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Les nouveaux défis d’Olivier Mathiot

Sous le soleil d’Aix-en-Provence, Olivier Mathiot, nouveau directeur général de 2050 vient d’arriver à thecamp, à bord de sa Tesla. Il n’a pas changé.

Entreprendre - Les nouveaux défis d’Olivier Mathiot

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Sous le soleil d’Aix-en-Provence, le nouveau directeur général de 2050 vient d’arriver à thecamp, à bord de sa Tesla. Il n’a pas changé. Les cheveux poivre-et-sel battus par le mistral, sa barbe étoffée d’une semaine, il porte une chemise blanche, aérée, en lin. Comme à son habitude, il est décontracté. Le serial-entrepreneur, devenu homme d’affaires à succès, est en train de relever de nouveaux défis qui pourraient s’apparenter aux « 12 travaux d’Hercule ». Portrait connecté d’un homme qui veut réconcilier l’ancien et le nouveau monde.

Il ressemble à l’un de ses navigateurs français qui ont fait le tour du monde. Mais à 50 ans, il prévient qu’il n’est pas « un skipper. J’ai un bateau, mais il est à moteur », s’amuse-t-il. C’est pourtant un sportif accompli, qui boxe toutes les semaines. Quand il ne voyage pas hors de France, il fait la navette entre Paris, Marseille, et thecamp, près d’Aix-en-Provence. L’ancien co-fondateur et PDG de PriceMinister, après avoir quitté, en 2019, le pionnier français de la marketplace et du e-commerce, est devenu, en mai dernier, le directeur général de 2050. 2050, c’est quoi ?

« C’est un fonds d’investissement qui propose un nouveau modèle bâti sur la réconciliation entre le temps long, qui est nécessaire à l’entrepreneur pour se développer et transformer les marchés avec un impact positif sur la société et sur l’environnement, et, le temps plus court, qui est recherché par l’investisseur pour rentabiliser son investissement et limiter les risques. » La discussion démarre presque sur les chapeaux de roue. En entrant dans l’enceinte de thecamp, le personnel de l’accueil salue Olivier. Ici, c’est un peu sa deuxième maison, boisée, grande, conçue pour être « le lieu technologique par excellence à impact positif ». L’endroit fait penser à l’univers du film Les Envahisseurs, avec le célèbre acteur qui joue le rôle de David Vincent, Roy Thinnes. Olivier Mathiot un David Vincent ? Pourquoi pas !

En passant le portique d’entrée, le paysage aux couleurs provençales émerveille tous vos sens. Des bâtiments ultra-modernes, au design qui épouse la forme circulaire, sont sagement posés au milieu des pinèdes. « Ici, explique Olivier, Frédéric Chevalier (NDLR : décédé le 21 juillet 2017, dans un accident de la route) a voulu créer un nouveau monde, un nouveau campus qui tienne compte à la fois de la nature, en la préservant, des nouvelles technologies, en les poussant à la pointe, et, des besoins des entreprises, en mettant à leur disposition nos consultants et nos programmes de formation. » La discussion s’interrompt un instant. Le foodtruck, tout de jaune vêtu, vient d’arriver. Le déjeuner à base de produits biologiques est servi. Sur les terrasses abritées par la canopée, une vingtaine de personnes ont déjà pris place. « Avec la fin du confinement, nos activités ont pu reprendre », explique Olivier.

Un parcours où fleurit la réussite

Il aime à rappeler que ses racines familiales plongent dans le catholicisme et le protestantisme. Né en 1971, à Grenoble, il a hérité de ses parents, Alain et Magdaleine, la rigueur scientifique du chercheur, par son père polytechnicien et chercheur au CEA, et, par sa mère, la fibre littéraire. Après HEC, il démarre sa vie professionnelle au sein d’agences de communication, comme CLM/BBDO. Et, en 2000, Pierre Kosciusko-Morizet (PKM) le contacte : « Bonjour Olivier, c’est ton cousin Pierre. Je suis rentré des Etats-Unis. J’ai un projet pour toi ! » Les deux cousins se retrouvent. Avec leurs autres associés, Pierre Krings, Nathalie Maurin-Gaveau, et Justin Ziegler, ils travaillent sur une start-up. « A l’époque, se souvient Olivier, je travaillais pour DDB, sur des sujets numériques, pour des clients comme DELL, AOL, et NOOS. Je me passionnais, aussi, pour Internet. Je voulais créer ma propre start-up. C’est pour cela que j’ai accepté l’offre de Pierre. »

Avec 60 actionnaires, ils lèvent leurs premiers fonds. Le site priceminister.com est mis en ligne en janvier 2001. C’est un succès inédit. Surtout, qu’il est lancé juste après l’éclatement de la bulle internet. La bulle internet c’est quoi ? C’est l’histoire d’entreprises nouvelles innovantes, les start-ups, survalorisées à l’extrême par rapport à leur activité économique et au marché (les bulles, donc). La méfiance des investisseurs a entrainé certaines à faire faillite (éclatement en chaîne). PriceMinister, de son côté, face aux tempêtes a tenu bon. En 2005, elle réussit sa troisième levée de fonds, d’un montant de 7 millions d’euros. Sa réussite est telle, qu’elle est revendue en juin 2010 au géant japonais Rakuten, pour 200 millions d’euros. L’aventure est un succès. Après le départ de PKM, Olivier devient PDG de PriceMinister entre 2014 et 2018.

Des Pigeons à France Digitale

Entre-temps, Olivier est devenu business-angel, investisseur à titre personnel. Il accompagne, aussi, son cousin dans le fonds d’investissement ISAI, qui réunit, aujourd’hui plus de 300 entrepreneurs-investisseurs, des family offices et des investisseurs institutionnels. Olivier a investi, personnellement, dans des start-ups comme « Shine, qui est une application bancaire pour les travailleurs non-salariés. Tout un monde qui n’a pas accès à l’univers bancaire. Dans les autres fintechs, je suis, aussi, investisseur dans Younited Credit, qui est un véritable succès dans le secteur du crédit. » Il le répétera à plusieurs reprises, ce qui intéresse Olivier, ce sont, d’abord, les aventures humaines. Parmi ces aventures humaines, il en retient une : celle de PriceMinister. « Difficile de faire mieux ! Tous les associés-fondateurs étaient partis quand j’ai été nommé CEO. Cela faisait partie du deal de l’acquisition : que nous réussissions son intégration. J’ai quitté Rakuten début 2019. Ma vie était devenue très internationale. C’était devenu, aussi, un problème familial. » Le burn-out est évité…

Au début de l’aventure PriceMinister, Olivier se marie avec Julie. De leur union naissent Louis, en 2003 et Joseph, en 2006. Si les années 2000, 2003, 2006 et 2010 sont des années importantes, en 2012, Olivier vit une (r)évolution importante : l’entrepreneur-business-angel devient porte-parole du mouvement contestataire des Pigeons, qui deviennent vite médiatiques. Avec l’investisseur de renom Jean-David Chamboredon, et, Carlos Diaz, il lance le mouvement informel de contestation, Les #geonpi, pour s’opposer au budget de 2013 du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, sous François Hollande. De quoi s’agissait-il ? De taxer « à outrance » des plus-values de cession, seul moyen de rémunération des fondateurs de start-ups. Le mouvement est un succès : « Nous avons fait reculer le gouvernement, qui a dû modifier sa loi. A l’époque, nous avions réussi à rassembler autour de nous plus de 70 000 entrepreneurs. » Fort de ce succès, Olivier lance, avec d’autres, France Digitale, une association qui regroupe aujourd’hui près de 2000 entrepreneurs et investisseurs de la tech. « Comme Les Pigeons, France Digitale est une belle aventure humaine. C’est Marie Ekeland, qui l’a initiée, avec, du côté des investisseurs, Jean-David Chamboredon, Philippe Colombel, Emmanuele Levy, Jean Boursereau, Benoît Grosman, et du côté des entrepreneurs, Frédéric Mazzella, Jean-Baptiste Rudelle, Marc Menassé, et, d’autres. Je les ai rejoints après. »

Thecamp, le nouveau monde

En 2019, Olivier reçoit un coup de téléphone : « C’est Jean-Paul Bailly, j’ai besoin de vous à thecamp ». Un nouveau défi se présente à lui. Il présente sa candidature, puis, devient Président non-executif de ce campus d’innovation fondé par Frédéric Chevalier. Un nouveau défi. Alors que notre déjeuner-bio se termine, Olivier se lève et fait le guide. Avec lui, thecamp ressemble à un jardin extraordinaire. Thecamp est un doux-mélange entre la nature, les pinèdes, et des bâtiments, où des amphithéâtres, des bureaux, des terrains de jeux, une piscine, un hôtel et des salles de restauration sont disséminés. Les entreprises y viennent rechercher des sources d’amélioration, de développement et de renouvellement de leurs activités et de leurs équipes.

« L’endroit où nous nous trouvons est comme un nouveau monde. Il manquait. Ici, Frédéric Chevalier et ses partenaires, qui sont de grandes entreprises et des banques, ont investi 60 millions d’euros pour créer ce nouveau monde entre l’immobilier, la construction, et, la protection des pinèdes. L’objectif de l’architecte, Corinne Vezzoni (NDLR : médaillée d’or en 2020 de l’Académie française d’Architecture) était de créer cette communion avec la nature. Il y a ici beaucoup de vert, de transparence, de rondeur. Dans l’esprit des fondateurs, je défends l’idée de l’intelligence collective. Sous la canopée, chacun des bâtiments en forme de cylindre sont des lieux modulaires de travail. » Olivier est intarissable, il prend la pose pour quelques photos, sur la terrasse en teck de l’hôtel. La visite continue. Le lieu est aéré. Le vent se faufile à travers les couloirs ombragés par la canopée. En une phrase, Olivier définit thecamp comme étant « le lieu par excellence qui permet la création de concepts, d’idées, de projets autour de l’intelligence collective pour inventer un futur plus durable, plus inclusif, plus humain. » Il s’y rend une fois par semaine. Il parle de la pandémie : « Nous avons perdu 40% de notre chiffre d’affaires, de 10 millions d’euros. Mais nos activités sont en train de reprendre. »

2050, le fonds qui réconcilie le neuf et l’ancien

Olivier en répétant ses mots de « futur plus humain » semble changer de casquette et porter celle du sage. Tel un philosophe-guetteur, qui voit au loin, il aborde les sujets du réchauffement climatique, et, des objectifs de développement durable. Ce jeune cinquantenaire commence une nouvelle vie. Il veut réconcilier, dans un environnement de plus en plus menaçant, les nouvelles technologies avec la nature, pour créer le monde de demain. C’est sans doute pour cela qu’il a accepté la proposition de Marie Ekeland, de devenir le directeur général du fonds d’investissement qu’elle a lancé, 2050. « 2050 va plus loin que les autres fonds, d’où son nom. C’est un véritable défi de réconcilier le court terme et le long terme, au profit de secteurs majeurs comme l’alimentaire, l’éducation et la santé. Au sein de 2050, notre véhicule de financement Evergreen est, déjà, opérationnel. Nous finançons des sociétés comme Withings, pour la santé connectée. Il y a quelques jours, nous avons obtenu l’agrément de l’AMF. Notre objectif 2022 est de lever 150 millions d’euros pour financer cette société de demain qui sera plus durable, plus respectueuse de la nature et de l’homme. » Olivier Mathiot serait-il devenu « écolo » ? Peut-être. Il est, à la fois, entrepreneur, investisseur, philosophe, responsable et visionnaire. Il voit loin. Et, il s’inquiète pour le monde de demain aux défis inédits. Il ne reste pas sans rien faire et propose des solutions à leurs mesures. Comme Hercule, il entreprend ses « 12 travaux » à lui. Il n’est pas seul.

N ous entrons dans la cafétéria, pour quelques clichés, les derniers. Notre balade et notre conversation se terminent. Olivier Mathiot reprend le volant de sa Tesla, en direction de Marseille. Il a rendez-vous avec son professeur de boxe, Farid, un ancien champion qui aide les jeunes des quartiers nord. Puis, il ira faire un petit tour dans les Calanques, sur le vélo Angell de son ami Marc Simoncini, l’emblématique fondateur de Meetic. Enfin, il compte prendre quelques jours de vacances en famille. Direction les montagnes. C’est, d’ailleurs, comme cela qu’il définit, aussi, thecamp : « un camp de base, une aire de campement où l’on fait le plein d’énergie avant d’attaquer les cimes des montagnes. » Adepte du kite-surf, comme la plupart des start-uppers, peut-être s’essaiera-t-il, un jour, à la montgolfière, qui pourrait bien symboliser le fonds 2050 ? Défis à suivre…

Reportage réalisé par Antoine Bordier, consultant et journaliste indépendant


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