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L’Europe vue d’un entrepreneur


Par Cédric Pierrard, PDG d’Efficy Tribune. J’ai toujours eu le sentiment qu’être citoyen européen représentait quelque chose de bien plus grand qu’être simple citoyen du pays dans lequel je suis né. Bien sûr, je suis un citoyen belge dans le sens où mes parents étaient belges, mais je ne me...

Entreprendre - L’Europe vue d’un entrepreneur

Par Cédric Pierrard, PDG d’Efficy

Tribune. J’ai toujours eu le sentiment qu’être citoyen européen représentait quelque chose de bien plus grand qu’être simple citoyen du pays dans lequel je suis né. Bien sûr, je suis un citoyen belge dans le sens où mes parents étaient belges, mais je ne me considère pas comme simplement belge. Je me sens autant chez moi dans d’autres pays européens que celui dans lequel je suis né et j’ai grandi. Personnellement, je m’identifie plus comme un citoyen européen.

Il y a beaucoup de similitudes dans le mode de pensée des pays européens – et je crois que c’est quelque chose que ma génération a eu la chance de ressentir dès son plus jeune âge. Nous sommes la première génération à avoir eu nos premiers salaires en euros. Tous les grands achats de ma vie (ma première maison, ma première voiture…) ont été faits en euros. D’un point de vue personnel et professionnel, nous avons la chance de partager ce sentiment « européen » : nous sommes un continent avec sa propre culture, ses racines, ses coutumes et ses points communs.

Ce que je vis et expérimente en tant que citoyen se traduit également dans le monde des affaires. L’euro a été créé il y a environ vingt ans. Avant l’euro, le taux de change était un cauchemar à gérer dans les comptabilités des entreprises présentes à l’international. Aujourd’hui nous apprécions vraiment la facilité de l’euro. Les entrepreneurs l’utilisent à leur avantage pour devenir des champions européens et les possibilités sont encore infinies.

En Europe, nous sommes environ 600 acteurs sur le marché du CRM. Les meilleurs d’entre eux sont des champions locaux, célèbres dans leur pays d’origine, mais dont l’activité et la notoriété dépassent rarement leurs frontières. Lorsqu’il s’agit d’acteurs présents sur l’ensemble des marchés nationaux en Europe, seuls les mastodontes américains surnagent. L’Europe a besoin d’un champion local transfrontalier qui soutienne les grandes entreprises dans tous les pays où elles sont présentes. Le marché européen de la gestion de la relation client devient mature : nous assistons à de nombreux rapprochements entre acteurs présents sur le terrain. Le marché américain de la gestion de la relation client lui est plus mature encore avec seulement quelques géants qui se partagent le gâteau.

Si l’on s’en tient strictement à l’aspect commercial, il serait peut-être simpliste, voire erroné de considérer l’Europe comme un groupe homogène. La situation est très différente d’un pays à l’autre. De cette diversité, nait la richesse. En tant qu’entrepreneur, je participe à l’écosystème de chaque pays et j’en bénéficie – y compris l’écosystème technologique français, l’écosystème nordique, etc. J’ai des amis entrepreneurs et des relations partout en Europe, et le fait de pouvoir échanger avec toutes ces cultures et tous ces pays différents me permet d’apprendre et de me développer plus rapidement.

Dans cette optique, vous devez envisager l’Europe dans une perspective plus large et être conscient qu’il existe des différences entre chaque marché. Vous devez structurer votre entreprise de manière à être prêt à aborder tous ces marchés à long terme. Vous avez besoin d’une équipe multilingue (en particulier pour les ventes), de bureaux dans différents endroits et vous devez être équipé d’outils adaptés aux différentes géographies et cultures. En résumé, pour fournir un service à l’échelle européenne, vous devez être aussi européen que possible, tant dans votre offre, votre approche commerciale, que dans la culture d’entreprise.

La stratégie de fusion et d’acquisition est un excellent moyen d’y parvenir, cela réduit les délais et les risques. Mais ce n’est qu’une option parmi d’autres. On peut aussi s’implanter dans un nouveau pays et partir de zéro. Mais cette option présente beaucoup plus de risques. En achetant une organisation qui existe déjà, beaucoup de choses ont déjà été faites et le marché a déjà été conquis.
Dans l’ensemble, je pense que l’Europe doit se réveiller.
Notre système éducatif est bon : selon le classement mondial des universités QS 2023, quatre des dix meilleures écoles d’ingénierie et de technologie sont européennes. L’Europe possède certaines des meilleures universités techniques et écoles de commerce du monde, nous formons de bons professionnels et nous ne manquons de rien par rapport à nos pairs dans des régions comme les États-Unis. Nous sommes également à l’avant-garde du développement durable, et c’est peut-être la voie à prendre.

En tant que citoyen européen, je pense qu’une approche durable des affaires est la meilleure (voire la seule !) voie à suivre, compte tenu des défis climatiques auxquels nous sommes actuellement confrontés. Le fait d’être à l’avant-garde sur ces thèmes environnementaux et au cœur d’un écosystème commercial et politique européen, nous place dans la meilleure des positions pour recommencer à jouer un rôle de premier plan. J’ai confiance en la qualité de nos écoles, de nos travailleurs et de nos entreprises européennes, et je pense que ce n’est qu’une question de temps et d’opportunités à saisir pour nous hisser au sommet.


Cédric Pierrard

Cédric Pierrard est un entrepreneur belge. CEO du groupe Efficy, (éditeur de logiciel CRM, 65M€ et 550 collaborateurs), il a réalisé de nombreuses opérations de fusion et acquisition ces dernières années (4 rachats d’entreprise dans le courant de l’année 2021).

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