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La Turquie, nouveau paradis de l’industrie ?

A l’occasion de sa visite officielle en France, le vice-ministre Turc de l’industrie et de la technologie, Mehmet Fatir Kacir, s’est exprimé sur l’environnement favorable offert par son pays aux entrepreneurs et investisseurs français.

Crédit photo : Xavier Renauld

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Tribune de Clémentine Bonvarlet, Steinberg Protocol

A l’occasion de sa visite officielle en France, le vice-ministre Turc de l’industrie et de la technologie, Mehmet Fatih Kacir, s’est exprimé sur l’environnement favorable offert par son pays aux entrepreneurs et investisseurs français. Nous avons pu l’accompagner en exclusivité pendant trois jours, à Paris, lors de ses visites et rencontres avec les représentants de l’écosystème entrepreneurial français, de la French Tech à la Station F, en passant par la BPI. Il nous a alors présenté les nombreux avantages mis en place par la Turquie pour attirer les investisseurs et favoriser l’innovation et les créations d’entreprises.

Ces vingt dernières années la Turquie a énormément investi en faveur des nouvelles technologies et a mis en place de nombreux mécanismes pour faciliter la création d’entreprises et l’essor de nouvelles technologies sur son territoire. Le pays a créé sa propre Silicon Valley, et a construit un réseau de technoparks (technopoles), sorte de mini stations F réparties à travers le pays, où sont réunis entrepreneurs, startups, centres universitaires, instituts de recherche et développement, et qui permettent de nombreux transferts mutuels de savoir-faire et de technologies et créent un environnement favorable à l’innovation.

Le gouvernement soutient les entreprises investissant en R&D sur son sol, et leur octroie des prêts et des avantages fiscaux. Si l’on comptait 5 technoparks au début des années 2000, il y en a aujourd’hui 92 qui hébergent plus de 7000 entreprises privées. Avec 1500 centres de R&D et design qui emploient près de 200 000 personnes, 207 universités, 60 accélérateurs, et 80 incubateurs, la Turquie s’est dotée en deux décennies d’un robuste écosystème tech. Et cela porte ses fruits : la Turquie a exporté pour 6,5 milliards de dollars en hautes technologies en 2021, 43000 projets de R&D ont abouti, et 12000 sont en cours.

Au 11e rang de l’économie mondiale, avec une croissance moyenne annuelle de 5% ces 20 dernières années, et une population active jeune (l’âge médian y est de 32 ans contre 44 en Europe), la Turquie attire les investisseurs étrangers, et la presse économique internationale le remarque. Le Financial Times parle de « star de la tech européenne », et la valorisation de ses licornes comme Hepsiburada ou Getir dans le secteur du e-commerce, ou Dream Games dans le domaine du gaming, sont commentées de par le monde. Intelligence artificielle, robotique, mobilités de demain, biotechnologies, objets connectés, fintech, aérospatial, défense, blockchain, réalité augmentée, batteries, aucun secteur n’est oublié. Le pays s’est fixé comme objectif d’avoir 10 licornes d’ici 2023, date anniversaire du centenaire de la République, dans le cadre de sa stratégie industrielle et technologique de 2019, date à laquelle on en comptait zéro. Aujourd’hui on dénombre déjà 6 Turcorns (pour Turkish unicorns) : trois appartiennent au secteur du e-commerce, deux au secteur des jeux vidéo et la dernière en date, Insider, est la première licorne de logiciels Saas dirigée par une femme.

D’ici deux ans, le ministre a bon espoir d’en avoir 5 de plus.

Un exemple : Getir, évalué à 7,5 milliards de dollars, opère déjà dans 6 pays, et s’attaque désormais au marché américain. « Leur objectif est de vous livrer tout ce que vous voulez de l’épicerie à chez vous en seulement 10 minutes. C’est une devise très sûre de soi. Et cela est possible parce qu’ils sont capables de faire de la haute technologie, d’utiliser les données du big data pour créer leur business », affirme le vice-ministre. « C’est notre écosystème tech qui leur a permis de se développer et d’atteindre le statut de licorne. Et l’on va voir de plus en plus de licornes, pas seulement dans les secteurs du e-commerce et du gaming, mais aussi dans la deep tech, dans les biotechnologies, etc. Nombreuses sont les startups qui ont réussi et dans de multiples domaines » poursuit-il.

Si l’e-commerce et les jeux vidéo sont en plein essor, d’autres secteurs comme la santé ne sont pas en reste en matière d’innovation, et la pandémie a permis de démontrer la capacité des startups turques à répondre à des enjeux inédits. La Turquie a ainsi développé son propre vaccin anti-covid. Et dès le début de la pandémie, en moins de deux semaines, elle a réussi à lancer la production de ventilateurs de soins intensifs, en créant un partenariat entre une petite startup, Biosys, basée dans un technopark à Ankara et trois grandes entreprises industrielles, et ce à l’initiative du vice-ministre de l’industrie. Ce sont 20 000 ventilateurs qui ont ainsi été produits pendant la pandémie, et exportés dans plus de 30 pays. « Cela montre à quel point les startups sont importantes. De petits projets peuvent à terme sauver la vie de millions de personnes » déclare le vice-ministre.

La Turquie s’intéresse aussi de près aux startups du secteur de la défense, de la deep tech, de la fintech, de la mobilité verte. Une marque automobile nationale a même été créée, TOGG, dont les premiers modèles 100% électriques ont été présentés lors du CES 2022 (Consumer Electronics Show) à Las Vegas en janvier dernier. Le secteur automobile est en pleine révolution, avec les véhicules électriques, les voitures connectées, les voitures autonomes. Le gouvernement se donne donc pour priorité de soutenir ce secteur afin de voir émerger de nouvelles licornes. « L’objectif de notre gouvernement est d’aborder un changement de paradigme dans l’évolution technologique. Le XXe siècle a vu l’émergence de l’aviation, des milliers d’avions ont ainsi été produits en Europe, mais la Turquie n’a pas su prendre le tournant. Quelques entrepreneurs turcs ont bien essayé de faire quelque chose, mais à l’époque, l’écosystème peut-être, ou le gouvernement, n’étaient pas prêts à soutenir ce genre de projet. Maintenant c’est différent, ces partenariats ouvrent de nouvelles portes à la prise d’initiative par des pays comme la Turquie qui peuvent désormais être à la tête des futures révolutions technologiques. Nous essayons donc d’aborder ces changements de paradigme, afin de pouvoir décoller beaucoup plus rapidement », explique le vice-ministre.

L’humain et l’éducation, clé de la réussite de demain !

Le vice-ministre insiste sur un point clé : la ressource la plus importante est l’humain.

Le gouvernement investit dans l’éducation des futurs startuppers dès le plus jeune âge à travers l’ouverture d’ici deux ans dans toutes les villes turques de maker labs, appelés « deneyap » (qui signifie expérience en turc). Plus de 50 000 élèves sélectionnés du collège au lycée vont ainsi pouvoir être formés sur un éventail de domaines : codage, robotique, cyber sécurité, programmation, nanotechnologies, intelligence artificielle, etc.

La Turquie est aussi l’organisatrice du plus grand festival d’aviation, aérospatial et de technologie au monde depuis 2018 : le Teknofest, qui a accueilli plus de 1,6 million de visiteurs en 6 jours au sein de l’aéroport d’Istanbul, et a lieu désormais chaque année, en collaboration avec des entreprises privées et des institutions académiques. Au programme : airshows, stands de promotion des entreprises internationales ou locales, ainsi qu’un sommet international de startups. Plus de 80 pays participent. Mais le cœur du festival est l’organisation de compétitions dans de nombreux secteurs des nouvelles technologies : éducation, environnement et technologies vertes, robotique, hacking, intelligence artificielle, mobilité durable, biotechnologies, agriculture, fusées, cyber sécurité, voitures volantes, etc., l’émulation de l’imaginaire des compétiteurs est grande ! En 2021, il y a eu un total de 45 compétitions, avec 40 000 équipes et plus de 250 000 jeunes participants. « Cela montre le potentiel de la richesse turque, ainsi que son potentiel d’attractivité pour faire des affaires, accueillir de jeunes talents, développer de nouvelles technologies, faire de la recherche-développement » déclare le vice-ministre.

Le gouvernement attache une grande importance à la collaboration et coopération internationale, et s’inspire de ce qui se fait de mieux à l’étranger. Deux écoles de code ont ouvert en partenariat avec l’Ecole 42, et la Turquie souhaite poursuivre sur cette lancée, et multiplier les partenariats avec la France et le reste de l’Europe. La philosophie derrière ce genre de programmes est l’accès de tous à la technologie. « La technologie ne devrait pas être laissée aux grands monopoles mondiaux. Tout enfant où qu’il soit a le droit de prendre part à cette révolution, et doit avoir accès au développement d’outils pour pouvoir lui-même créer de nouvelles technologies » affirme-t-il.

Comment s’implanter en Turquie ?

A travers cet écosystème entrepreneurial la Turquie souhaite attirer les investisseurs français. Le ministère de l’industrie et de la technologie, et le bureau présidentiel de l’investissement sont prêts à recevoir et discuter avec tout investisseur ou startup souhaitant s’implanter en Turquie. Les portes des nombreux technoparks leur sont grandes ouvertes. « Toutes les startups françaises sont les bienvenues, et peuvent ouvrir un bureau dans nos technoparks. Nous les aiderons, et elles pourront travailler avec notre force de travail talentueuse », conclue le vice-ministre.

Clémentine Bonvarlet, Steinberg Protocol


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