Par Gabriel Terrasse, CEO de L’HYDROPTERE 2.0
Tribune. L’entreprise savoyarde LISA AIRPLANES qui a développé l’hydravion AKOYA, le seul au monde à être équipé de foils, a cessé ses activités et ses actifs ont été mis en vente. Ils comprennent les marques, brevets, moules et outils de production et le prototype n°3 de l’AKOYA qui vole et décolle/atterrit sur terre, eau et neige.
Notre entreprise, L’HYDROPTERE 2.0, spécialisée dans la R&D à l’interface eau/air composée d’une équipe d’experts de l’aéronautique et du naval, a émis une offre de rachat avec un plan de développement.
Mais c’est à une entreprise chinoise à qui le tribunal de commerce d’Annecy a cédé ces actifs.
Nous avons décidé de réagir et de contester cette décision après de la cour d’appel de Chambéry avec le soutien de Neopolia, France Clusters, Pôle Mer Bretagne Atlantique, Crédit Maritime Grand Ouest.
Quels intérêts présentent ces actifs et pourquoi faut-il les garder en France?
Nous travaillons sur plusieurs projets de recherche liés à l’hydrodynamique et en particulier à un phénomène appelé cavitation qui apparaît, entre autres, lorsque qu’on fait évoluer des objets à grande vitesse dans l’eau: hélices, turbine hydroélectrique, foils…
Le résultat est une perte d’efficacité notoire, impactant respectivement la poussée, le rendement et la portance, et cela entraîne une usure prématurée. Pour les hélices de navires, c’est de plus une source de bruit considérable qui perturbe la faune marine.
Repousser l’apparition du phénomène de cavitation ou le supprimer, c’est être capable de résoudre les problèmes évoqués ci-dessus.
L’équipe de Lisa Aeronautics est parvenu à implanter des foils sur un hydravion et les utiliser de façon opérationnelle sur leur prototype n°3 qui fait parti des actifs en vente. C’est une première mondiale.
Et pour nous c’est l’opportunité d’acquérir une plateforme de R&D pour nos projets qui mêlent aéronautique et naval: nous travaillons en effet sur l’implantation de foils sur des avions bombardier d’eau type Canadair, afin d’en augmenter l’amplitude d’utilisation en leur permettant d’amerrir, décoller et d’écoper même en cas de clapot et de petites vagues. Nous voulons également optimiser leur système d’écopage lui aussi soumis à forte cavitation, ce qui grève son efficacité. Enfin, le confort et la sécurité pour l’équipage lors de ces 3 phases s’en trouverait largement amélioré.
Cette plateforme nous permettrait également tester des foils plus rapide pour les navires aujourd’hui limités par la barrière de la cavitation (équivalente au mur du son auquel a été confronté l’aéronautique dans les années 40) qui se situe à environ 50 noeuds en fonction du profil du foil. Et franchir cette barrière de la cavitation, c’est ensuite la possibilité de développer des hélices moins cavitantes. Sur ce dernier point, les retombées environnementales sont considérables (baisse de consommation des navires et préservation de la faune marine) et présente de plus une opportunité business considérable: le marché mondial de l’hélice de propulsion, c’est 4 milliards de dollars par an.
Acquérir les actifs de Lisa Aeronautics, c’est aussi la possibilité de relancer le programme Akoya: parmis les actifs, on retrouve les brevets, les marques, les moules et les outillages de fabrication. Pour aller au bout du programme, il faut optimiser l’Akoya et son process de production et le mener à la certification. Notre équipe est composée, entre autres, de seniors experts jeune retraités d’Airbus capables de commencer ce travail. Nous avons prévu de la compléter avec d’autres talents en cas de succès dans l’acquisition. L’idée est d’implanter une usine d’assemblage autour de Nantes/Saint Nazaire en s’appuyant sur un réseau de sous traitants aéronautique locaux.
Enfin, l’Akoya est un hydravion 2 places de sport. Son marché est élitiste et se trouve en très grande majorité à l’export monde. Aussi l’Akoya ne constitue pas pour nous une finalité, mais bien un point de départ pour développer une gamme d’hydravion de transport, de recherche et sauvetage, de patrouille maritime et renseignement.
C’est pour toutes ces raisons et ce potentiel qu’il nous semble indispensable de préserver le savoir faire et les développement de Lisa Aeronautics en France. Et c’est ce qui constitue notre motivation dans cette affaire.
Comment en sommes nous arrivés à vouloir racheter les actifs de Lisa Aeronautics et pourquoi notre entreprise s’appelle L’HYDROPTERE 2.0 ?
Tout commence le 28 juin 2019 avec le rachat de l’Hydroptère, un trimaran à foils mythique et véritable fleuron du savoir faire français en ingénierie aéronautique et navale. Imaginé par Eric Tabarly, développé par Alain Thébault, l’Hydroptère est issu d’une collaboration de grande entreprises et organismes tels que Dassault Aviation puis Airbus, la DCN (Naval Group), Matra, le CNES, Dassault Electronique, les Chantiers de l’Atlantique, Brochier SA (Hexcel Composites), le CEA….
Lancé en 1994, c’est le 1er voilier à foils de l’ère moderne qui va défricher la voie et inspirer tous les bateaux de course d’aujourd’hui. Après une longue période de fiabilisation (quasiment 15 ans), il devient le 1er engin à voile au monde à franchir la barrière des 50 noeuds et atteint même en 2009 la vitesse de 55,5 noeuds soit 102,8 km/h. Surnommé le Concorde des mers car il est conçu et construit en très grande partie comme un avion il reste aujourd’hui en 2023 le voilier de haute mer le plus rapide du monde (plus vite que les Ultim et les class America).
Abandonné à Hawaï depuis 2015, il est voué à être détruit. Avec un associé californien, Chris Welsh, nous décidons de tenter de le sauver. Cela nous a pris 3 ans 1/2 pour le ramener en France grâce à l’AIRBUS, du groupe IDEA, de LDA, du groupe Fetis et bien d’autres. Aujourd’hui il est à Nantes et nous commençons sa rénovation en vue de le refaire voler et de l’utiliser comme plateforme de recherche pour l’aéronautique, le naval et l’industrie sur des projets liés entre autres à la décarbonation. Nous avons également un second bateau à foils, l’Hydroptère.ch qui va être mis à l’eau cette année et embarquer également des expérimentations.
Comme L’Hydroptère bénéficie d’une visibilité mondiale auprès du grand public commes des clients de l’ultra luxe et des professionnel, nous offrons également l’opportunité aux entreprises de venir afficher leurs couleurs ou marques et communiquer comme l’ont déjà fait avec succès la banque d’affaire Lombard Odier ou la prestigieuse maison d’horlogerie Audemars Piguet.
Si il ne fait pas de course au large, L’Hydroptère peut participer à de grands évènements, embarquer des collaborateurs, des prospects et des VIP, être invité au départ des grandes courses, etc… il peut également être optimisé (il est loin d’avoir atteint son plein potentiel) pour battre de nouveaux records.
L’Hydroptère bénéficie d’une grande notoriété auprès du monde de la recherche et de l’éducation, c’est ce qui nous permet d’embarque dans nos projets de recherche des écoles et des laboratoires de renommée mondiale, mais également des entreprises de pointe.
On peut dire que L’HYDROPTERE 2.0 est une aventure qui est devenue entreprise. Autour de 2 bateaux de record, elle porte des projets collaboratifs à retombées économiques et environnementales. Elle offre également à des marques la possibilité d’une communication premium et à des entreprises et consortium d’accéder à des plateformes de recherche et de booster leur R&D.
Gabriel Terrasse
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