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« La contre-offensive ukrainienne a fait pschitt »

Volodymyr Zelensky (Photo Ukrainian Presidency via ABACAPRESS.COM)

Par Claude Brovelli*, ancien journaliste et grand reporter

Dans cette tribune, Claude Brovelli souligne les interrogations qui se posent à propos du Hunter Biden, le fils du président des USA, et offre un point très personnel sur la situation ukrainienne.

Je ne crois pas une seconde à une aggravation telle que celle-ci nous conduirait jusqu’à un conflit nucléaire.

S’agissant du conflit Russie-Ukraine, force est de constater que la « contre-offensive » ukrainienne annoncée a jusqu’ici fait pschitt, tout comme a fait pschitt le coup de sang de Wagner.

  1. La contre-offensive ? Il est clair que la totalité du Donbass demeure sous contrôle russe, malgré quelques incursions ici et là ! De plus, on imagine difficilement le pouvoir ukrainien reconquérir toute ou partie du territoire du Donbass et ses populations russophones, dont Kiev n’a pas toujours pris soin. Si d’aventure la suite des évènements venait à inclure un nouveau référendum dans ces régions, ce dernier organisé avec toutes les garanties internationales indispensables, rien ne dit qu’il serait massivement défavorable à la Russie.
  2. Je pense qu’il est trop tôt pour déduire que le coup de sang de Wagner a fragilisé le pouvoir de Poutine. D’une part, ces groupes de mercenaires sont désormais intégrés dans les forces russes et Poutine va continuer à en user à l’avantage de la Russie, notamment pour mener sa stratégie économique en Afrique. D’autre part, cela, à mon sens, devrait plutôt renforcer le pouvoir du maître du Kremlin qui doit être en train d’en profiter pour « faire le ménage » au sein de l’armée et des responsables régionaux qui ont pu faire preuve, pour le moins, de faiblesse. Pour cette stratégie, on peut lui faire confiance.

Il est clair que – comme on le sait depuis le début de ce conflit ukrainien – ce sont les Américains qui décident. À ce stade, on peut faire deux constatations simples : d’une part, ils ont bien réaffirmé à Monsieur Zelensky de ne pas s’en prendre directement au territoire russe, et d’autre part, on peut se féliciter de ce moment de lucidité du président Joseph Robinette Biden, affirmant très vite lors du coup de sang de Wagner qu’il préférait avoir Poutine à la tête de la Russie.

De plus, comme la campagne pour les prochaines primaires américaines va débuter dans les mois à venir, on peut supposer qu’un début de solution à cette guerre serait profitable au prochain candidat démocrate, que ce soit Biden ou un autre. C’est l’une des raisons pour lesquelles je reste convaincu que des canaux de discussion directs et indirects restent ouverts afin d’arriver, pour le moins, à une cessation des hostilités, à un cessez-le-feu, voire à l’ouverture de discussions, peut-être d’ici à la fin de l’année ou au début de 2024.

À cet égard, il y a un fait plutôt positif qui peut constituer une preuve d’apaisement : les Russes ont déjà partiellement reconstruit la ville de Marioupol, une ville portuaire et industrielle située sur la mer d’Azov. Soixante mille personnes y travaillent 24 heures sur 24 et une vingtaine d’immeubles flambant neufs ont été reconstruits en six mois dans cette ville qui ressemblait au Berlin de 1945. Certes, il reste beaucoup à faire, mais on peut se demander, à travers ce début de reconstruction, si une sorte d’accord, même non-dit, existe pour que le conflit se poursuive à coups de frappes mesurées jusqu’au moment où apparaîtra au grand jour un début de négociation qui, de toute façon, est inévitable.

On peut considérer que le voyage en Chine à la mi-juin du chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, où il a été reçu par le président chinois Xi Jinping, démontre le lien direct entre Pékin, soutien de la Russie, et l’exécutif américain, et que le conflit ukrainien était évidemment sur la table.

Quant à évoquer l’existence de « mafias », d’abord en Ukraine qui avait pris en 2017 la première place des pays les plus corrompus d’Europe, mais aussi en Russie, et même à la Commission européenne de madame Van der Leyen, mais aussi en France, chacun devrait plutôt voir la poutre qui est dans ses yeux plutôt que la paille dans l’œil des autres.

Et puisqu’on parle gros sous, parlons économie : l’ensemble des territoires ukraino-russes (appelons-les ainsi en l’état actuel de la situation) regorgent de ressources naturelles. Un quart des terres arables en Europe, les houillères du Donbass, les gisements de fer et de manganèse, les mines de charbon, d’uranium et de potasse. La sécurité alimentaire mondiale est garantie par trois cultures : maïs, blé, riz, qui représentent 60 % de l’apport alimentaire mondial. Le soja, la plus grande source d’aliments protéiques pour animaux, représente 65 % de l’approvisionnement mondial. Il faut y ajouter 180 millions de tonnes d’engrais qui nourrissent chaque année les terres agricoles, le tout transporté pour nourrir trois milliards de personnes. Ces données, confirmées par Alain Bauer dans son livre « Au commencement était la guerre », ne peuvent pas être ignorées des grandes puissances (Amérique, Russie et Chine, entre autres) qui tirent les ficelles en Ukraine.

On peut aussi constater en cette seconde moitié de l’année 2023 que les anciens empires sortent à grande vitesse de leur léthargie : Perse (Iran), Ottoman (Turquie), Slave Orthodoxe (Russie) et Han (Chine). S’agissant de la Chine, précise Alain Bauer, elle détient entre autres des participations dans 61 installations portuaires dans 30 États africains.

Les Russes quant à eux, suite à l’étrange « pschitt » du patron de Wagner, Evguéni Prigojine, procèdent depuis au remplacement des troupes mercenaires en Afrique par des inconditionnels de Vladimir Poutine.

Force est de constater que les Américains ne sont plus les maîtres incontestés de la planète, fut-ce au prix de guerres meurtrières et inutiles, sauf pour leur économie et leurs usines d’armement. Les plaques tectoniques bougent maintenant de tous les côtés. C’est aussi fascinant qu’inquiétant et, encore une fois, bien malin qui pourrait prédire l’avenir.

Le sommet de l’OTAN à Vilnius, en Lituanie, pays frontalier avec la Pologne (atlantiste) et la Biélorussie (prorusse), n’a pas apporté de nouveauté spectaculaire. Bien sûr, tout le monde a soutenu l’Ukraine, ce qui était prévisible, mais contrairement au souhait du président Zelensky, l’adhésion de son pays à l’organisation n’est pas pour demain. Les uns et les autres ont de nouveau promis de nouvelles fournitures militaires. Avec 31 000 milliards de dollars de dette, les Américains atteignent un seuil d’alerte et le puissant lobby militaire US réclame en permanence une augmentation de son budget qui atteint le chiffre faramineux de 830 milliards de dollars en prévision d’une guerre future contre la Chine, un chiffre inédit en période de « paix ».

La courte majorité républicaine du Congrès mène la vie dure au Président Biden, et les États-Unis se révèlent plus fracturés que jamais. Et puis, en dépit des postures des uns et des autres, il faut toujours avoir à l’esprit le fonctionnement habituel des Américains lors de conflits : ils n’ont aucun état d’âme pour appliquer leur stratégie, même lorsque celle-ci est défavorable pour leurs alliés. Seul leur intérêt géopolitique et économique compte et, on ne peut pas leur en vouloir ; le tout est de le savoir !

D’autre part, on peut se demander pourquoi les Républicains n’ont pas encore exploité la bombe à retardement dont ils disposent concernant les activités passées en Ukraine de Hunter Biden, le fils du président.

Dans son livre, « Le chaos ukrainien », Nicolas Mirkovic explique qu’en 2014, alors qu’il était le vice-président de Barack Obama, Joe Biden est intervenu « fortement » auprès du président ukrainien d’alors, Pedro Porochenko, lui demandant de destituer le procureur général Victor Shokin qui enquêtait sur les affaires du patron de Burisma en Ukraine, sous peine de se voir refuser un prêt du FMI de 1 milliard de dollars. Le procureur fut destitué en quelques heures et Hunter Biden entra au conseil d’administration de Burisma Holding, l’un des plus grands opérateurs des hydrocarbures, pour un salaire de 83 333 dollars par mois.

Et puis, il est difficile de faire l’impasse sur l’affaire de l’ordinateur de Hunter Biden. Il a confié son portable endommagé à un réparateur du Delaware le 12 avril 2019. Étant donné qu’au bout de trois mois, il n’était pas venu le récupérer, celui-ci est devenu la propriété du réparateur qui l’a remis au FBI fin 2019 après avoir fait deux copies du disque dur. Entre-temps, Rudy Giuliani, ancien maire de New York et membre du parti républicain, s’est procuré l’une des copies. L’ordinateur dont le disque dur contiendrait des données et des milliers de photos et de films compromettants et extrêmement sulfureux (sexe, drogue et corruption) pour le fils du président américain se trouve désormais entre les mains de la justice. Lors d’une première audition, Hunter Biden a opportunément plaidé coupable pour fraude à l’impôt fédéral et violation de la législation sur les armes à feu. Pour le moment, le contenu de l’ordinateur est soigneusement occulté. À suivre, car le plus important, c’est tout ce contenu largement répandu sur Internet.

La géostratégie passe aussi – pour les pays les plus importants comme la France – par la qualité de leurs élites. Il est donc réconfortant de terminer avec une bonne nouvelle : la Cour suprême américaine s’est prononcée contre la discrimination positive qui était en pratique dans les universités depuis des décennies et qui visait à donner plus de chances à des étudiants issus des minorités. Sauf que cette pratique favorisait finalement les étudiants noirs au détriment des autres minorités, notamment asiatiques. Des plaintes avaient alors été déposées contre l’université Harvard et l’université de Caroline du Nord. Le président de la Cour, le juge John Roberts, a estimé que l’étudiant doit être traité en raison de son expérience en tant qu’individu et non pas sur sa race. On revient ainsi à un simple bon sens où le système est entièrement fondé sur le mérite. Cette discrimination positive était d’ailleurs rejetée par une majorité d’Américains. Les sondages révèlent que 57 % des électeurs blancs, 52 % des Asiatiques et même 29 % des Noirs sont désormais opposés à la discrimination positive. D’où l’utilité des statistiques ethniques.

Souhaitons que cette décision de la Cour suprême américaine traverse l’Atlantique pour arriver vite jusque chez nous, comme ont été importées les théories folles, fanatiques, absurdes et nuisibles venues de Californie. Si ceci pouvait amorcer un reflux de la bêtise et de la manipulation pour le plus grand profit des générations à venir de jeunes Français, on ne pourrait que s’en féliciter.

Claude Brovelli

Claude Brovelli, aujourd’hui âgé de plus de 80 ans, a dirigé dès les années 1960 des éditions d’information télévisées du soir. De 1969 à 1972, il présente sur la première chaîne, le journal le plus regardé d’Europe. Auteur de plusieurs ouvrages, dont un à paraître prochainement, il mène à présent une vie paisible dans son appartement du 16e arrondissement de Paris, et écrit régulièrement pour Géostratégie magazine.


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