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L’appel de Jean Botti pour faire décoller l’avion hybride Voltaero

L'industriel Jean Botti va-t-il réussir son pari ? Son avion hybride électrique Cassio 330 est dans les starting blocks. La jeune entreprise Rochefortaise Voltaero est en pleine évolution et les annonces se succèdent. Aux dernières nouvelles, un industriel italien s'apprêterait à monter au capital.

Jean Botti

Quitter une carrière de dirigeant dans de grands groupes n’est pas sans risque. Quel fut le déclic qui vous amena à créer VoltAero ?

Jean Botti : La passion. Après avoir passé dix ans au Comex d’Airbus, en charge de la Technologie et de l’Innovation, je me suis dit que je devais aller vers un nouveau défi. Je suis parti dans le groupe Philips pour travailler à la mise en place de leur nouvelle voie stratégique, le groupe étant en pleine phase de transition pour passer de biens de grande consommation vers une activité médicale. J’y étais depuis un an lorsque j’ai appris qu’Airbus abandonnait sa feuille de route sur les petits avions électriques.

Je me suis dit que je devais me lancer, qu’il s’agissait du projet de ma vie, que nous allions pouvoir mettre la France sur la carte de l’aviation générale. Airbus est un géant français de l’aéronautique sur les gros porteurs, mais en dépit de notre passé, nous sommes inexistants sur les autres catégories d’avions. La vision élaborée en 2017 était d’apporter de l’innovation sur ce marché en avançant pas à pas.

Pour parvenir à l’objectif zéro émission en 2050, notre conviction est qu’il faut faire la révolution par l’évolution. Il s’agit de construire une activité qui a du sens, non seulement en matière de dépollution, mais également grâce à l’usage. Ainsi, notre avion a été conçu dès le départ avec une grande porte, car au-delà des passagers, il est adapté au transport de biens, de personnes sur brancard, de handicapés en chaise. Un avion multifonctions.

Quelles sont les caractéristiques qui font de vos avions hybrides-électriques une nouveauté par rapport à d’autres projets ?

Jean Botti : Nous nous positionnons sur une technologie de rupture avec le Cassio. La première étape était de choisir l’hybride électrique, car nous pouvons avancer plus sereinement vers la certification avec deux sources d’énergie. L’aspect thermique ajouté à l’électrique rassure, il s’agit là de l’un de nos brevets principaux. De plus, soyons pragmatiques, il n’y aura pas en un clin d’œil des possibilités de recharge électrique dans tous les aéroports, la plupart devant encore être équipés, or, il faut bien redécoller après un trajet.

Dans un second temps, le Cassio pourra voler avec de l’électricité hydrogène, car nous maîtrisons déjà la technologie. Nous sommes le seul constructeur français et européen à faire voler un avion hybride électrique. Et nous avons déjà volé avec le prototype au biocarburant élaboré avec Total Energies à partir de résidus de raisins, en septembre dernier. Cela renforce notre expérience.

Quel délai pour la certification ?

Jean Botti : Nous avons lancé le processus en octobre 2021 et nous avons bon espoir d’obtenir la certification fin 2025. Nous avons l’avantage d’être connus sur la place. L’équipe VoltAero est constituée de vétérans d’Airbus qui encadrent les plus jeunes. Notre expérience est un atout fondamental.

Votre projet actuel est le Cassio 330 (4/5 sièges), suivi du 480 en 6 places et du 600 en 10/12 places. Quelles sont les cibles privilégiées ?

Jean Botti : Ce sont l’aviation privée et l’aviation médicale. Je pense que nous avons aussi l’opportunité de mordre sur l’aviation d’affaires. Nous allons représenter une alternative pour ces dirigeants de grands groupes dont les déplacements sont décriés par la pollution engendrée.

Vous êtes en cours de construction du site d’assemblage de l’avion sur l’aéroport de Rochefort-Charente-Maritime. Pourquoi la Charente ?

Jean Botti : D’abord parce que l’E-fan et le Cri-Cri étaient fabriqués en Charente avec une équipe installée à Royan. J’ai repris l’équipe, c’était donc « the place to be ». Cela signifie également que nous disposons déjà de notre réseau de fournisseurs. La seconde raison se nomme Alain Rousset, le président de région qui nous a soutenus dès nos débuts. Son soutien fidèle et son engagement nous ont incités à nous installer en Nouvelle-Aquitaine, l’autre patrie de l’aérospatiale avec l’Occitanie.

L’usine de Rochefort a pour vocation l’assemblage de l’avion. Pour les premiers prototypes, la fabrication a été assurée par notre actionnaire Tesi en Italie. La décision du lieu de la production en série n’est pas encore finalisée. Il est prévu 150 avions annuels trois ans après le début de la production. Cette activité va générer 150 emplois directs et trois fois plus en indirect. Le premier vol du prototype 330 aura lieu mi-2024.

Un mot sur vos associés et actionnaires ?

Jean Botti : Je suis parti en solo, le temps que mes deux collègues d’Airbus me rejoignent. Il s’agit de Didier Esteyne, le directeur technique de VoltAero, et de Marina Evans, la directrice générale. Les industriels japonais et italien, Kawasaki et Tesi, sont également deux actionnaires impliqués dans notre projet. Notre projet est donc français, européen et international.

Nous avons par ailleurs des partenaires tels qu’ADP, EDEIS, Safran qui prennent des risques avec nous. Nous travaillons également avec Total Énergies et EDF sur les batteries. Sur les sujets d’intérêt commun, nous collaborons comme d’autres entreprises avec la DGAC et le pôle Aerospace Valley.

Quels sont vos concurrents ?

Jean Botti : Ce sont principalement des Américains (Cessna) et des Chinois (Cyrus et Diamond Aircraft), qui sont encore sur l’aviation traditionnelle mais travaillent sur le sujet. Chez VoltAero, cette année a été celle du marketing. Nous avons fait tous les salons importants et sommes très fiers d’avoir reçu le prix E-Flight au prestigieux salon de Friedrichshafen où se trouve toute l’aviation mondiale du futur.

Il s’agit d’une marque de reconnaissance importante. Nous avons également bénéficié d’une excellente couverture presse aux États-Unis. C’est essentiel, car c’est dans ce pays que se trouvent les plus gros financements industriels.

Parlons justement du sujet qui fâche, le financement ?

Jean Botti : La situation est toujours la même. L’État et la région sont bien présents, ils nous soutiennent. C’est l’investissement privé français qui n’est absolument pas au rendez-vous. Il est absolument affligeant que l’investissement industriel français préfère se concentrer sur du logiciel, contrairement à des pays comme les USA, le Moyen-Orient et bien d’autres.

Les règles européennes nous pénalisent aussi, car il faut trouver un investissement privé égal à l’investissement public, ce qui complique notre tâche et constitue un vrai problème. Cela n’existe pas sur les autres continents. À ce jour, nous sommes en phase de conclusion de levées de fonds pour un montant de 32 millions d’euros afin de mettre l’avion en production.

Vous avez annoncé une précommande de 15 appareils de la part de Sky2Share, pour un total de 218 engagements ?

Jean Botti : C’est exact. Je m’attache à les transformer en commandes fermes. Nous sommes en cours de finalisation d’une commande avec une compagnie internationale que je ne peux encore officialiser. À vrai dire, ce carnet va nous permettre de suivre notre plan de 30 avions, puis de 90 avant les 150 unités/an qui attireront d’autres clients, j’en suis persuadé.

Anne Florin


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