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La reprise de société à 1€ : un miroir aux alouettes ?

Entreprendre - La reprise de société à 1€ : un miroir aux alouettes ?

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Par Thomas Colin, cofondateur d’Alvo.

Tribune. Depuis quelque temps, on voit fleurir sur les réseaux sociaux des vidéos et des posts relatant la formidable opportunité de racheter des sociétés à moindre coût. Ces messages s’adressent souvent en priorité à une cible de jeunes entrepreneurs en puissance, qui se rêvent en nouveaux Bernard Tapie, icône française par excellence de la reprise de sociétés en difficulté. Si bien que la reprise d’entreprise à 1€ est en passe de devenir dans l’inconscient collectif le nouvel eldorado de l’argent facile. Or, si le rachat à faible coût peut s’avérer tentant pour des acquéreurs novices à l’apport limité, ce type d’opération comporte dans les faits d’importants risques financiers qui peuvent être en partie mis sous contrôle si l’on sait activer les bons leviers.

Le restructuring est un sport de « riches »

À la recherche d’une opportunité pour se lancer rapidement dans les affaires, de nombreux entrepreneurs se sont récemment intéressés au rachat d’entreprise, jugé comme une alternative plus sûre et plus efficace que la création d’une société. Surfant sur cette vague, certains créateurs de contenus ont alors multiplié les posts sur les reprises à 1€ symbolique. Une offre tentante à bien des égards pour des repreneurs qui peuvent ainsi récupérer une entreprise pour pas grand-chose. Et dans le cadre d’une reprise à la barre du tribunal, cela peut même s’accompagner d’un effacement des dettes et la possibilité de ne reprendre qu’une partie du personnel. Les nouveaux investisseurs peuvent également bénéficier d’aides financières ou fiscales pour relancer l’entreprise. Sans compter le fait que racheter une entreprise pour 1€ offre l’opportunité de développer une activité sans avoir à construire une entreprise à partir de zéro.

Il n’en reste pas moins que même si le rachat des titres ou des actifs en eux-mêmes ne coûte qu’1€, le projet de retournement d’une activité est bien globalement plus coûteux car il convient d’avoir une surface financière suffisante pour couvrir les pertes de la période déficitaire qui va s’écouler jusqu’au retour à la profitabilité et tous les coûts de restructurations associés (notamment en matière de licenciements). Avec un risque très clair : le sous-financement.

Être sous financé, c’est reprendre une société à 1€, engager ses économies pour financer les pertes et les restructurations pendant quelques mois puis de se retrouver à son tour à court d’argent, et donc devenir à son tour une cible pour un rachat à 1€. Et c’est malheureusement aujourd’hui le lot de bien des projets de restructuring. Afin de ne pas risquer de perdre les sommes engagées dans le projet, il apparaît donc incontournable de mettre en place une stratégie financière solide et de poser les bons diagnostics en amont de l’achat.

D’un point de vue purement financier, 1€ est rarement le bon prix…

La plupart des opérations de cession d’activité se font à prix positif. Mais il existe aussi des opérations à prix négatif, où le cédant accepte de procéder à une dernière injection de trésorerie dans la société avant de la céder. Il s’agit souvent de grands groupes voulant se séparer d’activités en difficulté sans passer par une liquidation judiciaire et qui préfèrent une « cession à soulte ». Dernier exemple en date : les discussions en cours sur la reprise d’Orange Bank. Dans le cas où une activité a foncièrement une valeur négative, la racheter 1€ est donc bien trop cher contrairement à ce que l’on pourrait penser. A cet effet, établir clairement les projections de trésorerie d’une entreprise avec des marges de manœuvre suffisantes apparaît comme la condition sine qua non à une bonne affaire.

L’importance de soutenir l’effort dans la durée

Une société en difficulté est souvent abîmée : réputation auprès des clients ou des fournisseurs, meilleurs éléments du personnel déjà partis… Il faut du temps pour reconstruire des bases saines. Pendant cette période, la société continue souvent à perdre de l’argent. Il est donc crucial de pouvoir continuer à injecter de l’argent pour pouvoir les couvrir. Et entre les business plans de retour à la profitabilité et la réalité, il y a souvent plus de mauvaises nouvelles que de bonnes. Il faut donc s’assurer de pouvoir soutenir l’effort de retournement dans la durée.

Comme pour tout investissement, il existe des risques généraux liés à la reprise d’une entreprise pour 1€. Mais là on parle aussi de risques spécifiques. Par exemple, il est possible que l’entreprise ne dispose pas de clients ou d’activités régulières, ce qui peut compliquer le processus de relance. De plus, il peut y avoir des dettes ou des charges cachées liées à l’entreprise, généralement découvertes seulement une fois la reprise effectuée. Et dans le pire des cas, on peut tout simplement avoir investi dans une entreprise désarmorcée, sans avenir. C’est la raison pour laquelle le rachat d’entreprise à 1€ ne doit pas être assimilé au nouveau moyen de faire de l’argent facile mais doit être considéré comme une catégorie d’investissement risqué, nécessitant des analyses financières prudentes et une surface financière suffisante dans la durée.

Thomas Colin, cofondateur d’Alvo.


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