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Thierry Blandinières hisse InVivo dans le Top 15 mondial agro-alimentaire

Entreprendre - Thierry Blandinières hisse InVivo dans le Top 15 mondial agro-alimentaire

Il transforme son groupe en poids lourd européen avec 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 13 000 collaborateurs et 90 sites industriels. Une mutation spectaculaire…

Quel est l’esprit du plan stratégique « 2030 by InVivo » défini il y a trois ans ?

Thierry Blandinières : Cette feuille de route a pour vocation de nous faire tendre vers un modèle plus vertueux et d’accompagner la transformation des modèles agricoles afin d’être en capacité de nourrir 10 milliards d’êtres humains sur la planète. Nous souhaitons favoriser une transition agricole et alimentaire vers un agrosystème résilient et encourager une agriculture positive et innovante avec les coopératives et les producteurs.

Nous nous sommes assignés plusieurs objectifs : atteindre le zéro résidu de pesticide, contribuer à la neutralité carbone, préserver et régénérer les sols, restaurer et valoriser la biodiversité et diversifier les revenus des agriculteurs. Nous souhaitons accélérer notre développement en activant les cinq leviers de performance du groupe : la transformation digitale, l’innovation, l’internationalisation, la responsabilité sociale et environnementale et le capital humain.

En 2021, InVivo a franchi une nouvelle étape majeure dans son développement en rachetant l’entreprise familiale Soufflet. Quels sont les enjeux associés à cette opération ?

L’acquisition récente du groupe Soufflet (groupe agroalimentaire français de dimension internationale) s’inscrit dans la démarche initiée en 2014 avec le plan stratégique « 2025 by InVivo », accélérée en 2019 avec le plan « 2030 by InVivo ».

Cette démarche est en droite ligne avec nos ambitions d’accompagner la transformation de la ferme France, de servir la souveraineté alimentaire française et européenne et de répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux. L’acquisition du groupe Soufflet permet de démultiplier nos forces pour être en mesure d’accélérer la troisième révolution agricole et d’asseoir notre positionnement comme moteur de la transition agricole et alimentaire.

Ce rapprochement nous donne la possibilité d’investir massivement dans des solutions innovantes pour construire une agriculture à la fois rentable et responsable.

La volonté de consommer mieux et de façon plus responsable est une tendance de fond. Quelle réponse InVivo Retail apporte à cette révolution ?

Les gens se rendent moins souvent dans de grands hypermarchés éloignés de leur domicile  et privilégient les petits centres commerciaux situés en périphérie des villes qui offrent de vrais services avec des produits différenciants au juste prix. Les consommateurs souhaitent désormais être en mesure de faire leurs courses dans un même lieu. Ces nouvelles tendances de consommation sont très intéressantes et permettent au secteur du jardin, après une période de crise, de renaître.

Nous avons ouvert des magasins alimentaires de produits bio et locaux à proximité de nos jardineries Jardiland, Gamm vert et Delbard (1600 points de ventes en France, Ndlr) pour dynamiser ces magasins spécialisés et répondre aux nouvelles attentes de consommateurs plus responsables et soucieux de questions environnementales et éthiques. Nous souhaitions permettre aux clients de nos jardineries de faire leurs courses alimentaires dans un seul emplacement.

InVivo Retail est entré en négociations exclusives avec 2MX Organic, le SPAC de Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari, créé fin 2020. Quel est le sens de ce projet ?

Nous avons rencontré les fondateurs de 2MX qui ont pour objectif d’investir sur ces marchés et de réinventer la distribution autour d’une approche durable.

Notre vision commune et la convergence de nos ambitions donnent un véritable sens à ce projet de collaboration.

2MX Organic dispose de 300 millions d’euros. De notre côté, nous apporterions notre branche distribution avec nos magasins et les ressources opérationnelles sur le terrain. Nous amenons un regard disruptif sur la distribution en combinant tradition et modernité, production et distribution, savoir-faire agricoles et innovation, expérience en magasin et en ligne.

Quelle serait la stratégie de ce nouvel acteur de la distribution spécialisée ?

Cette alliance permettrait d’accélérer la croissance d’InVivo Retail et de créer un leader européen de la distribution responsable, durable et alternative en réinventant le secteur.

Ce rapprochement nous permettrait de consolider notre place de leader sur le marché du jardinage, avec notamment une offre produits axée sur les nouveaux usages des consommateurs.

Il aurait également comme effet de booster le développement de nos animaleries en enrichissant l’offre de produits et de services. Il permettrait enfin le développement des activités alimentaires avec le lancement d’un nouveau concept de magasins porté par l’enseigne « LE GRAND MARCHÉ – FRAIS D’ICI » adossée aux jardineries.

Comment réaliser l’ambition de créer un leader de la distribution responsable durable, alternative et responsable ?

Grâce à ce partenariat, InVivo serait en mesure d’investir 300 millions d’euros dans le déploiement de nouveaux magasins et d’ouvrir rapidement une centaine de magasins alimentaires et des boulangeries à côté des jardineries.

Comment allez-vous réinventer le secteur de la distribution ?

Nous souhaitons proposer une offre durable et locale aux consommateurs. Nous avons donc imaginé un concept de distribution alimentaire, frais et de proximité, respectueux de la nature, avec un rapport qualité-prix équilibré répondant aux attentes des consommateurs en quête de sens, d’authenticité, et de mise en avant des territoires.

L’entité réunissant 2MX Organic et InVivo Retail a pour vocation de devenir une entreprise à mission et d’être certifiée B-Corp. Quel est le sens de ce choix ?

En dehors des acteurs du CAC 40, nous serions la première entreprise à mission cotée en bourse du secteur agroalimentaire. Cette démarche démontre notre vision et notre engagement en faveur de la préservation de l’environnement, de la lutte contre le réchauffement climatique et des questions de société.

Quels sont les impacts de la guerre en Ukraine sur l’agriculture ?

Le conflit russo-ukrainien a mis en lumière le rôle central/indispensable de l’agriculture pour l’alimentation mondiale. Dès l’instant où un pays comme l’Ukraine n’est plus présent sur le marché mondial, le potentiel de ventes des céréales mondial est mécaniquement amputé de 15 à 16 %.

Il faudrait produire 20 millions de tonnes de blé pour contrebalancer l’absence sur les marchés de l’Ukraine qui produit 30 millions de tonnes de blé et en exporte 20 à 25 millions. Ce déséquilibre entraîne spontanément une flambée des prix. On ignore aujourd’hui quelle sera l’attitude de la Russie qui dispose elle aussi d’un stock important de blé à exporter.

Comment le groupe surmonte-t-il la crise céréalière induite par la guerre en Ukraine ?

Le nouvel ensemble que nous constituons, réunissant les activités d’InVivo avec les activités de Soufflet, nous permet d’atteindre une taille critique et nous met en capacité de surmonter les conséquences liées à la guerre en Ukraine et de préparer l’avenir. La situation aurait été largement plus complexe si nous étions encore chacun de notre côté.

Les agricultures française et européenne ont besoin de faire émerger des grands leaders pour résister à la compétition mondiale, exister pleinement et trouver leur place. L’activation du potentiel de la ferme France prend tout son sens dans le contexte de compétition mondiale.

Quelles mesures doivent être mises en place sur le plan de l’agriculture pour répondre aux enjeux géopolitiques actuels ?

Dans ce contexte incertain, l’Europe agricole doit impérativement se remobiliser. Nous œuvrons en ce sens avec les différents ministères. Nous avons le plein soutien du ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, et d’Emmanuel Macron qui nous a reçu à l’Élysée pour échanger sur cette thématique.

L’Europe doit se mobiliser pour relancer son agriculture et être souveraine, non seulement à l’échelle de la France et de l’Europe, mais en prenant également en considération un écosystème plus large incluant les pays d’Afrique dépendants de nos flux de céréales. Nous devons être en capacité d’être autosuffisants au niveau européen et des pays du continent africain. L’enjeu consiste à mobiliser les agriculteurs et à utiliser les pleins potentiels de la ferme France pour atteindre cet objectif.

Comment faire face à la pénurie actuelle de céréales ?

Nous avons la responsabilité d’activer l’ensemble de nos leviers pour booster la production en France et être en capacité de répondre à ce manque de disponibilité de céréales, sachant que cette situation de pénurie est amenée à se dégrader si la guerre perdure. Nous sommes attendus sur ce sujet et sur la manière de construire et fédérer des acteurs économiques autour de nous en France et en Europe. Un certain nombre de questions se posent.

Lesquelles ?

Est-il pertinent de parler avec des pays voisins comme l’Allemagne et les pays d’Europe du Nord pour réfléchir à une coalition permettant de mieux acheter des intrants agricoles dans un contexte d’explosion des prix ? Comment créer une coalition à l’achat et à la vente pour être compétitif et redresser les marchés, sachant que l’enjeu consistera à trouver suffisamment de volume pour nourrir un nombre important de pays qui n’ont pas leur propre production ?

Il n’existe pas d’enjeu de souveraineté sur le blé pour la France car nous exportons une tonne de blé sur deux, mais nous devons prendre en compte ce qui se joue autour de nous en apportant notre aide afin de réguler le marché mondial.

Quelles actions souhaitez-vous conduire prioritairement ?

En ce qui concerne l’Ukraine, nous sommes très attentifs à l’évolution de la situation. Rappelons que notre groupe réunit 350 collaborateurs en Ukraine et y dispose de plusieurs activités : agriculture, malterie et négoce, réparties sur 6 sites. Depuis le début de ce conflit, la sécurité des collaborateurs est la priorité ; les représentants locaux et les équipes en France gardent un lien avec les équipes et les soutiennent par différents moyens.

Une de nos premières actions a consisté à soutenir l’agriculture ukrainienne en continuant de fournir nos 3 500 agriculteurs-clients et en nous mobilisant pour rouvrir nos entrepôts et proposer nos intrants agricoles (engrais, semences, fertilisants, phytosanitaires) au moment crucial des semis printaniers. C’est vital pour l’avenir car les agriculteurs doivent être en capacité de semer un maximum pour disposer d’un potentiel de production suffisant par la suite.

Nous ignorons où nous en serons à cette date, mais nous devons commencer à réfléchir avec nos agriculteurs à la façon dont nous pourrons collecter les grains à l’été, en leur garantissant de racheter et stocker leur collecte, même s’il est impossible de l’exporter. Nous devons continuer à exercer notre métier du mieux possible en Ukraine malgré la complexité de la situation actuelle.

Sur la partie française, l’idée est d’augmenter nos surfaces de production. Le gouvernement français et la Commission européenne ont accepté de lever l’obligation de jachère pour permettre de libérer des hectares. Notre rôle consiste à encourager tous les agriculteurs de notre écosystème afin qu’ils augmentent également leur production dès le printemps prochain, notamment sur le tournesol et le maïs, pour aider à avoir plus de volume sur le marché et ainsi limiter l’inflation qui menace à la rentrée.

Nous nous mobilisons fortement sur ces actions en essayant d’embarquer avec nous l’Allemagne et les pays d’Europe du Nord. Les Américains et les Canadiens s’inscrivent également dans cette même logique d’intensification de leur production de blé.

Quels sont les impacts du conflit russo-ukrainien sur le cours du blé ?

Le prix du blé a connu une flambée historique depuis le début de l’invasion russe. Il est essentiel de donner des signaux forts au marché pour indiquer que nous sommes en train de nous organiser pour assurer une production plus élevée. Nous devons éviter une seconde spéculation associée à un embrasement du cours du blé à 500 – 600 euros la tonne à l’automne, qui conduirait à une crise mondiale. Emmanuel Macron s’est exprimé en mars dernier en tant que président du Conseil de l’Union européenne afin de pointer ce sujet géopolitique lié aux risques de pénurie de céréales (blé, maïs, colza) ou d’aliments pour animaux et à la hausse des coûts dans l’agriculture européenne.

Il a rappelé la présence d’une menace mondiale requérant que les acteurs de l’agriculture s’organisent pour stimuler la production agricole, faire circuler leurs stocks quand ils existent et donner de la fluidité au marché afin d’alléger la pression sur les prix.

Propos recueillis par Isabelle Jouanneau


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