situation a finalement conduit à l’arrêt du programme et à la cession de la branche aéronautique en 2014.

J’ai tout fait pour assurer la réussite du programme, avec une recherche de marché s’étalant sur une décennie, des clients de lancement prestigieux, un partenariat avec Desmond Norman, la création d’une équipe talentueuse et une chaîne industrielle hautement compétitive. Mais cela n’a malheureusement pas suffi…

Considérez-vous l’arrêt du programme comme un échec ?

Serge Bitboul : C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Est-ce un échec ? Je ne crois pas. J’ai touché du doigt la réalisation de ce rêve en train de devenir réalité, avec des équipes et des partenaires formidables, et cette aventure nous a tous procuré un immense bonheur.

Pour autant, l’objectif était de faire voler cet avion partout sur la planète. Ce créneau avait été négligé au détriment d’une population dans le besoin. Aujourd’hui, je constate que plusieurs programmes se sont inspirés de notre démarche, aux États-Unis, en Chine, en Indonésie, au Brésil…. C’est une bonne chose pour ces populations défavorisées. À mon sens, l’échec réside davantage dans le fait d’avoir cru aux promesses des politiques…

Quelle leçon tirez-vous de ce véritable parcours du combattant ?

Serge Bitboul : Il va sans dire que ces difficultés m’ont été très difficiles à vivre. Je m’étais engagé dans une double mission, contribuer notamment au développement high tech de la Lorraine, et apporter des solutions à toutes ces populations enclavées qui avaient un besoin vital de s’ouvrir sur le monde.

J’ai malgré tout gardé mon enthousiasme pour de nouvelles aventures entrepreneuriales dans des domaines que j’aime beaucoup, qui me sont familiers depuis longtemps, et qui démontrent un grand potentiel de développement : le digital notamment, avec la simulation, le calcul haute performance et l’intelligence artificielle.

Nous entrons dans une nouvelle ère passionnante de l’informatique quantique et des algorithmes quantiques. Un calcul qui prendrait 12 mois avec les processeurs actuels pourra être effectué en un temps record d’un quart d’heure. Imaginez tout ce qu’il va être possible de réaliser. Nous allons assister à un gigantesque bond dans les années à venir auquel nous avons l’intention de participer très activement. Désireux de partager mon savoir-faire entrepreneurial, j’interviens en tant que conseiller stratégique auprès de petites entreprises et de start-up.

Quels sont vos projets en matière de technologie et de « ville intelligente » ?

Serge Bitboul : Les technologies et la Smart City sont le second pilier sur lequel je souhaite m’appuyer. Le concept de Smart City se développe un peu partout dans le monde, et vient intégrer de plus en plus de technologies (conduite autonome, cybersécurité etc) en induisant un tout nouveau type de milieu urbain.

Fort d’une solide expérience dans des projets variés, allant de la construction de l’Université des Femmes à Ryad (Arabie Saoudite) à des prestations liées à la cybersécurité, en passant par la gestion du trafic urbain intelligent et le développement de véhicules autonomes, nous sommes désormais légitimes pour construire une offre différenciée et compétitive autour de la Smart City alliant nos compétences et celles de nos partenaires sur le plan technologique et digital.

Aujourd’hui, le Groupe compte environ 500 personnes réparties entre la France et le Brésil. Spécialisé dans la Technologie, le Digital et la Smart City, et porté par l’innovation depuis son origine…

Votre conscience des préoccupations gouvernementales semble essentielle…

Serge Bitboul : Sensibilité personnelle et héritage familial. J’ai été sensibilisé aux questions environnementales depuis mon enfance. J’ai profité de mon cursus universitaire pour suivre les cours d’un professeur disciple de Ralph Nader, un défenseur de l’environnement renommé.

En 1971, j’ai eu à rédiger un mémoire sur le scandale de la pollution au mercure causée par les boues de Minamata au Japon. Ce problème de pollution était d’une ampleur considérable et a suscité un important retentissement mondial. Cet évènement m’a profondément marqué et chacune de mes réflexions est innervée par cette conscience environnementale profonde.

Comment imaginez-vous l’avenir de la France sur le plan industriel ?

Serge Bitboul : Il est indéniable que la France a perdu une part significative de son industrie au cours des quarante dernières années, et il semble peu probable que notre écosystème puisse nous ramener aux niveaux d’antan. Je situe cette perte de confiance dans l’industrie dans les années 70, consécutive aux événements de mai 68. Depuis cette époque, on a observé une certaine réticence envers l’innovation et l’investissement dans l’industrie.

Le formidable essor industriel de la période précédente, résultant des impulsions politiques de l’époque, semble difficile à reproduire. Nous sommes désormais à l’ère de l’industrie 4.0. J’espère que la France pourra retrouver une position plus favorable. Cependant, cela nécessite une promotion de l’entrepreneuriat. Nous ne pouvons pas fonder le développement de notre tissu économique exclusivement sur des dirigeants purement gestionnaires. Il nous faut des chefs d’entreprise talentueux et audacieux.

Certains connaîtront des échecs, d’autres remporteront des succès retentissants qui profiteront à l’économie dans son ensemble. Il faut oser.

Propos recueillis par Isabelle Jouanneau

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