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IA et souveraineté : Google en sait plus que l’INSEE sur la France ! 

Entreprendre - IA et souveraineté : Google en sait plus que l’INSEE sur la France ! 

Intelligence artificielle, gouvernance et souveraineté : que les enjeux éthiques. Dans cette tribune, Laurence Vanin interpelle les autorités européenne. Docteur en philosophie politique et épistémologie, Laurence Vanin est titulaire de la chaire « Smart city : Philosophie et éthique » à l’Université Côte d’Azur.

Imperceptible, abstraite, dématérialisée, l’IA a investi tous les domaines des secteurs publics et privés. Même si certains s’en méfient, l’IA tend à faire évoluer les territoires et les conditions de vie de nombreuses personnes. Invisible mais à l’œuvre dans les objets connectés, elle offre aux territoires la possibilité d’innover plus vite et de tendre vers des e-territoires. Utile, elle facilite la fluidité des informations, des trafics routiers et piétonniers, la gestion de la consommation d’énergie, la santé, l’industrie, la sécurité et la cybersécurité etc. L’IA est partout.

Son développement a engendré une véritable révolution numérique et technologique. Chaque pays a donc travaillé à son développement, ce qui a engendré une géopolitique du numérique dont la possession des données a modifié les logiques de pouvoir. Les Etats ont donc souhaité affirmer leur puissance dans le cyberespace. De nouveaux acteurs ont investi le numérique en créant leur plateforme, leur cloud, et en imposant d’autres formes de gouvernances. Effectivement, ces plateformes ou multinationales se sont imposées par leurs puissances financières. Alors qu’hier les Etats étaient souverains, ils se doivent aujourd’hui de mutualiser leurs services, leurs compétences et ils sont en concurrence avec le secteur économique privé puisqu’ils doivent composer avec les géants du numériques. Ce qui entraîne des enjeux de pouvoirs inédits puisque les géants du numérique imposent leur puissance, rivalisent avec la souveraineté des Etats. Là où les Etats norment leurs usages et se soumettent aux lois associées, les multinationales qui détiennent les plateformes numériques créent leurs propres constitutions et imposent leurs conditions générales d’utilisation. Un clic d’acceptation suffit à susciter l’adhésion !

Comme ces multinationales développent des réseaux sociaux, des plateformes commerciales, elles sont attractives, d’autant qu’elles sont souvent gratuites. Elles concentrent aujourd’hui des milliards d’utilisateurs qui alimentent des serveurs de multiples données qui sont autant de renseignements – qui constituent des programmes de surveillance de masse – et renforcent leurs puissances. Cette situation révèle la volonté de contrôler les territoires et d’exercer une influence sur les populations. Déjà Henri Verdier, administrateur général des données avait en 2015 noté dans son rapport au Premier ministre : « Google en sait plus que l’INSEE sur la France ! »

L’Europe a réagi en envisageant une IA de confiance, ou encore en créant le RGPD. Néanmoins les géants du numérique parviennent à convaincre et à gagner en hégémonie de manière douce, le soft power, et en imposant un
modèle culturel (chinois, ou américain). Mais lorsque des Etats usent d’ambassadeurs du numérique pour dialoguer avec les dirigeants des grandes multinationales de la Silicon Valley, ou avec des dirigeants de Méta ou Twitter, ils leur confèrent un statut de puissance diplomatique. Ce qui pose alors le problème de savoir si les géants du numériques sont des organisations politiques ?

De fait, il serait judicieux de réfléchir au modèle de souveraineté numérique que l’Europe pourrait leur opposer. Un modèle démocratique qui intégrerait une doctrine éthique afin de générer de la confiance et fédérer les usagers-citoyens autour d’un numérique respectueux des droits fondamentaux.

Une puissance pourrait être constituée à partir de multinationales du numériques européennes susceptibles de permettre aux Etats européens de restaurer/fédérer leur souveraineté et de résister aux multinationales américaines ou chinoises. Dès lors, les données des usagers européens ne fuiteraient plus vers les autres puissances et l’espace européen numérique constituerait alors une zone d’opacité pour les GAFAM. Cette première étape d’un plan de résistance pourrait modifier les relations internationales, favoriser une autonomie numérique qui passerait aussi par la création d’un cloud européen sécurisé.

A l’heure de la sobriété énergétique et des grands enjeux de souveraineté numérique il est important de protéger les citoyens des dangers du numérique en créant des instances régulatrices, un droit du numérique susceptible de préserver les personnes et les vivants.
Avant de constituer une puissance numérique européenne autonome capable de modifier les relations internationales entre les acteurs publics et privés du numérique, il devient essentiel de produire une doctrine éthique d’un numérique responsable au service des humains. En proposant un changement de paradigme, elle pourrait se décliner à différentes échelles : la France, l’Europe, le monde et servir d’exemple bienveillant, vertueux et réplicable.
En ce sens, il revient à l’Europe de s’extraire d’un système auquel elle ne peut se soumettre en vertu de la protection et de la sécurité qu’elle se doit d’apporter à ses citoyens en matière d’IA.

Laurence Vanin


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