Avec la mise en ligne d’un nombre croissant de services numériques, dont bientôt l’obligation pour les entreprises françaises d’émettre et de recevoir des factures électroniques, la quasi-totalité des personnes et des entrepreneurs impriment les documents, les signent et les tamponnent, puis les scannent avant des les partager sous format digital. Tout cela pour satisfaire à la dématérialisation des documents. Pourtant, même sur un document numérique, la signature et le coup tampon pour authentifier les actes de la vie quotidienne demeurent un passage obligé.
Mais un document ainsi numérisé n’a aucune valeur juridique. La surprise est de taille : seuls les originaux sont juridiquement recevables.
Aucune valeur juridique !
En effet, d’après l’art. 1367 du Code Civil, une signature scannée, étant donné la facilité avec laquelle elle peut être reproduite, ne satisfait à aucune des trois exigences d’une signature valide : l’identification du signataire ; la manifestation de son consentement ; et l’authenticité de l’acte et l’intégrité des données.
Comment faire alors pour signer, tamponner, authentifier la masse géante de documents numériques qui nous submergent ? Comment les entreprises françaises vont-elles pouvoir passer à un environnement où les signatures sont essentiellement numériques, et se transmettre des documents numériques dûment validés ? Sans que cette transition ne soit ni trop coûteuse, ni trop lourde à mettre en œuvre, et soit sécurisée tant du point de vue du législateur que de l’utilisateur ?
Dit autrement, les enjeux sont multiples. Il faut créer des documents numériques authentiques, de façon simple et rapide, en s’assurant que l’émetteur conserve la main sur le document et son contenu, et que ceux-ci soient acceptés par l’organisme qui en demande la certification.
Se préparer à la compétition européenne
Ces enjeux liés à la signature électronique ne concernent pas que la France. Depuis l’émission du règlement eIDAS en 2014 par l’Union Européenne, par ailleurs actuellement en évolution vers le standard eIDAS 2.0, certains pays européens ont déjà adopté un plan pour la prochaine dématérialisation des communications B2B.
Ainsi, depuis 2019, toutes les entreprises italiennes sont soumises à l’obligation de facturation électronique via la plateforme SDI, quel que soit le secteur (B2G, B2C, B2B). De leur côté, l’Espagne et la Pologne rejoignent la France et prévoient de faire cette transition en 2024. Les autres pays européens n’ayant pas encore proposé de calendrier à ce sujet, cette avance permet aux entreprises françaises de se positionner parmi les leaders européens de la dématérialisation économique. Bientôt, l’obligation sera effective… et, en France, nous serons prêts.
Réduire le temps perdu, mais à quel prix ?
Mais les bénéfices vont au-delà de la simple réponse à une obligation juridique européenne. La dématérialisation a un effet significatif sur l’efficacité professionnelle au quotidien. D’après la société britannique SAGE, spécialiste des logiciels pour entreprise, nous perdrions 1 heure par jour et par collaborateur à chercher des documents. La dématérialisation des documents, y compris leur signature, permet de réduire fortement ce temps perdu grâce à la lecture et la reconnaissance automatique des documents, possible à travers diverses applications professionnelles. Ceci permettrait des gains de productivité inestimables… sans dépasser les 35 heures en semaine.
A cela cependant, ceux qui sont chargés de scanner puis d’archiver les documents numérisés signés et authentifiés dans leur entreprise objecteront que la numérisation est terriblement chronophage, que c’est juste une tâche qu’il faut accomplir parce que le législateur le demande et rien d’autre. Pour que les documents soient signés et numérisés en toute fluidité, il faudrait pouvoir reproduire le geste que l’on accomplit avec un stylo et un tampon sur des documents papier avec la même facilité dans l’environnement numérique.
Des formules sont disponibles, qui permettent de signer, de cacheter, d’horodater numériquement des documents. Mais elles restent assez complexes à mettre en œuvre, et passent généralement par des formules par abonnement non seulement coûteuses mais qui engagent l’entreprise pour avec un abonnement pour la préservation de la signature…. Sans parler de la dimension sécuritaire puisque toutes les données sont stockées dans le Cloud du prestataire.
Des technologies sont déjà à notre disposition
Imaginons maintenant une technologie qui permettrait de signer et de tamponner numériquement aussi simplement qu’avec un tampon-encreur, qui lui-même est une évolution technologique des sceaux et du cachet de cire. Imaginons une technologie qui aurait la même capacité légale de délégation de la signature que le tampon encreur ?
Le Bluetooth est utilisé par un certain nombre d’applications et d’appareils connectés (les montres connectées par exemple). Il est aussi utilisé dans les stylets tactiles ubiquitaires, dont la popularité croissante montre qu’il a été possible de réinventer le stylo pour transposer élégamment et de façon parfaitement lisible une écriture manuscrite sur tout type d’écran. La technologie est suffisamment mûre pour transformer le tampon encreur en tampon numérique.
Couplée à une politique sécurisée du stockage des données, cela permettrait de créer un ustensile capable de répondre à la double nécessité de signer et d’apposer des tampons numériques tout en conservant la main sur ses données.
La transition numérique impose de multiples contraintes à la société. Elle ouvre aussi de multiples voies au progrès, d’autant que les matériaux, les ressources, les espaces de stockage sont limités.
Une réponse “à la française” à ces enjeux
Dans la French Tech, on trouve des innovateurs qui ont su répondre aux enjeux de la transition numérique européenne avec une touche d’élégance toute française, en permettant une utilisation plus intuitive d’objets du quotidien grâce à Internet, sans faire fi de la dimension sécuritaire des données personnelles.
Une voie qui semble se dessiner passe par un tampon numérique connecté, qui embarque une authentique signature et permet d’authentifier et d’horodater un document. Tout comme en son temps la puce électronique avait été créée en France, on pourrait bien tenir là une solution simple, évidente et facile à mettre en œuvre qui pourrait légitimement trouver sa place… dans le monde entier.
Yann LE BAIL
Co-fondateur et CEO de Bystamp